Justice du Travail

En France, la justice du travail est traditionnellement assurée par le Conseil de prud’hommes qui absorbe la grande majorité des litiges entre employeurs et salariés. Cependant, lors de litiges spécifiques d’autres juridictions peuvent intervenir.

Quel tribunal compétent en Justice du Travail ?

Ce sera parfois le cas avec le Tribunal administratif qui sera compétent lors d’un litige avec un salarié protégé ou avec le Tribunal de grande instance qui sera compétent lors d’un contentieux sur un accord collectif ou encore avec le Tribunal d’instance qui lui sera spécifiquement compétent lors d’un contentieux autour des élections professionnelles ou lors d’un contentieux faisant intervenir certaines catégories de salariés (marins). Enfin, lorsqu’un litige porte sur le droit pénal du travail, c’est le Tribunal correctionnel qui sera saisi.

Ainsi, lorsqu’un litige est né à l’occasion d’un contrat de travail, il est possible de saisir le Conseil de prud’hommes. Mais, il est important de souligner que la justice du travail a toujours eu pour ambition le règlement amiable des conflits entre employeur et salarié. En effet, avant d’être portée devant le bureau de jugement, chaque conflit doit faire obligatoirement l’objet d’une tentative de conciliation. Ici, les parties tentent de trouver un accord pour éviter la procédure contentieuse. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette conciliation que les parties sont renvoyées devant le bureau de jugement.

Par ailleurs, chaque partie à la possibilité de se faire assister ou représenter par un collègue de la même branche ou par son conjoint mais aussi par un avocat. Il est à noter que cette possibilité a été renforcé par la loi Macron puisque dorénavant cette faculté est offerte dans tous les cas. En effet, même si l’assistance par un avocat devant le Conseil de prud’hommes n’est pas obligatoire, elle est très fortement conseillée.

Il est à noter que depuis le décret du 20 mai 2016, les parties ont également la possibilité de se faire assister par le défenseur syndical.

En outre, une procédure de référé est possible. Elle permettra, dans les cas d’urgence, d’obtenir très rapidement une décision de justice (contestation sérieuse, prévention d’un dommage imminent, trouble manifestement illicite). Dans cette procédure, il n’y a pas de conciliation préalable et ainsi le litige trouvera une réponse dans un délai de 2 à 6 mois.

Enfin, l’appel sera principalement interjeté devant la Cour d’appel et exceptionnellement devant la Cour d’appel administrative. En définitive, il faut savoir qu’un dernier recours est possible devant la Cour de cassation (chambre sociale ou criminelle) ou exceptionnellement devant le Conseil d’état.

Nullité du licenciement : une demande de réintégration tardive peut être abusive

Dans un arrêt rendu le 13 janvier 2021, la Cour de Cassation a jugé qu’en cas de licenciement nul, le salarié qui sollicite sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration.

Toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective (Cass. Soc., 1 janvier 2021, n°19-14.050)

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation généralise pour l’ensemble des licenciements nuls une solution énoncée en 2013 pour les salariés dont le licenciement est nul pour violation du statut protecteur (Soc., 26 mars 2013, n° 11-27.996, 11-27.964 ; Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.716) et admise pour un salarié dont la mise à la retraite d’office est nulle en raison d’une discrimination fondée sur l’âge (Soc., 22 janvier 2020, n° 17-31.158).

Si le salarié dont le licenciement est nul peut demander sa réintégration sans condition de délai, en revanche lorsque cette demande est formulée de manière abusivement tardive, le montant de l’indemnité due à ce titre, en principe égal au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, peut être réduit.

L’indemnité n’est plus alors forfaitaire, mais fixée par le juge en fonction des circonstances de la cause et du préjudice réellement subi par le salarié.

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Les SMS sont-ils un mode de preuve recevable en justice ?

Le SMS (Short Message Service) tout comme le courrier électronique – vulgairement appelé le mail – sont devenus aujourd’hui des moyens de communication privilégiés mais surtout le lieu où l’on retrouve le plus grand nombre de faits ou acte juridiques. Depuis quelques années déjà, le SMS a eu l’occasion d’être utilisé en justice et le législateur ainsi que la jurisprudence ont progressivement dessiné les contours de ce mode de preuve.

