Salaire et rémunération

Définition du salaire

Le salaire est traditionnellement défini comme la contrepartie du travail fourni, il s’agit de la rémunération qui trouve sa cause dans un contrat de travail et dans l’existence d’un lien de subordination. Le salaire désigne alors le coût du travail pour l’employeur. Il est fixé librement entre l’employeur et le salarié ou unilatéralement par l’employeur selon les usages ou convention et accords collectifs. Il peut être fixé selon la durée de travail effectif, le rendement ou au forfait.

Définition de la rémunération

A l’inverse, la rémunération est une notion plus globale incluant toutes les sommes liées à l’accomplissement d’un travail pour le bénéfice d’autrui, c’est-à-dire le salaire de base, les compléments de salaires (congés payés, prime d’ancienneté, gratifications, élément en nature…), les suppléments de salaires (mutuelle, prévoyance, chèques de transport, de vacance ou restaurant) et les éléments périphériques (intéressement, participation au bénéfice). Il peut s’agir, aussi, en dehors de tout point d’ancrage avec le contrat de travail, de la rémunération que s’octroie un indépendant.

Règles du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)

En toute hypothèse, le salaire devra respecter les règles du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), des salaires minimums édictés par des conventions ou accords collectifs, de la mensualisation, de la non-discrimination et de l’égalité entre homme et femme.

Par ailleurs, le salaire constituant un élément essentiel du contrat, il ne peut en principe être modifié unilatéralement par l’employeur. Cependant, le refus de cette modification pourra tout de même entrainer le licenciement d’un salarié si la décision de maintenir la modification du salaire par l’employeur est motivée par l’existence de difficultés économiques réelles et sérieuses. Pour ce faire, l’employeur devra notifier son intention par lettre RAR au salarié qui disposera d’un délai de réflexion de 1 mois pour donner sa réponse (Cass. Soc, 25 juin 2008, n°07-40.841).

Intégration de la participation et de l’intéressement dans le calcul de l’indemnité de licenciement

Pour le calcul de l’indemnité de licenciement, dès lors que le plan de départ volontaire signé dans l’entreprise prévoit que le salaire brut mensuel de référence servant d’assiette à l’indemnité d’accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d’un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, est déterminé conformément aux stipulations d’un accord attaché à la convention collective nationale des industries chimiques, lequel prévoit que le calcul se fait sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles, les primes perçues au titre de l’intéressement, de l’abondement et de la participation doivent être prises en compte (soc., 29 novembre 2023, n°22-18.555).

Les sommes issues des dispositifs de partage de la valeur ont une nature non salariale, comme l’affirmaient dès l’origine l’ordonnance n° 59-126 du 7 janvier 1959 instaurant l’intéressement facultatif, l’ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 sur l’intéressement obligatoire et l’ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 sur la participation et l’intéressement. Faut-il déduire de cette nature l’exclusion des sommes de l’assiette dans le calcul de l’indemnité de licenciement ? L’arrêt du 29 novembre 2023 nourrit le débat au sujet d’une indemnité conventionnelle de départ volontaire pour le .

Dans le cadre d’un plan de départ volontaire, douze salariés ont signé une rupture d’un commun accord pour motif économique de leur contrat de travail. Ils ont saisi la juridiction prud’homale afin que soient prises en compte les sommes perçues au cours de l’année 2013 au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement dans l’assiette de calcul du salaire de référence pour la détermination de leur indemnité d’accompagnement versée dans le cadre d’un plan de départ volontaire. Les salariés sollicitaient les termes de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 3 décembre 1952 instituant le calcul de l’indemnité de licenciement, c’est dire l’importance de l’interprétation en cause susceptible de concerner un nombre très important d’entreprises et de salariés.

Selon l’article 14.3 de l’avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l’accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, « l’indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles ». Ayant obtenu gain de cause devant les juges du fond, l’employeur forma un pourvoi en cassation défendant l’exclusion des sommes de l’assiette de calcul de l’indemnité. Se fondant sur la lettre de l’accord collectif, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi dans cette affaire de calcul de l’indemnité de licenciement.

En rejetant le pourvoi, la Cour de cassation s’appuit « d’abord [sur] la lettre du texte ». Ne sont exclues que les « gratifications exceptionnelles » ; sont visées « notamment […] les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats ». En l’espèce, « l’article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l’entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d’assiette à l’indemnité d’accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d’un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l’article 14.3 de l’avenant n° 3 du 16 juin 1955 ». Il s’en déduit que « les primes perçues au titre de l’intéressement, de l’abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d’affaires ou aux résultats de la société » ; « il n’était ni allégué, ni justifié qu’elles étaient des gratifications exceptionnelles ». La cour d’appel a donc considéré à bon droit que « ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l’indemnité d’accompagnement ».

Légalement l’intéressement, l’abondement et la participation sont des dispositifs dont l’objectif est d’associer les salariés aux « résultats de leur entreprise » ; par conséquent, l’objet des primes liées aux « participations au chiffre d’affaires ou aux résultats » est conforme à l’objet légalement défini.

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Différence de qualification à l’embauche et différence de traitement entre salariés

La seule différence de qualification à l’embauche ne constitue pas en soi une raison objective et pertinente justifiant une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-11.338).

