Point de départ et prescription de l’action en requalification d’un CDD verbal en CDI

2024-02-19T11:37:59+01:0019 février 2024|

Lorsqu’en présence d’un CDD, l’employeur s’est abstenu de remettre au salarié le contrat de travail écrit, la prescription de l’action en requalification d’un CDD verbal a pour point de départ l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail (Cass. soc., 15 mars 2023, n°20-21.774).

 

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, le délai de prescription permettant au salarié d’obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est de deux ans. Ce délai peut être porté à cinq ans, en vertu de l’article 2224 du Code civil, lorsque l’action consiste en une demande de qualification du contrat (Soc. 11 mai 2022, n° 20-14.421).

Quant au point de départ de cette prescription, l’ancien article L. 1471-1 du Code du travail précise qu’il est fixé « à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

La jurisprudence a pris le soin de préciser ces termes. Pour exemple,

  • lorsque la demande de requalification d’un CDD verbal repose sur une absence de mentions, le point de départ consiste en la date de conclusion du contrat (Soc. 3 mai 2018, n° 16-26.437) ;
  • lorsqu’elle repose sur le non-respect du délai de carence entre deux CDD successifs, le point de départ de la prescription ne court qu’à compter du premier jour d’exécution du second contrat (Soc. 5 mai 2021, n° 19-14.295).

Ces règles ont en commun l’existence d’un contrat de travail écrit, fût-il irrégulier. Cependant, la question du point de départ du contrat et de la durée de la prescription est en suspens lorsqu’elle concerne la requalification d’un CDD verbal.

En l’espèce, un salarié avait été engagé en qualité de vendeur afin d’effectuer, durant les périodes de juin et juillet 2008, plusieurs heures de travail. Cette embauche n’avait pas fait l’objet d’un écrit. Le 10 juillet 2008, l’employeur avait finalement transmis un CDD au salarié pour la période du 26 août 2008 jusqu’au 31 janvier 2009. Cette date d’échéance avait été étendue au 30 juin 2009. À l’issue du contrat, le salarié avait reçu un certificat de travail mentionnant les périodes de juin et juillet 2008, c’est-à-dire celles pour lesquelles le contrat avait été établi verbalement.

Le 17 février 2014, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification d’un CDD verbal conclu le 10 juillet 2008, en contrat à durée indéterminée à compter du 27 juin 2008. Celui-ci s’appuyait sur deux arguments. D’une part, il revendiquait l’application de la prescription de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil. D’autre part, il faisait valoir que la prescription commençait à courir à compter du terme du dernier contrat.

La cour d’appel avait refusé de faire droit aux demandes du salarié. Selon elle, la prescription était acquise car elle avait commencé à courir le 10 juillet 2008, date du début des relations. En considérant le point de départ de la prescription au début de la relation le 27 juin 2018, l’action était prescrite, et ce indépendamment du délai retenu.

La Cour de cassation confirme l’analyse de la cour d’appel. Dans son attendu, elle précise que « le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail, lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat, et lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat ».

En somme et dans le cas d’espèce, la relation avait officiellement commencé le 10 juillet 2008, date de la remise du CDD au salarié. Dans la mesure où le CDD préalable était établi verbalement alors, le point de départ de la prescription commençait à courir à la date précitée.

La Cour de cassation s’abstient de trancher en ce qui concerne l’option entre l’article 2224 du code civil et l’article L. 1471-1 du code du travail. Une réponse sur ce point aurait toutefois été bienvenue. En effet, la doctrine reste encore partagée sur l’octroi de la prescription quinquennale aux actions en requalification. Certains parmi elle considèrent que « l’action en requalification est […] une action dérivant d’une irrégularité tenant à la formation du contrat et, comme telle, devrait donc être soumise à la prescription quinquennale » (Soc. 3 mai 2018, n° 16-26.437, préc.), tandis que l’autre affirme que « toute différente est la demande fondée sur la transformation d’un CDD en CDI […] ; mais celle portant sur la qualification du contrat et tenant soit au motif de recours, soit à la rédaction de l’acte juridique, porte sur sa formation et sa qualification, et nullement sur son exécution. Il semble donc logique d’appliquer la prescription de droit commun, par défaut, ce qui aurait par ailleurs pour avantage de mieux garantir les droits du salarié, en lui accordant un délai d’action plus long » (Soc. 11 mai 2022, n° 20-14.421, préc.).

Dans son attendu, la Cour constate simplement que « l’action en requalification d’un CDD verbal en contrat de travail à durée indéterminée était acquise au plus tard le 10 juillet 2013 ». En somme, peu importait le choix du texte, dans les deux cas l’action du salarié était irrecevable.

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