Depuis plusieurs années, la chambre sociale de la Cour de cassation essaie de tracer une limite claire entre les procédés légalement admissibles et les procédés incompatibles avec le principe de loyauté des preuves.

À l’occasion d’un arrêt rendu le 23 mai 2007, la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur l’admissibilité des SMS comme mode de preuve (Cass. Soc. 23 mai 2007 n°06-43209), en jugeant que la preuve rapportée par SMS (Short Service Message) est un mode de preuve loyal recevable en justice.

Comme tout support électronique, les SMS sont soumis à la double condition tirée de l’article 1366 du Code civil à savoir l’imputabilité et l’intégrité : « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.».

Le risque de la preuve de la fiabilité de l’écrit électronique repose sur celui qui le produit. S’il échoue à faire cette preuve, l’écrit électronique ne pourra plus valoir en tant que preuve parfaite.

C’est pourquoi il est recommandé qu’un huissier de justice dresse un procès-verbal pour constater l’authenticité des SMS. Toutefois aucun texte n’impose ce formalisme, il relève essentiellement de la pratique, et le juge n’est pas tenu par la force probante du procès-verbal.

Comme le rappelle la Cour d’Appel de Paris, le constat dressé par un huissier et qui répond à la norme AFNOR NF Z67-147 n’est qu’ « un recueil de bonnes pratiques ».

En principe, la recherche de la preuve doit être gouvernée par un principe de loyauté et par conséquent, le respect de la légalité implique que soient rejetées toutes preuves qui seraient déloyales. Comme les preuves recueillies au détriment des règles qui protègent la vie privée, comme par exemple la filature. L’arrêt du 23 mai 2007 retient également que « l’enregistrement et la reconstitution d’une conversation ainsi que la retranscription de messages, lorsqu’ils sont effectués à l’insu de leur auteur, constituent des procédés déloyaux rendant irrecevables en justice les preuves ».

En somme, la preuve ne doit pas surprendre le partenaire contractuel ; elle ne doit pas avoir été obtenue à l’insu de l’autre partie.

La solution de l’arrêt du 23 mai 2007 peut paraître surprenante puisqu’elle distingue « l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée » et l’utilisation de « messages écrits téléphoniquement adressés », mais à bien y regarder, cette solution s’applique parfaitement à la règle instituée par la jurisprudence en matière de preuve.

En effet, c’est le fait d’avoir obtenu la preuve à l’insu de l’autre partie qui rend la preuve du SMS irrecevable en justice.

Or, d’un point de vue technique, une fois qu’un SMS est envoyé, il est en principe automatiquement enregistré et conservé par le destinataire, par conséquent, l’auteur du SMS ne peut ignorer que le SMS sera enregistré.

Le SMS n’est donc pas une preuve obtenue à l’insu de son destinataire et est recevable en justice.

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L’absence pour maladie n’est en principe pas prise en compte pour calculer l’ancienneté

Le Code du travail ne donne pas de définition de l’ancienneté professionnelle. En pratique, elle est considérée comme la période d’emploi d’un salarié commençant à son entrée en fonction dans l’entreprise et se terminant à la fin de son contrat de travail.

Lors du calcul de l’ancienneté du salarié, certaines périodes de suspension du contrat de travail pourront réduire l’ancienneté. D’autres n’auront pas d’incidence sur son calcul. L’ancienneté est à différencier du travail effectif qui est utilisé pour calculer le temps de travail du salarié.

Dans le calcul de l’ancienneté du salarié, certaines périodes de suspension du contrat de travail auront des influences sur sa durée. Certaines absences ne seront pas prises en compte dans son calcul comme les absences pour maladie. En effet, ces dernières ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’ancienneté pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement, sauf lorsque la convention collective le prévoit expressément (Cass. Soc, 5 octobre 2020 n°18-18265).
Ainsi, lorsqu’une convention collective prévoit, dans ses dispositions concernant la notion d’ancienneté, que les absences pour cause de maladie sont considérées comme temps de présence et comptent dans la durée des services continus, il convient de prendre en compte ces absences pour maladie dans l’ancienneté à retenir pour le calcul de l’indemnité de licenciement et ce, même si les dispositions de la convention collective relatives à l’indemnité de licenciement ne contiennent pas de précisions sur ce point.

Ancienneté et arrêt maladie – quelques exemples :

  • Alexandre a travaillé pendant 2 ans au sein d’une entreprise. Durant cette période, ce dernier a été absent pour maladie non professionnelle pendant 2 mois ; selon l’article L1234-8 du Code du travail. La période d’absence de 2 mois d’Alexandre pour maladie n’entre pas en compte pour calculer la durée de son ancienneté servant à déterminer l’indemnité de licenciement de ce dernier.

Cela étant, seules les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle sont exclues par la loi du calcul de l’ancienneté. Les périodes de suspension du contrat en raison d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle sont, quant à elles, bien prises en compte dans la durée de l’ancienneté dont le salarié peut se prévaloir au soutien de ses demandes d’indemnité de préavis ou de licenciement (article L.1226-7 du Code du travail).

  • Elisa a été embauchée le 1er avril 2010. Elle a subi un accident de travail en 2014, qui l’a empêchée de travailler durant une période d’un an. Le 1er avril 2016, elle est licenciée.

S’agissant d’un arrêt pour accident du travail ayant une origine professionnelle, sa période d’un an d’absence devra être prise en compte dans le calcul de son ancienneté. Son indemnité de licenciement devra être calculée sur l’ensemble de sa période d’emploi, y compris celle de suspension d’un an. Elle bénéficie donc d’une ancienneté de 6 ans au sein de l’entreprise.

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Enregistrer son employeur : cela constitue-t-il une preuve illicite ?

Ai-je le droit d’enregistrer une conversation avec mon patron à son insu ? Cet enregistrement est illégal ou peut-il être utilisé par la suite dans une procédure judiciaire ?

Cette question se pose par une grande majorité des clients qui souhaitent à tous prix trouver un moyen de preuve efficace. La France a une législation très stricte concernant la protection de la vie privée. Mais aussi à l’échelle de l’Union Européenne avec notamment l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » mais organise un régime de restrictions si celles-ci sont « prévues par la loi » et « nécessaires, dans une société démocratique ». Les conversations privées ne peuvent donc être enregistrées qu’avec l’accord des participants et, dans ce cadre, constituer un mode de preuve licite susceptible d’être produit en justice. Toutefois, il peut y avoir des exceptions (abordées ci-après) dans lesquelles l’enregistrement d’une conversation privée effectuée à l’insu de l’un des participant est illicite mais pourrait néanmoins être produit en justice.

Enregistrer son employeur : dans quels cas les pièces peuvent être produites en justice

Nous évoquons ici un thème d’une apparence juridique simple au premier abord mais qui est relativement pratique : dans quelles conditions puis-je utiliser devant les tribunaux, un enregistrement ?

Il faut alors distinguer deux familles : Les Tribunaux civils qui vont regrouper le Tribunal Judiciaire, le Conseil de prud’hommes, le Pôle social …etc. Et puis il y a les Tribunaux pénaux comme le Tribunal correctionnel. Si un enregistrement peut servir de preuve, la valeur de cette preuve s’apprécie de manière assez différente selon que l’on est dans un cadre civil ou dans un cadre pénal.
Il y a un principe devant les Tribunaux civils, qui énonce qu’il n’est pas possible d’utiliser une preuve qui a été illégalement acquise. Ainsi, si l’on démontre que l’enregistrement a été illégalement acquis, on peut interdire à l’adversaire de l’utiliser. On imagine par exemple, que l’enregistrement a servi de fondement d’un licenciement, ce licenciement ne sera donc pas retenu et devient un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En simplifiant, on peut dire globalement que les enregistrements à l’insu d’une personne, effectués pour se ménager une preuve civile ne vont pas être retenus en principe. Précisément, parce que la preuve aura été obtenue de manière occulte sans que les intéressés n’aient été préalablement avisés, c’est le principe général de loyauté des preuves qui prévaut dans la matière civile et de la conséquence de la protection de la vie privée. Ce principe est évoqué à l’article 9 du Code de procédure civile, qui énonce « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Ceci signifie que tout enregistrement d’une conversation téléphonique ou autre sans l’accord des participant, est illégal et ne peut pas être utilisé dans le cadre d’une procédure judiciaire civile. Si on enregistre une situation au cours de laquelle on est droit d’attendre la protection de la vie privée, on se place sous le coup de la loi et, le cas d’échéant, on est passible de dommages et intérêts. Les enregistrements sont seulement autorisés là où chacun peut reconnaitre qu’il n’y a pas de protection de vie privée. Il en va ainsi si les deux parties savaient qu’elles étaient enregistrées.

Cela étant, il existe un revirement jurisprudentiel très récent découlant d’un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 30 septembre 2020, n°19-12.058. Cet arrêt est inédit en ce que, pour la première fois, la Cour de cassation admet que l’employeur se prévale d’informations extraites d’un compte privé Facebook d’une salariée au soutien du licenciement de cette dernière, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Si on se base sur cette jurisprudence novatrice, on peut, peut être imaginer son application aux enregistrements obtenus déloyalement. Sans nier l’atteinte à la vie privée en résultant, la Cour considère que l’intérêt légitime de l’employeur peut justifier une telle entorse, sous réserve :

  • que les éléments de preuve aient été recueillis loyalement ;
  • que l’atteinte à la vie privée soit proportionnée au but poursuivi par l’employeur ;
  • que la production des éléments soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve.

Mis à part cette récente exception, les enregistrements obtenus de manière illicite en matière civile sont interdits et non valables.

L’utilisation d’enregistrements devant les juridictions pénales

Devant les juridictions pénales, on peut utiliser l’enregistrement intervenu à l’insu de la personne concernée et le produire en justice. Cet enregistrement pourra être utilisé par les tribunaux pour qu’ils puissent condamner, éventuellement, un prévenu. En effet, sur le terrain pénal, la chambre criminelle a tendance à considérer la validité de la preuve obtenue de manière déloyale. Cette tendance est ici en effet assez lourde, car toutes les preuves sont bonnes à prendre, notamment à partir du moment où elles mettent en évidence la commission du délit.

Cependant, il y a une petite restriction, selon laquelle un enregistrement illégal pourrait donner lieu à un éventuel risque de plainte pénale pour atteinte à la vie privée ou enregistrement frauduleux.

En effet, l’article 226-1 du Code pénal dispose « qu’est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée, en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel. »

Et s’en suit également l’article 226-2 du même Code, qui précise « qu’est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1. »

Et c’est à l’avocat de peser la balance entre le « pour » et le « contre », entre les avantages que l’on va tirer en produisant cet enregistrement et le risque que l’on prend en délivrant ces enregistrements à la justice.

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Sources : 

Quelles sont les indemnités suite à un licenciement nul ?

Les sommes versées au salarié réintégré après un licenciement nul sont soumises à cotisations

La somme allouée au salarié réintégré après l’annulation de son licenciement, correspondant à la réparation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration et plafonnée au montant des salaires dont il a été privé, entre dans l’assiette des cotisations sociales (Cass. soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624).

Un salarié est placé en arrêt de travail, lequel est pris en charge au titre de la législation des accidents du travail. Pendant la suspension de son contrat de travail, il est licencié. Il demande et obtient devant la juridiction prud’homale la nullité de son licenciement, sa réintégration et le paiement d’indemnités.

Pendant la période de suspension du contrat de travail, l’employeur peut licencier le salarié s’il justifie d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou l’accident (C. trav. art. L 1226-9). Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle et ouvre droit à réintégration pour le salarié (C. trav. art. L 1226-13).

Le salarié prétend tout d’abord avoir droit au paiement d’une indemnité égale au montant qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans déduction des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période. Pour lui, le licenciement intervenu pendant la période de protection pour accident du travail en l’absence d’une faute grave ou d’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par la Constitution. [En savoir plus sur la protection du salarié contre le licenciement en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle]

D’après une jurisprudence constante, le salarié a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires perçus, c’est-à-dire déduction faite des revenus de remplacement et des rémunérations perçus pendant cette période (Cass. soc., 26 avril 2006, n° 04-42.681 ; Cass. soc., 14 février 2018, n° 16-22.360).

Toutefois, il peut prétendre à une réparation forfaitaire, donc sans déduction possible, en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. C’est le cas notamment du licenciement discriminatoire prononcé en raison de l’état de santé du salarié (Cass. soc., 11 juillet 2012 n° 10-15.905).

La décision de la Cour d’appel l’ayant débouté de sa demande est approuvée par la Cour de cassation. Pour les juges du fond, le licenciement n’est pas fondé sur l’état de santé mais sur la violation de la protection accordée au salarié en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, qui ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale. Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a donc droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Le salarié demande par ailleurs à son employeur la régularisation des cotisations sociales sur les sommes versées au titre de la réparation de son préjudice et la remise des bulletins de salaire correspondants.

Pour la Cour d’appel, les sommes allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires. Elles sont donc exclues de l’assiette des cotisations et l’employeur n’a pas à s’acquitter des cotisations et à délivrer les bulletins de paie.

La décision des juges du fond est cassée. Pour la Cour de cassation, la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l’occasion du travail et entre dans l’assiette des cotisations sociales.

L’indemnité pour licenciement nul versée au salarié lorsqu’il ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration est impossible, prévue à l’article L 1235-3-1 du Code du travail, est quant à elle exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). Toutefois, l’indemnité est intégralement assujettie si son montant dépasse 10 fois le Pass (CGI art. 80 duodecies et CSS art. L 242-1, II-7°).

La solution retenue ici est cohérente avec la règle posée par la loi. Cette indemnité, qui correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et la réintégration (si elle a été demandée dans le délai prescrit ou à l’expiration de ce délai dans le cas contraire), est en effet soumise à cotisations (C. trav. art. L 2422-4).

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Le salarié réintégré après un licenciement nul a acquis des droits à congés pendant son absence

La période d’éviction d’un salarié entre son licenciement jugé nul et sa réintégration peut-elle être assimilée à du temps de travail effectif permettant l’ouverture du droit aux congés payés ?

La CJUE répond par l’affirmative à cette question et remet en cause le droit français (CJUE 25 juin 2020, aff. 762/18, QH c/ Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et aff. 37/19, CV c / Iccrea Banca SPA Istituto Centrale del Credito Cooperativo).

Le juge européen assimile la période d’éviction à une période de travail effectif ouvrant droit à congés.

Transposant sa jurisprudence relative au travailleur absent pour maladie, la CJUE tranche en faveur de l’acquisition d’un droit à congés payés pendant la période d’éviction :

« L’article 7, § 1, de la directive 2003/88/CE s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l’annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n’a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n’a pas accompli un travail effectif au service de l’employeur. »

Après avoir rappelé la double finalité des congés, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches contractuelles lui incombant, d’une part, et disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part, ceci présupposant que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence. La Cour rappelle que certaines situations spécifiques permettent de déroger au principe selon lequel les droits au congé annuel doivent être déterminés en fonction des périodes de travail effectif.

Ainsi, lorsque le travailleur est incapable de remplir ses fonctions pour une cause imprévisible et indépendante de sa volonté telle que la maladie, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé (CJUE 24-1-2012, Dominguez, aff. 282/10 : RJS 4/12 n° 399).

Or, la CJUE constate que, tout comme la survenance d’une incapacité de travail pour cause de maladie, le fait qu’un travailleur soit privé de la possibilité de travailler en raison d’un licenciement jugé illégal par la suite est, en principe, imprévisible et indépendant de la volonté de ce travailleur.

Aussi, la période d’éviction doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de détermination des droits au congé annuel payé. Et s’il est à nouveau licencié, le travailleur peut prétendre à une indemnité compensatrice.