Il est aujourd’hui classiquement admis qu’une atteinte au principe d’égalité peut se trouver justifiée. Il est en effet possible pour l’employeur de démontrer que la différence de traitement entre salariés tient à une raison objective et pertinente (Soc. 10 juin 2008, n° 06-46.000).

Qu’en est-il d’une différence de qualification des salariés à l’embauche ? Peut-elle valablement, lorsque l’un de ces deux salariés finit par obtenir la même qualification qu’un autre recruté à la même époque, suffire à évincer une demande de rappel de salaire fondée sur le principe d’égalité de traitement ? C’est à cette délicate question que la chambre sociale de la Cour de cassation est venue, par son arrêt du 13 septembre 2023, apporter des éléments de réponse.

En l’espèce, un salarié avait été engagé en qualité d’assistant journaliste reporter stagiaire, avant d’être promu en qualité de journaliste reporter d’images, puis de chef de service.

Après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes. Il estimait en effet avoir été victime d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement du fait d’avoir perçu pendant près d’une année une rémunération moindre qu’un autre salarié pourtant selon lui placé dans une situation similaire.

Les juges du fond le déboutèrent de ses demandes, retenant que cette différence était justifiée objectivement dès lors que les deux salariés n’avaient pas la même qualification ni la même expérience professionnelle lors de leur embauche, de sorte qu’il forma un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, va donner raison au salarié estimant que si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l’avantage en cause, aient la possibilité d’en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes.

L’employeur ne peut pas invoquer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier, de façon objective et pertinente, une différence de rémunération (Soc. 30 avr. 2009, n° 07-40.527 : il ne peut accorder des avantages particuliers à certains salariés que si tous les salariés de l’entreprise, placés dans une situation identique, peuvent en bénéficier et que les règles déterminant l’octroi de ces avantages sont préalablement définies et contrôlables (Soc. 10 oct. 2013, n° 12-21.167).

Mais peut-on considérer que cette justification objective et pertinente puisse provenir de la qualification lors de l’embauche, y compris lorsque celle-ci date de plusieurs années ?

Il se trouve qu’en l’espèce, les juges du fond avaient d’abord relevé que le salarié avait perçu une rémunération inférieure à celle du salarié de comparaison pour un poste équivalent de grand reporter groupe 9. Comparant ensuite les contrats de travail, ils constatèrent que le salarié avait été engagé en qualité d’assistant journaliste reporter d’images stagiaire alors que le salarié de comparaison avait été engagé en qualité de journaliste reporter d’images la même année (1999).

Et c’est précisément cette différence de qualification entre les deux salariés lors de leur embauche qui, selon les juges du fond, devait constituer la « raison objective » à la différence de salaire constatée en 2014 et contestée avant sa promotion en qualité de chef de service.

La chambre sociale va censurer le raisonnement en ce que la cour d’appel n’a – ce faisant – pas précisé en quoi la différence de qualification des salariés lors de leur engagement en 1999, respectivement en qualité d’assistant journaliste reporter d’images stagiaire et d’assistant journaliste reporter d’images, constituait une raison objective et pertinente justifiant la disparité de traitement dans l’exercice des mêmes fonctions de grand reporter groupe 9.

En d’autres termes, la différence de qualification à l’embauche ne constitue pas en soi une raison objective et pertinente justifiant une différence de traitement entre salariés sur le plan de la rémunération.

Les hauts magistrats exigent ainsi des juges du fond qu’ils procèdent à une véritable analyse comparée de la situation des salariés sans se borner à la qualification des salariés « comparés » lors de leur engagement initial. Cette solution s’inscrit ainsi dans une forme de continuité avec les dernières décisions de la Cour invitant les juges du fond à apprécier in concreto l’existence d’une réelle différence de situation permettant d’évincer le principe d’égalité de traitement.

La solution se veut ainsi rassurante pour le salarié en ce qu’elle évite de préconstituer un motif permettant à l’employeur de s’affranchir d’un rappel de salaire dans une situation où serait constatée une différence de traitement entre salariés uniquement justifiée par une différence de qualification à l’embauche, sans autre argument ni précision. Elle ne constitue pas pour autant une sentence démesurée pour les employeurs, qui devront toutefois s’assurer d’argumenter de façon suffisamment précise et concrète en expliquant dans quelle mesure une différence de qualification peut justifier la différence de traitement pratiquée.

Elle apparait en parfaite cohérence avec la ligne dessinée en matière de diplôme, l’éminente juridiction ayant récemment jugé que la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée (Soc. 14 sept. 2022, n° 21-12.175).

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Nullité de la clause de reversement de rémunération à son employeur par un salarié expert judiciaire

La force de l’intuitu personae inhérent à l’activité d’Expert judiciaire est parfaitement identifiée en jurisprudence, étant classiquement jugé que les actes effectués en méconnaissance de l’obligation incombant à l’expert d’accomplir personnellement sa mission ne peuvent valoir opération d’expertise, la sanction s’imposant alors étant la nullité des actes réalisés. Cette solution a été récemment rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Soc. 26 oct. 2022,  n°20-17.105). En l’espèce, un salarié embauché en qualité de chargé de mission était inscrit sur la liste des Experts judiciaires de la Cour d’Appel de Lyon dans la rubrique incendies. Il était alors prévu dans son contrat le reversement de rémunération à son employeur ; la rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui serait versée devrait être intégralement reversée à l’employeur.

