L'employeur peut-il licencier un salarié mal habillé ?

2014-01-22T11:17:15+01:0022 janvier 2014|

L’employeur peut-il licencier un salarié mal habillé ?

Choisir ses vêtements relève en principe de la liberté individuelle de chacun, laquelle peut toutefois être encadrée au travail en leur imposant le choix d’une tenue décente et correcte, et fonction de l’emploi occupé.

Les salariés doivent adopter une tenue décente et qui ne soit pas susceptible de créer un trouble dans l’entreprise ou de choquer la clientèle. Par exemple, une salariée qui porte un chemisier transparent sans soutien-gorge peut être sanctionnée, voire licenciée pour ce motif, surtout si elle persiste malgré les injonctions de l’employeur et/ou travaille en contact avec la clientèle (Cass. Soc., 22 juillet 1986, n°82-43.824).

L’employeur peut exiger une tenue correcte au regard des fonctions occupées. Ainsi, le port d’un costume et d’une cravate chez les hommes ne se justifie pas pour tous les métiers. Par exemple, si une telle obligation a pu être jugée légitime pour un veilleur de nuit dans un hôtel de grand standing (CA Paris 18 janvier 1991, 22e ch. B, Arfaoui c/ SA Hôtel du Bois), elle est en revanche excessive pour du personnel ambulancier (Cass. Soc., 19 mai 1998, n°96-41.123) ou pour un technicien d’exploitation (CA Paris 24 juin 2010 n° 08/10334, P. 6 ch. 7, SAHN Services c/ R).

Un salarié travaillant en contact avec la clientèle peut se voir interdire de porter un bermuda (Cass. soc., 12 novembre 2008, n° 07-42.220) ou un survêtement (Cass. Soc., 6 novembre 2001, n°99-43.988). Mais un débardeur échancré et un pantalon en toile ont pu être tolérés en période de canicule et compte tenu des caprices de la mode, tant que cette tenue est propre et soignée. S’agissant du port de jeans, tout dépend du contexte (CA Paris 9 septembre 2005, n° 04-36314, 18e soc. E, Navas c/ SA Téléperformance France). Le salarié d’une entreprise de sécurité se présentant en jeans troués, t-shirt et veste de treillis chez un client de l’employeur commet une faute (CA Paris 25 janvier 2011 n° 09-2207, ch. 6-10, P. c/ SA Bodyguard). En revanche, il ne peut être reproché à une salariée de se rendre chez un client en jeans et bottes, cette tenue étant correcte tant qu’elle est normalement soignée (CA Paris 9 octobre 2008 n° 06-13511, 21e ch. B, SA 3S Informatique c/ Lebas).

L’employeur peut demander à ses salariés de respecter une particularité vestimentaire liée à l’image de marque de l’entreprise : il peut demander à un employé de pompes funèbres de se vêtir tout de noir jusqu’aux chaussettes (CA Paris 24 mars 2010 n° 08-9032, ch. 6-9, SA OGF c/ L.).

L’employeur peut parfois imposer le port d’un uniforme s’il est justifié par la nature de l’emploi occupé : personnel d’accueil, employé de restauration, etc., ou d’un insigne particulier lorsque cette contrainte est liée, dans l’intérêt de l’entreprise, à l’exercice de certaines fonctions : activité de gardiennage, contacts avec la clientèle…. Dans ce cas, le refus du salarié de le porter est fautif et peut justifier un licenciement (Cass. soc., 18 février 1998, n° 95-43.491 ; 3 juin 2009, n° 08-40.346).

Imposer un uniforme aux salariés comporte un coût pour l’employeur : il doit le fournir et en assurer l’entretien. De plus, si les salariés doivent se changer sur le lieu de travail, il doit mettre des vestiaires à leur disposition et leur accorder une contrepartie, financière ou en repos, pour le temps d’habillage et de déshabillage, qui n’est pas du temps de travail sauf si le contrat de travail ou la convention collective prévoit le contraire.

Pour certains métiers dangereux, un équipement de protection est obligatoire (chaussures de sécurité, casque, gants de protection, port d’une blouse, etc.). L’employeur est alors tenu de fournir et d’entretenir cet équipement en raison de son obligation de sécurité de résultat (article L 421-1 du Code du travail) à l’égard des salariés, ces derniers devant se conformer aux exigences dictées pour leur sécurité.

Dans les entreprises gérant un service public (comme les caisses primaires d’assurance maladie), les salariés ont une stricte obligation de neutralité découlant de l’application du principe de laïcité et ne doivent pas manifester leur appartenance religieuse, y compris par le port d’un vêtement religieux.

Dans les autres entreprises privées, les salariés sont en principe libres de porter un tel vêtement, notamment un foulard islamique. L’employeur ne peut apporter, notamment dans la rédaction du règlement intérieur, de restriction à leur liberté religieuse que si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et est proportionnée au but recherché. Par exemple, des impératifs de sécurité peuvent justifier de telles restrictions.

En revanche, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé dans l’affaire Baby-Loup qu’une clause du règlement intérieur d’une crèche privée imposant à tout son personnel une obligation de neutralité religieuse était trop générale et imprécise et ne respectait pas l’exigence de proportionnalité (Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 mars 2013, n°11-28.845).

En tout état de cause, les salariées exécutant leur travail dans un espace public (tel un magasin) ne doivent pas porter de tenues destinées à dissimuler en tout ou partie le visage, rendant impossible l’identification de la personne. Sont notamment interdits le port de cagoules, de voiles intégraux (niqab, burqa…), de masques ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant pour effet, pris isolément ou associé avec d’autres, de dissimuler le visage (Circ. du 2 mars 2011 : JO 3 p. 4128).

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

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