Selon la CJUE, les congés dus au titre de la période d’éviction sont reportables sans limite, sauf si le travailleur a occupé un autre emploi pendant la période d’éviction.

La CJUE admet que le droit national peut limiter le cumul des droits à un congé d’un travailleur en incapacité de travail pour maladie pendant plusieurs périodes de référence consécutives. Notamment, en instaurant, par exemple, une période de report de 15 mois à l’expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s’éteint (CJUE 29-11-2017 aff. 214/16 : RJS 3/18 n° 227). Mais s’agissant du salarié licencié illégalement, cette limitation ne se justifie pas. En effet, selon la Cour, la protection des intérêts de l’employeur ne paraît pas strictement nécessaire et l’employeur qui ne met pas un travailleur en mesure d’exercer son droit au congé annuel payé doit en assumer les conséquences.

Précision importante ajoutée par la CJUE

Lorsque le travailleur a travaillé pour un autre employeur pendant la période d’éviction, il ne peut revendiquer auprès de son premier employeur des droits à congés payés au titre de la période pendant laquelle il a occupé ce nouvel emploi. C’est en effet le nouvel employeur qui reste redevable des droits à congés correspondant à cette période d’emploi.

La solution retenue par le juge européen met à mal la jurisprudence française en la matière. Suivant la logique d’acquisition des congés payés en contrepartie de l’exécution d’un travail effectif, la Cour de cassation considère en effet, que la période d’éviction du salarié réintégré après l’annulation de son licenciement ouvre droit, non à une acquisition de jours de congés payés, mais à une indemnité d’éviction. Cette indemnité a pour objectif de réparer le préjudice subi par le salarié, en compensant la perte de ses salaires subie entre son éviction et son retour dans l’entreprise.

Mais dans la mesure où le salarié n’a pas travaillé au service de son employeur pendant la période d’éviction, aucun droit à congés payés ne peut lui être ouvert (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 15-19.731). La Cour de cassation a récemment réaffirmé que la période d’éviction ne pouvait être considérée comme constituant un temps de travail effectif (Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 16-25.672).

La jurisprudence de la Cour de cassation est manifestement contraire à la position du juge européen.

Toutefois, la Haute Juridiction française sera-t-elle tenue de faire évoluer sa jurisprudence sans attendre une modification par le législateur des dispositions de l’article L 3141-5 du Code du travail listant les périodes d’absence assimilées à du travail effectif ? La réponse à cette question est incertaine.

En effet, la directive 2003/88/CE ne permet pas, dans un litige entre des particuliers, d’écarter les effets d’une disposition nationale contraire (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285), mais, en revanche, l’article 31, § 2, de la charte des droits fondamentaux cité également par l’arrêt de 2020 a un effet direct horizontal et peut donc être invoqué dans un litige entre particuliers aux fins d’obtenir que le juge national écarte la réglementation nationale (CJUE 6-11-2018 aff. 569/16 : RJS 2/19 n° 134).

Or, les enjeux sont d’autant plus importants que le syllogisme permettant au juge européen d’assimiler le salarié illégitimement évincé au salarié malade ne s’applique pas aux conséquences pécuniaires du rétablissement du travailleur dans ses droits. Contrairement au salarié malade, le salarié évincé retrouve tous ses droits à congés sans limitation, aucune période de report ne pouvant lui être opposée.

Source : Navis social

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La notification du motif économique de licenciement doit intervenir au plus tard au moment de l’acceptation du CSP

L’employeur est tenu, sous peine de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat. Un écrit doit être remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) (Cass. Soc., 27 mai 2020, n°18-20.153 et 18-24.531).

Cette exigence d’information du salarié est impérative lorsque la rupture du contrat est en jeu.

La jurisprudence a, à ce titre, établi que l’acceptation de la convention par le salarié ne dispensait pas l’employeur de son obligation de communiquer au salarié, dans un document écrit, le motif économique du licenciement dont il prend l’initiative (Cass. Soc., 27 mai 2009, n° 08-43.137). Et c’est précisément autour de cette question de l’information quant aux motifs économiques dans le cadre de la conclusion d’un CSP que les deux arrêts rendus le 27 mai 2020 viennent apporter des éléments de réponse.