Les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle, à la suite de laquelle l’employeur a assigné le salarié afin d’obtenir le reversement des sommes correspondant aux expertises en cours au moment de la rupture du contrat.

Les juges du fond firent droit à la demande de l’employeur, de sorte que le salarié, invoquant la nullité de la clause, forma un pourvoi en cassation. La Chambre sociale de la Cour de cassation saisie du pourvoi va casser l’arrêt rendu par la Cour d’Appel au visa des articles 232 et 233 du Code de procédure civile.

 

La distinction de l’expert salarié et de l’expert personne morale précisée

La loi prévoit que le juge peut commettre toute personne de son choix d’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien. Or ce technicien est investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification et doit à ce titre remplir personnellement la mission qui lui est confiée.

L’article 233 du Code de procédure civile précise que s’il s’agit d’une personne morale, son représentant légal soumet à l’agrément du juge, le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci, et en son nom, l’exécution de la mesure.

La Haute juridiction va procéder à une lecture combinée des textes pour en déduire que pour qu’une personne morale puisse percevoir la rémunération afférente à l’expertise, il faut qu’elle ait été elle-même désignée.

Tel n’était pas le cas ici, puisque le salarié était désigné à titre personnel comme expert.

Il conviendra donc de distinguer le salarié inscrit au tableau des experts à titre personnel, qui peut en outre être salarié d’une structure officiant dans le même domaine professionnel, de l’inscription d’une personne morale qui a soumis à l’agrément du juge le nom de la personne ou des personnes physiques qui assurent en son nom l’exécution de la mesure d’expertise.

Dans le premier cas, l’Expert judiciaire, personne physique, assure la mesure et est rémunéré à titre personnel. Dans le second, la personne morale se voit verser la rémunération au titre de l’expertise, indépendamment des salaires qu’elle peut verser à ses propres salariés.

Cette solution ne surprend pas, en ce qu’elle renforce l’intuitu personae propre à l’activité d’Expert judiciaire, que la jurisprudence avait déjà pu développer.

 

Nullité de la clause de reversement de rémunération à son employeur

Les hauts magistrats vont également en profiter pour considérer comme nulle la clause d’un contrat de travail, par laquelle, un salarié est tenu d’effectuer le reversement de rémunération à son employeur pour des missions pour lesquelles il a été désigné expert personnellement.

Cette solution, bien que prononcée, pourrait toutefois paraitre inique pour l’employeur, qui met à disposition ses outils et ses infrastructures pour permettre au salarié de réaliser des missions d’expertise sans être lui-même rétribué.

Or, s’il existe une obligation pour l’employeur de rembourser les frais professionnels engagés par le salarié (Soc. 21 mai 2008, n°06-44.044), il n’existe pas d’obligation pour le salarié de rétribuer l’employeur en raison des facilités que celui-ci pourrait lui offrir pour exercer une activité connexe, ne relevant pas directement de la relation de travail.

Il reste alors loisible à l’employeur d’entreprendre les démarches pour se positionner, en sa qualité de personne morale, sur la liste des experts judiciaires et de les exercer en son nom.

Hors cette hypothèse, rien ne l’oblige à mettre à disposition d’un collaborateur des ressources nécessaires à l’exercice d’une activité rémunérée en dehors du cadre de son contrat de travail.

 

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Décompte des heures supplémentaires et charge de la preuve : mode d’emploi

Perçu comme une variable d’ajustement, le décompte des heures supplémentaires est particulièrement propice aux contentieux dès lors que les heures représentent un enjeu tout à la fois économique (adaptation aux fluctuations de l’activité), humain (fatigue physique et mentale) et financier (majoration des heures supplémentaires). Par deux arrêts rendus le 14 décembre 2022, la Chambre sociale avait l’occasion de mettre en voix ses exigences quant au mode de preuve des heures supplémentaires (n°21-18.139 et 21-18.036).

Dans les deux affaires soumises à l’étude, la juridiction prud’homale avait été saisie de demandes en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires. Il s’agissait :

  • D’une animatrice en centre équestre,
  • Des ayants droits d’un ingénieur d’études s’étant donné la mort sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail.

A l’appui de sa demande, l’animatrice produisait des agendas professionnels dont elle indiquait s’être servie pour l’exercice de son activité au sein du centre équestre, avec des annotations quant aux taches qu’elle précisait avoir effectuées en journée. Elle avait également transmis des témoignages de cavaliers et d’adhérents fréquentant le centre et de décompte des heures supplémentaires hebdomadaires sur la période en litige.

Les ayants droits de l’ingénieur, quant à eux, faisaient valoir plusieurs documents :

  • Tableaux de décomptes des heures supplémentaires,
  • Rapport de l’inspection du travail donnant les heures de début et fin de travail du salarié et faisant état d’une amplitude journalière de travail considérable et quasi-permanente,
  • Relevés de mails envoyés tardivement par le salarié sur une période donnée,
  • Diverses attestations

En appel, les juges considéraient que les pièces fournies ne contenaient pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que les salariés auraient accomplies pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.

Tel n’est pas l’avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui accueille chacun des pourvois. Au contraire de la Cour d’Appel, la Haute juridiction estime que les demandeurs « présentaient des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre ». En raisonnant comme elle l’avait fait, la Cour d’appel avait injustement fait peser la charge de la preuve sur le salarié seulement.

Ainsi, s’agissant de la salariée engagée en qualité d’ « enseignant- animateur » ; les juges d’appel estimaient qu’aucune crédibilité ne pouvait être accordée aux agendas et que les tableaux récapitulatifs établis par l’intéressée étaient dénués de toute valeur probante. De plus, les attestations communiquées étaient trop générales dans leur contenu et sans indications exploitables relativement aux dépassements d’horaires allégués.

Concernant l’ingénieur d’études, la Cour d’Appel avait jugé que le tableau de décompte des heures supplémentaires produit était insuffisant en ce qu’il se contentait d’affirmer, semaine après semaine, que le salarié travaillait systématiquement 56h25, sans mentionner les heures accomplies. De plus, ses attestations indiquant que le salarié travaillait beaucoup ne permettaient pas, selon elle, de connaitre les horaires réellement effectués par celui-ci. Pas plus que le rapport de l’inspection du travail visant les heures de début et de fin de travail du salarié sur quelques jours non consécutifs puisqu’il ne s’agissait pour les juges que d’ « exemples disséminés ».

Cependant, la charge de la preuve n’incombe pas exclusivement au salarié. Pour la Cour de Cassation, les pièces produites dans les deux cas auraient dû conduire les juges d’appel à considérer la demande de rappel d’heures supplémentaires.

De ce fait, en se référant au Code du travail et à son article L.3171-4, il est simplement attendu du salarié qu’il crée les conditions d’un débat contradictoire en fournissant des données relativement précises, exploitables et circonstanciées de nature à justifier la réalisation des heures supplémentaires revendiquées. A partir de là, l’employeur doit apporter des éléments concordants afin de contester la version donnée par le salarié.

C’est donc sur cette base, et après avoir mis en balance les preuves fournies par les parties, que le juge doit former sa conviction, et non à la lumière des seules pièces communiquées par le salarié.

Ainsi, ces deux arrêts permettent tout à la fois d’illustrer et de relativiser le degré d’attente qui pèse sur le salarié.

Une trop grande exigence à son égard, contraint de fait, le salarié à démontrer pleinement la réalisation d’heures supplémentaires et tend à minimiser les obligations de l’employeur en matière de décompte des heures supplémentaires.

À l’inverse, une position raisonnée, permet de responsabiliser l’employeur quant au suivi de la charge de travail et lui impose inévitablement une plus grande rigueur quant aux outils mis en place à cet effet.

 

Le cabinet d’avocats S. Jourquin à Nice, spécialisé en droit du travail, conseille et défend ses clients sur les affaires relevant de l’application des conventions collectives.

 

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La contrepartie au dépassement du temps normal de trajet domicile-travail doit être suffisante

Le Code du travail prévoit dans son article L 3121-4 que le temps de déplacement professionnel doit faire l’objet d’une contrepartie dès lors qu’il dépasse le temps normal de trajet domicile-travail. C’est notamment ce qu’a récemment rappelé la Cour de cassation (Cass. Soc. 30/03/2022 n°20-15.022).

 

Des contreparties – contestées en l’espèce par un syndicat – avaient été fixées unilatéralement par un employeur pour compenser le dépassement du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail de ses salariés. Ces dernières ont été jugées dérisoires par la Cour d’appel qui invitait l’employeur à les réviser.

 

L’employeur conteste cette décision en se pourvoyant en cassation. En effet, ce dernier questionne la Cour sur le sujet suivant : les juges du fond ont-ils compétence pour juger du caractère suffisant d’une contrepartie au dépassement du temps normal de trajet d’un salarié qui est déterminée par la loi ? La Cour de cassation répondra par la positive et rejettera son pourvoi en affirmant que l’appréciation de ce caractère suffisant relève en effet des juges du fond.

Pour synthétiser, dans cet arrêt du 30 mars 2022 (n°20-15.022), la Chambre sociale de la Cour de cassation affirme plusieurs choses :

  • Les salariés itinérants bénéficient effectivement de la contrepartie en cas de dépassement du temps normal de trajet ;
  • Les juges du fond peuvent apprécier le caractère suffisant ou non de la contrepartie. Rappelons que le montant de cette dernière peut être fixé par les juges du fond (Cass. Soc. 14/11/2012 n°11-18.571) ;
  • Le lieu habituel de travail est défini comme celui où se situe l’agence de rattachement du salarié ; la distance devant être raisonnable par rapport à son domicile ;

 

De même, le fait que des salariés ne travaillent pas habituellement dans leur agence de rattachement n’exonère pas l’employeur d’indemniser leurs trajets domicile-travail, qui dépassent le temps normal en leur versant une contrepartie « suffisante ».

 

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Rupture conventionnelle : est-il possible de renoncer à la clause de non concurrence ?

Après rupture du contrat de travail, le salarié doit retrouver, en principe, la totale liberté d’exercer toute activité, même concurrente de celle de son ancien employeur. Le salarié reste néanmoins soumis à son obligation de loyauté prévue aux articles 1104 et 1194 du Code civil, qui se traduit par une obligation de ne pas causer de tort à son employeur, de quelle que façon que ce soit. Cependant, lorsqu’elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, l’employeur peut prévoir au contrat de travail une clause de non-concurrence qui limite la liberté du salarié d’exercer, après la rupture de son contrat, une activité concurrente salariée ou à son propre compte. Il est tout à fait possible de renoncer à la clause de non concurrence. Cas plus rare, l’obligation de non-concurrence peut résulter d’une convention collective mais le salarié doit avoir été en mesure d’en prendre connaissance lors de son embauche (Cass. soc. 08 janvier 1997 n° 93-44.009).

Cette obligation étant attentatoire aux libertés individuelles du salarié, celle-ci doit répondre à de nombreuses conditions de validité. En effet, il faut notamment que cette obligation soit limitée dans le temps, dans l’espace, à une activité spécifiquement visée et que soit prévue une contrepartie financière versée par l’employeur.

Concernant sa mise en œuvre, la clause de non-concurrence prend effet à la date effective de la fin du contrat, soit à l’issue de la période de prévis, ou lors du départ du salarié, en cas de dispense de préavis. Toutefois, l’employeur a la faculté de renoncer à cette clause de non concurrence dans le respect des conditions de forme et de délai prévues par le contrat de travail, ou à défaut, par la convention collective applicable. Mais également, la jurisprudence est source de contraintes imposées à l’employeur lorsqu’il souhaite renoncer à l’application de la clause de non concurrence. La Loi ne prévoit pas de règle relative à la renonciation en cas de rupture conventionnelle, c’est donc la jurisprudence qui est venu palier ce vide juridique.

C’est en ce sens que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu son arrêt du 26 janvier 2022 (Cass. soc., 26 janvier 2022 n°20-15.755). La Cour considère que la renonciation à la clause de non concurrence doit intervenir au plus tard à la date de rupture fixée par la convention.

 

La singularité de la rupture conventionnelle

Les clauses de non concurrence prévoient, en principe et comme dans le cas d’espèce, la possibilité pour l’employeur de renoncer à cette clause à tout moment lors du préavis et parfois durant une période à compter de la fin du préavis ou, en l’absence de préavis, de la notification du licenciement.

Elle comprend alors des situations dans lesquelles sont mises en place des licenciements ou démissions.

Or, la rupture conventionnelle est un mode autonome de rupture du contrat de travail et sa mise en œuvre ne nécessite pas l’exécution d’un préavis. Par conséquent, le temps réservé à l’employeur pour faire valoir sa volonté de renoncer à la clause est différent de celui des autres modes de rupture du contrat de travail.

 

Protéger le salarié contre l’incertitude avant de renoncer à la clause de non concurrence

La Cour de cassation exige qu’en présence d’une rupture conventionnelle, l’employeur qui souhaite renoncer à l’exécution de la clause, doit le faire au plus tard à la date de la rupture fixée par la convention, quelles que soient les stipulations ou dispositions contraires.

Cette décision s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle érigeant le principe selon lequel le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

En effet, la Cour de cassation a déjà considéré qu’en cas de dispense de préavis, la date à partir de laquelle le salarié est tenu de respecter son obligation de non concurrence et la date d’exigibilité de la contrepartie financière sont celles du départ effectif du salarié de l’entreprise, quelles que soient les stipulations contraires (Cass. soc., 21 janvier 2013 n°13-24.471).

La Cour en conclut que la renonciation à la clause de non concurrence doit se faire au plus tard à la date du départ effectif de l’entreprise du salarié.

 

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La mise à jour du BOSS liée au régime social des frais professionnels

Le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS) est une base documentaire numérique et accessible sur internet mise à jour par la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) et par l’URSSAF caisse nationale. Il rassemble la règlementation en matière de cotisations et contributions sociales, et notamment le régime social des frais professionnels.

Le BOSS est applicable et opposable pour les textes listés en référence depuis le 1er avril 2021. Il a été créé afin de répondre à l’attente des entreprises et des tiers-déclarants, notamment des experts-comptables.

La mise en ligne du site boss.gouv.fr s’inscrit dans la logique du renforcement du lien de confiance entre les services publics et leurs usagers. Les objectifs de ce nouvel outil sont les suivants :

  • assurer une plus grande sécurité juridique pour les employeurs qui pourront consulter en un lieu unique l’ensemble de la doctrine applicable en matière de cotisations et contributions sociales, sans avoir à rechercher dans de multiples circulaires,
  • garantir une meilleure accessibilité et intelligibilité du droit pour les organismes et experts du domaine du recouvrement.

