Barème Macron : vers une abrogation du plafonnement des indemnités légales de licenciement ?

2019-07-02T13:50:09+02:002 juillet 2019|

Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, dite « Macron », l’article L.1235-3 du Code du travail a mis en place un barème impératif fixant le montant minimal mais surtout maximal des indemnités pouvant être octroyées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le barème Macron ne s’applique pas en cas de licenciement nul (article L.1235-3-1 du Code du travail).

Or, ce barème a été vivement critiqué puisqu’il ne permettrait pas d’assurer dans tous les cas une réparation intégrale du préjudice subi par le salarié, comme le prévoit pourtant le droit français.

Dans un premier temps, le Comité européen des droits sociaux a décidé qu’en Finlande, le plafonnement des indemnités de licenciement (24 mois maximum), n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte sociale européenne. En effet, ce dernier ne permettrait pas aux salariés d’obtenir une compensation du préjudice réellement subi. Par ailleurs, le barème Finlandais n’aurait pas un effet assez dissuasif pour l’employeur (CEDS 8 sept. 2016, n°106/2014, Finnish Society of Social Rights c. Finlande).

En France, le barème Macron prévoit une indemnité maximale de 20 mois lorsque le salarié a une ancienneté de 30 ans et plus. Il est donc raisonnablement envisageable que ce même comité, dans le cas où il serait saisi, prononce également l’inconventionnalité de l’article L.1235-3 du Code du travail français.

Il convient de préciser que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ont cependant tous deux affirmé la constitutionnalité du barème. Ils ne sont cependant pas compétents pour apprécier la conventionalité du barème Macron avec les textes européens.

Décisions des Conseils de prud’hommes sur le barème Macron

C’est dans ce contexte que plusieurs décisions récentes des Conseils de prud’hommes de TROYES (13 décembre 2018, n° 18/00418), d’AMIENS (19 décembre 2018), de LYON (21 décembre 2018), GRENOBLE (18 janvier 2019), ANGERS (22 février 2019) ont déclarés le barème dit « Macron » inconventionnel au regard de l’article 10 de la convention n°158 de l’organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne. Tous deux prévoient la nécessité d’une réparation adéquate au préjudice réellement subi en cas de perte injustifié de son emploi et, plus accessoirement, sur l’atteinte au droit au procès équitable prévu par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

D’autres Conseils de prud’hommes (PARIS) ont, à l’inverse, confirmé la conventionalité du barème.

Plus précisément, la motivation des Conseillers, relativement similaire selon les décisions, est la suivante :

  1. Tout d’abord, les Conseillers réaffirment leur compétence pour effectuer un contrôle de conventionnalité. En effet, le traité et la Charte invoqués ont régulièrement été ratifiés par la France. Ils sont donc applicables directement par les juges français, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat en la matière.
  2. L’application du barème Macron ne permet pas aux juges d’apprécier et de réparer le préjudice réellement subi par chaque salarié, notamment dans les cas où le salarié n’a qu’une faible ancienneté mais que les conséquences du licenciement injustifié sont importantes.
  3. Le barème, qui permet aux employeurs de provisionner un licenciement injustifié, n’est pas assez dissuasif pour l’employeur et sécurise davantage les fautifs que les victimes de sorte qu’il est inéquitable.

Quel avenir pour le barème Macron ?

Ainsi, ces décisions bien qu’audacieuses apparaissent motivées par des textes législatifs de l’Union Européenne signés par la France, et laisse apparaître une tendance dont on ne sait pas si elle va réellement se poursuivre. Surtout, ce sont les décisions des Cours d’appel à intervenir puis éventuellement celles de la Cour de cassation que va se jouer l’avenir de ce barème Macron.

Pour l’instant, l’abrogation semble encore loin, d’autant que la multiplication des décisions des Conseils de prud’hommes ou de la saisine d’organes internationaux, n’ont pas suffi à faire pression sur le Gouvernement.

En effet, concernant le « Contrat nouvel embauche » qui permettait à un employeur de licencier un salarié sans motif et avec une indemnité fixe dans les deux années après son embauche, le Conseil d’administration de l’organisation internationale du travail avait déclaré cette disposition contraire à la Convention OIT n°158, ce qui avait poussé le Parlement français à abroger cette disposition, à la demande du Gouvernement.

Vous serez peut être intéressé par les articles suivants rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice :

Le licenciement pour restructuration

Une transaction n’est valable qu’après la notification de licenciement au salarié

Licenciement pour faute lourde : fin de la perte des congés payés

Plus d’article sur le thème du licenciement

En continuant de naviguer sur ce site, vous autorisez l'utilisation de nos cookies. Plus d'informations

Les paramètres de cookies sur ce site sont configurés pour "autoriser les cookies" afin de vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site Web sans modifier vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer