Le salarié dont le CDD est abusivement rompu peut dans certains cas être réintégré

2017-02-13T08:47:44+01:0019 avril 2013|

Le salarié dont le CDD est abusivement rompu peut dans certains cas être réintégré

L’employeur qui rompt abusivement le contrat à durée déterminée de salariés ayant intenté une action en requalification porte atteinte à une liberté fondamentale de ces salariés, qui peuvent demander leur réintégration en référé.

En l’espèce, plusieurs salariés engagés par France Télécom depuis de nombreuses années, dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD) successifs, avaient saisi le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. Huit jours plus tard, leur employeur leur avait signifié par huissier, sur le lieu de travail, qu’il mettait fin de manière anticipée à leur contrat en raison « d’une surestimation de l’augmentation des flux d’appels clients due à une baisse plus importante que prévue du taux de réitération client ». Ce motif n’est pas prévu par le Code du travail. Estimant que cette rupture intervenait en réaction à leur action en justice, les salariés avaient saisi en référé la juridiction prud’homale pour faire cesser le trouble manifestement illicite et voir ordonner leur réintégration. Alors que le Conseil de prud’hommes avait accueilli leurs demandes, la Cour d’appel avait, au contraire, dit n’y avoir lieu à référé au motif que les salariés ne démontraient pas que la rupture constituait une mesure de rétorsion prise par l’employeur à raison de l’action en justice qu’ils avaient engagée, appliquant le régime classique de la charge de la preuve selon lequel il appartenait aux salariés, en leur qualité de demandeurs à l’action, d’apporter la preuve d’un trouble manifestement illicite.

La chambre sociale de la Cour de cassation censure ce raisonnement et juge, au visa des articles L 1121-1, L 1243-1 et R 1455-6 du Code du travail, 1315 du Code civil et 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que l’irrégularité manifeste de la rupture du CDD, suivant l’action en justice engagée par les salariés, faisait présumer l’existence d’un rapport de causalité entre cette rupture abusive et l’action en justice, présomption qu’il appartenait à l’employeur de renverser en démontrant que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice par les salariés de leur droit d’agir en justice (Cass. Soc., 6 février 2013, n°11-11.740).

La Cour s’inspire ici du raisonnement qu’elle applique aux actions en justice intentées par le salarié sur le principe de non-discrimination prévu à l’article L 1134-4 du Code du travail ou sur le fondement de l’égalité professionnelle entre les sexes visée par l’article L 1142-3 du même Code, pour lesquelles le salarié n’a pas à prouver l’existence d’un lien de causalité entre l’action en justice et le licenciement : il suffit, pour que la nullité soit encourue, que le licenciement soit dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’il fasse suite à une action en justice fondée sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes (Cass. soc., 28 novembre 2000, n° 97-43.715). Dans cette hypothèse, le juge des référés a le pouvoir d’ordonner la continuation du contrat de travail du salarié (Cass. soc., 27 janvier 2009, n° 07-43.446).

La Cour crée ici une présomption simple de causalité permettant à l’employeur de démontrer que la rupture manifestement abusive du contrat à durée déterminée, puisqu’intervenue en dehors des cas limitativement prévus par la loi, est fondée sur un motif, certes abusif, mais étranger à l’action intentée par les salariés. La postériorité de la rupture abusive par rapport à l’action en justice des salariés et l’absence de preuve par l’employeur que sa décision est motivée par des éléments étrangers à toute volonté de rétorsion permettent ainsi d’établir que la rupture a été prononcée en raison de l’action en justice. Le juge des référés est alors compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte et ordonner la réintégration

 

Par Me Stéphanie JOURQUIN

Avocat en droit du travail à Nice