 

Son contenu, source de droit, se présente pour le moment, sous forme de 6 fiches thématiques :

  1. L’assiette générale : la base de calcul à retenir pour les cotisations et contributions sociales (Plafond de sécurité sociale, affiliation, assiette de prélèvement, etc.),
  2. Les allégements généraux : dispositif général d’exonération sociale (réduction générale de cotisations patronales, les réductions proportionnelles des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales),
  3. Les exonérations zonées : exonérations liées à la situation géographique de l’entreprise (exonérations applicables pour les embauches en zone de revitalisation rurale, etc.),
  4. Les avantages en nature et les frais professionnels : régime social des frais professionnels et des avantages en nature,
  5. Les indemnités de rupture : régime social des sommes versées à l’occasions de la rupture du contrat de travail,
  6. Les mesures exceptionnelles et dispositifs temporaires.

Le 1er août 2021, l’administration a mis à jour le BOSS concernant le régime social des frais professionnels. Elle apporte deux modifications.

 

La nouvelle définition de l’abus manifeste relatif aux repas d’affaires

Les frais professionnels comprennent les dépenses engagées par le salarié à l’occasion des repas d’affaires s’ils sont justifiés.

Ces dépenses sont donc exceptionnelles et comportent des frais exposés en dehors de l’exercice normal de l’activité du salarié, dans l’intérêt de l’entreprise. Seulement, parfois ces dépenses peuvent être jugées abusives.

Dans sa mise à jour du 1er août 2021, l’administration modifie le BOSS concernant la définition de l’abus manifeste, introduite dans sa précédente mise à jour.

Dès lors, l’abus manifeste ne se définit plus seulement en fonction du nombre de repas par semaine ou par mois mais également en fonction des missions du salarié.

En toute hypothèse, il est admis que l’abus manifeste n’est pas caractérisé lorsque le salarié bénéficie d’un repas d’affaires par semaine ou 5 repas par mois. Au-delà de ce quota et sans que les missions du salarié ne justifient leur nécessité professionnelle, les repas sont considérés comme des avantages en nature (BOSS-FP-360).

 

La prolongation du délai de mise en conformité avec les conditions d’application de la DFS

La DFS est la déduction forfaitaire spécifique.

Pour certaines catégories de salariés (ouvriers du bâtiment, artistes, VRP…), les employeurs sont autorisés à appliquer à la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale et des contributions d’assurance chômage et d’AGS une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels.

En cas d’application par l’employeur de la déduction forfaitaire spécifique, la base de calcul des cotisations est constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, et le cas échéant des indemnités versées à titre de remboursement de frais professionnels à laquelle on applique la déduction pour frais professionnels correspondante à la catégorie professionnelle du salarié.

Le salarié bénéficiant de la DFS doit supporter de façon effective les frais professionnels. De plus, en l’absence de mention prévoyant l’application de la DFS dans la convention collective ou sans accord du comité d’entreprise, des délégués du personnel ou du CSE (comité social et économique), l’employeur doit recueillir chaque année le consentement des salariés à bénéficier de la DFS.

A l’origine, le BOSS précisait que l’organisme de recouvrement effectuant un contrôle de conformité relatif à des périodes courant jusqu’au 31 décembre 2021, procéderait uniquement à une demande de mise en conformité pour l’avenir. Mais le BOSS mis à jour, prolonge cette tolérance jusqu’au 31 décembre 2021.

 

Vous pouvez prendre rendez-vous avec notre cabinet d’avocats à Nice si vous souhaitez être conseillé sur la réglementation qui s’applique pour votre entreprise sur le régime social des frais professionnels.

 

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Durée de prescription de créance : la détermination du délai dépend de sa nature

La durée de prescription de créance se traduit par le temps à l’expiration duquel le demandeur n’est plus en mesure de saisir la justice pour défendre ou faire reconnaitre ses droits.

Après expiration de ce délai, l’action intentée par le salarié ou l’employeur sera jugée forclose et déclarée irrecevable par la juridiction saisie. La prescription extinctive est prévue aux articles 2219 à 2254 du Code civil.

En Droit du travail, plusieurs délais de prescription existent :

  • L’action afférente à l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux années (L. 1471-1 du Code du travail),
  • L’action afférente au salaire se prescrit par trois années (article L. 3245-1 du Code du travail),
  • L’action en discrimination se prescrit par cinq ans (article L. 1134-5 du Code du travail).

Ainsi, pour déterminer la durée de prescription de créance, la jurisprudence érige le principe selon lequel ce délai dépend de la nature de la créance, objet de la demande (Cass. soc., 30 juin 2021 n°18-23.932).

Au regard de chaque cas d’espèce, le juge doit déterminer la nature de la créance et en déduire une durée de prescription de créance de 2, 3 ou 5 ans.

 

Illustration des diverses actions et durée de prescription de créance

  • L’action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire et de ce fait, se prescrit par 3 ans ( soc., 19 décembre 2018 n°16-20.522),
  • L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par 5 ans, à compter de sa révélation, par exemple, après réception d’un courrier de l’inspection du travail ( soc., 20 février 2013 n°10-30.028),
  • L’action relative à l’utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, ayant une nature salariale, se prescrit par 3 ans ( soc., 30 juin 2021 n°19-14.543),
  • L’action en requalification d’un CDD en CDD obéit à la prescription de 2 ans relative à l’exécution du contrat de travail et non pas à celle appliquée au salaire visé ( soc., 29 janvier 2020 n°18-15.359 ; Cass. soc., 22 novembre 2017 n°16-16.561),
  • L’action en contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale car c’est une action en rappel de salaire ( soc., 30 juin 2021 n°19-10.161),
  • L’action en paiement de la prime du 13e mois, même si elle invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement, doit être regardée selon la nature de la créance : elle constitue une action en paiement de salaire, donc peu importe le fondement, la prescription est de 3 ans ( Soc., 24 juin 2021 n°18-24.810).

