En cas de faute grave de l’employeur, le salarié sous CDD n’a pas intérêt à agir en résiliation judiciaire

2023-07-18T16:00:11+02:0018 juillet 2023|

La Circulaire DRT 18 du 30 octobre 1990 prévoit que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée (CDD) est celle qui intervient avant le terme initialement fixé dans un contrat de date à date ou avant la fin de la période initiale ou la résiliation de l’objet d’un contrat sans terme précis. Les cas de rupture anticipée du CDD, figure d’exceptions au principe, sont strictement encadrés. Parmi ceux-ci figure la faute grave de l’employeur et la faute grave du salarié (C. Trav. Art. L.1243-2).

Se prévalant d’une telle faute grave de l’employeur, le salarié sous CDD peut être tenté de demander la résiliation judiciaire de son contrat. La jurisprudence lui a reconnu la faculté d’agir à cette fin (Cass. Soc. 14-1-2004, n°01-40.489).

Cependant, les règles encadrant le prononcé de la résiliation judicaire entrainent, dans certaines situations, des conséquences, notamment indemnitaires, qui peuvent ne pas être négligeables pour le salarié. C’est notamment ce que vient d’apprendre à ses dépens un salarié sous CDD dans l’affaire soumise à la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 22 juin 2022 (Cass. Soc. 22-6-2022, n°20-21.411).

En l’espèce, un salarié avait été embauché en CDD saisonnier de 5 mois à effet le 23 avril 2018. Le 21 mai 2018, une altercation a eu lieu entre le dirigeant de la société et ce salarié. Ce même jour, à la suite de cette altercation, le salarié s’est présenté au service des urgences, puis a été examiné par son médecin traitant et a déposé plainte pour violences auprès des services de la gendarmerie.

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 mai 2018 et n’a jamais repris l’exécution de son contrat de travail.

Le 8 juin 2018, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur et le paiement de diverses indemnités.

 

Faute grave de l’employeur : un enjeu indemnitaire

En appel, les juges du fond avaient relevé que la commission des violences caractérisait bien une faute grave de l’employeur qui justifiait le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 21 mai 2018, date des violences.

Les juges avaient alors, en application des dispositions de l’article L.1243-4 du Code du travail, condamné l’employeur au versement de dommages-intérêts.

L’article L.1243-4 du Code du travail dispose en effet que « la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.1243-8 ».

Devant la Chambre sociale de la Cour de Cassation, le pourvoi formé par l’employeur portait sur le fait d’avoir prononcé la résiliation du contrat à la date du 21 mai 2018, date des faits fautifs, et par voie de conséquence, de l’avoir condamné au versement de dommages-intérêts en application des dispositions de l’article L.1243-4 susmentionnées.

L’employeur ne constatait pas le caractère fautif de ses agissements. Cependant, il soutenait, que la rupture anticipée du CDD ne pouvait pas être prononcée à ses torts exclusifs à la date du 21 mai 2018 sans constater que le contrat avait été rompu et que le salarié n’était plus à sa disposition.

 

Une application rigoureuse de la temporalité de la procédure de résiliation en cas de faute grave de l’employeur

La Cour de Cassation va alors rappeler un principe déjà exposé dans le passé, selon lequel, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l’employeur (Cass. Soc. 11-1-2007, n°05-40.626).

La Haute juridiction en fait une application rigoureuse au contentieux d’espèce.

Celle-ci  énonce qu’ayant constaté que le salarié démontrait avoir subi une atteinte physique de la part de son employeur, confirmée par certificat médical, un compte-rendu de passage aux urgences et un arrêt de travail, tous datés du 21 mai 2018, la cour d’appel ne pouvait pas prononcer, à cette même date, la rupture anticipée du CDD aux torts exclusifs de l’employeur alors que le salarié avait saisi à une date ultérieure la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur et le paiement de diverses indemnités.

Cette décision permet alors d’illustrer clairement que les règles de temporalité qui s’imposent à cette procédure rendent, dans les faits, assez contraignant – voire nul – son bénéfice pour le salarié en CDD.

En cas de faute grave de l’employeur, celui-ci pourra avoir plutôt intérêt à prendre acte de la rupture de son contrat par l’employeur à la date des faits fautifs.

 

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