 

 L’action en rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’un forfait annuel en jours

Dans son arrêt du 30 juin 2021 (Cass. soc., 30 juin 2021 n°18-23.932), la Cour de cassation a dû statuer sur une demande relative à l’invalidité d’une convention de forfait annuel en jours dans un contrat de travail conclu le 21 janvier 2013. Le salarié s’est vu notifier son licenciement le 27 avril 2016.

L’employeur est tenu de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié soumis à une convention de forfait en jours est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, notamment :

  • l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
  • l’employeur et le salarié échangent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération, ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
  • le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

 

Le défendeur considérait que la demande était prescrite puisqu’elle portait sur des faits relatifs à l’exécution du contrat et que la durée de prescription de créance applicable était de 2 ans.

Or, la Cour explique que, peu importe le fondement juridique invoqué, doit être prise en compte la nature de la créance pour déterminer le délai de prescription de l’action en justice.

En l’espèce, le salarié a introduit une action en paiement d’heures supplémentaires du fait de la nullité de la convention de forfait en jours. En conséquence, la créance était un rappel de salaire obéissant à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du Code du travail.

 

Dans le cadre d’un litige lié à une expiration de recours, contactez notre cabinet pour être conseillé par un avocat spécialiste du droit du travail.

 

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Nullité de la clause de loyauté : début de la prescription le jour de sa mise en œuvre

La clause de loyauté découle de l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. À ce titre, les salariés liés par un contrat de travail ne doivent pas causer de tort à leur employeur, notamment en exerçant une concurrence illicite. La clause restreint donc la liberté du salarié et la nullité de la clause de loyauté peut dans certains cas être invoquée.

Il n’est généralement pas nécessaire de la faire figurer au contrat de travail. L’obligation de loyauté s’accompagne généralement d’une obligation de fidélité, de non-concurrence ou encore de confidentialité pendant l’exécution du contrat de travail.

Seulement, pour être valable, la clause doit répondre à divers critères et notamment respecter les règles énoncées par la convention collective applicable et par la jurisprudence.

Lorsque les conditions de validité ne sont pas remplies, le salarié a la possibilité de saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de nullité de la clause de loyauté et d’une demande d’indemnisation du préjudice subi (Cass. Soc., 25 mai 2016 n° 14-20.578).

Dans l’arrêt du 2 mars 2022 (Cass. Soc., 2 mars 2022 n°20-19.832), la Cour de cassation a été saisie d’une demande de requalification de la clause de loyauté, en clause de non-concurrence illicite. Mais la problématique qui était posée à la Chambre sociale était celle de connaitre le point de départ de l’action indemnitaire du salarié fondée sur la nullité de la clause.

Le point de départ a donc une importance capitale puisqu’il permet de connaitre la date à partir de laquelle débute la possibilité pour les salariés d’agir en justice contre l’employeur, auteur d’une clause illégale et donc, en l’espèce, de déduire si le salarié avait le droit d’agir le jour de la saisine du Conseil de prud’hommes.

 

Nullité de la clause de loyauté : l’action débute à la mise en œuvre

En l’espèce, deux salariés avaient été embauchés en qualité d’ingénieur statut cadre et leur contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence moyennant une contrepartie financière et une clause de loyauté. Cependant, ils ont estimé que la clause de loyauté était en réalité une clause de non-concurrence illicite et, de ce fait, ils ont saisi le Conseil de prud’hommes le 1er février 2016 pour faire annuler cette clause.

Le moyen avancé est qu’ils considéraient que l’employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence mais que la clause de loyauté subsisterait, sans contrepartie financière alors qu’elle restreignait leur droit d’exercer une activité relevant de leurs compétences, connaissances et expériences professionnelles.

Les contrats de travail des salariés ont été rompus en cours d’instance, respectivement le 30 juillet 2017 et le 15 décembre 2017.

 

La Cour d’appel

La Cour d’appel a jugé leurs demandes irrecevables sur le fondement de l’article 2224 du Code civil se référant à la prescription en responsabilité civile. Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au bénéficiaire de ce droit.

Elle considère donc que le préjudice ne s’est manifesté que lors de la signature du contrat de travail des salariés comprenant la clause de loyauté. Ainsi, selon elle, la demande de nullité de la clause de loyauté des salariés était irrecevable car prescrite parce que la signature (date de la connaissance du préjudice) du contrat de travail est intervenue plus de 5 ans avant la saisine de la juridiction prud’homale, le 1er février 2016.

 

La Cour de cassation

La Chambre sociale de la Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel. Elle énonce les dispositions de l’article 2224 du Code civil et rappelle que la prescription d’une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

La Cour applique ce principe à l’espèce et considère que le dommage causé par les stipulations de la clause de loyauté, se révèlent au moment de la mise en œuvre de cette clause. Le point de départ du délai de prescription ne peut être celui du jour de la signature du contrat de travail.

En somme, la Cour considère l’action indemnitaire des salariés, fondée sur l’application de la clause de loyauté, recevable. Elle ne précise pas la définition du moment de la nullité de la clause de loyauté. Mais il est possible d’en déduire que cette clause est mise en œuvre tout au long de l’exécution du contrat de travail mais aussi après rupture du contrat de travail, lorsque l’ancien employeur demandera au salarié de cesser sa nouvelle activité, exercée en méconnaissance de la clause de loyauté.

 

Vous souhaitez connaître les conditions d’application des clauses d’un contrat de travail avant, pendant et après sa signature ? Prenez rendez-vous avec avocat spécialisé en droit du travail.

 

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Transfert d’entreprise et principe d’égalité de traitement des salariés

Le changement dans la situation juridique de l’employeur, ou transfert d’entreprise, est une opération par laquelle une activité économique se voit confiée à un nouvel exploitant. Ce transfert déploie, vers un second employeur, ses effets tant sur les contrats de travail que sur les relations collectives de travail ou les prérogatives de chacun des employeurs successifs.

Le transfert d’entreprise concerne tous les travailleurs et tous les changements de situation juridique dans la situation de l’entreprise

Le maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise provient d’une règle ancienne, née de la loi du 19 juillet 1928. Elles sont aujourd’hui inscrites à l’article L. 1224-1 du Code du travail et ont été complétées par la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements.

La jurisprudence a souvent fluctué dans l’interprétation de ces textes, mais elle retient que ce texte a pour finalité la sauvegarde de l’emploi et non la continuité de l’entreprise. Les règles afférentes au transfert d’entreprise sont d’ordre public afin de permettre le maintien impératif des contrats de travail.

Cependant, le transfert d’entreprise est souvent source d’inégalités entre les salariés dont le contrat de travail est transféré et ceux de l’entreprise d’accueil.

En effet, l’article L. 1224-1 du Code du travail impose au nouvel employeur de maintenir les contrats de travail des salariés transférés dans les mêmes conditions. De cette façon, les salariés transférés peuvent être amenés à jouir de droits et d’avantages dont ne bénéficient pas leurs collègues de l’entreprise d’accueil.

C’est à cet égard que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu trois arrêts le 23 juin 2021 (Cass. soc., 23 juin 2021 n° 19-21.772, n°18-24.809, n°18-24.810).

La Chambre a dû répondre à deux questions :

  • La différence de de traitement établie par un engagement unilatéral de l’employeur à la suite d’un transfert peut-elle reposer sur une raison objective ?
  • L’application volontaire de l’article L. 1224-1 peut-elle justifier une différence de traitement ?

 

L’inégalité de traitement liée à un transfert d’entreprise peut être licite

Dans l’affaire n° 19-21.772, le nouvel employeur s’est engagé unilatéralement à verser la même prime d’assiduité déjà perçue par les salariés transférés, aux salariés de l’entreprise d’accueil qui travaillaient tous sur le site d’Aubagne.

Or, les salariés de l’entreprise d’accueil présents sur le site de Narbonne ont contesté cet engagement unilatéral de l’employeur et revendiquaient l’octroi de la prime d’assiduité par des salariés de la même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, sous peine de créer une différence de rémunération injustifiée.

La Cour d’appel a rejeté leur demande, elle a considéré que la volonté de l’employeur de réduire les disparités entre les salariés exerçant un même travail sur un même site constituait une raison objective justifiant la différence de traitement avec les salariés des autres sites.

La Cour de cassation rejoint le raisonnement de la Cour d’appel et a rejeté le pourvoi.

Elle énonce un attendu de principe : la différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés de la même entreprise et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objective, dont le juge contrôle la réalité et la pertinence.

 

Le transfert d’entreprise volontaire peut justifier une différence de traitement

Dans les deux autres affaires, des salariés de la même entreprise revendiquaient l’octroi d’une prime de 13e mois, versée seulement aux salariés dont le contrat de travail avait été repris. Ils arguaient leur défense d’une inégalité de traitement injustifiée.

La Cour d’appel a constaté un transfert volontaire des contrats de travail (non obligatoire) par le repreneur, ce qui ne permettait pas de justifier l’inégalité de traitement.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et pose un principe : l’obligation à laquelle est tenue l’employeur repreneur, en cas de reprise de contrats de travail par application volontaire de l’article L. 1224-1 du Code du travail, est celle de maintenir au bénéfice du salarié, les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur.

Si cette obligation est respectée, l’employeur justifie la différence de rémunération qui en résulte par rapport aux autres salariés. De ce fait, il ne viole pas le principe de l’égalité de traitement et ne doit apporter aucun justificatif à cette différence de traitement.

 

Vous avez un doute sur les révisions de votre contrat de travail suite à un transfert d’entreprise ? Prenez un rendez-vous avec un avocat spécialisé en droit du travail dans les Alpes-Maritimes.

 

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