Il était question dans les deux espèces de salariés auxquels avait été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. Dans les deux cas, les modalités d’information entourant cette proposition de CSP firent l’objet de contestation, les intéressés estimant celle-ci irrégulière.

La Cour de cassation profite de ces deux saisines pour préciser les modalités d’information quant au motif économique qui justifie la mise en œuvre de ce dispositif.

Procédure légale

Dans le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153), où l’employeur était une société en redressement judiciaire, la haute juridiction rappelle que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle,  l’employeur doit « en énoncer le motif économique :

  • soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement,
  • soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du Code du travail,
  • soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle , dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. »

Dans le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531), la Cour de Cassation réaffirme que l’employeur est « tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du CSP par le salarié, afin qu’il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation ».

Cette exigence de communication du motif économique par écrit et antérieurement à l’acceptation du salarié n’est pas nouvelle, ces deux arrêts venant confirmer une jurisprudence constante (Cass. Soc., 14 avril 2010, n° 08-45.399).

Information du salarié dans le cadre de la procédure de licenciement économique

Le document écrit d’information sur ce dispositif doit donc être remis au salarié soit au moyen de la lettre remise au salarié dans le cadre de l’obligation de l’employeur de rechercher un reclassement dès que le licenciement est envisagé, énonçant le motif de la suppression du poste et en proposant un nouveau (Cass. Soc., 16 nov. 2016, n° 15-12.293), soit au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié.

La justification tient, pour la jurisprudence, à la nécessité que ce dernier soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

La sanction de cette formalité est lourde de conséquences, puisque le licenciement sera considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153) livre enfin un dernier enseignement quant au formalisme que doit revêtir la note « contrat de sécurisation professionnelle » lorsque l’employeur est soumis à une procédure de redressement judiciaire.

Il est en effet prévu que, lorsque l’administrateur réalise une procédure de licenciement économique d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance par laquelle le juge-commissaire autorise des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la lettre de licenciement comporte nécessairement le visa de cette ordonnance.

À défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse.

La chambre sociale vient ici préciser que la solution s’étend à la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP.

De façon assez logique et en résonance avec l’exigence de parfaite information préalable à l’acceptation du CSP, le visa de l’ordonnance du juge-commissaire devra donc également figurer sur la notice, à défaut de quoi l’employeur, déjà dans une posture délicate, s’exposera aux conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sources : Dalloz-avocats

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Accepter des cadeaux d’affaires d’un montant important peut justifier un licenciement pour faute grave

Dans le but de prévenir les faits délictueux liés à d’éventuels conflits d’intérêts, nombre d’entreprises ont pris l’habitude de réglementer les relations de leurs salariés avec les clients, fournisseurs et prestataires.

C’est dans ce cadre, par exemple, que les salariés se voient interdire de solliciter ou de recevoir des cadeaux d’affaires dans le cadre de leur activité.

La violation de cette interdiction constitue une faute exposant les intéressés à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

Exemple de cas de licenciement pour faute grave

Un employé de banque a été licencié pour faute pour avoir accepté à plusieurs reprises des dons d’argent de la part d’une cliente. Pour considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel avait estimé que les dispositions du règlement intérieur de la banque n’interdisaient pas à ses salariés de recevoir des cadeaux ne s’écartant pas des usages normaux, auxquels elle rapprochait les pratiques litigieuses.

La Cour de cassation a censuré la décision pour dénaturation en indiquant que les dispositions du règlement intérieur, considérées dans leur ensemble, excluaient qu’un don de somme d’argent, quel que soit son montant et quelles que soient les circonstances dans lesquelles il était accordé, puisse être considéré comme un cadeau ne s’écartant pas des usages normaux (Soc. 29 sept. 2010, n° 09-42.459).

Plusieurs décisions montrent, cependant, que l’édiction d’une telle règle n’est pas indispensable pour fonder le licenciement d’un salarié ayant profité des largesses de la clientèle.

Le simple fait que le salarié accepte ou demande un cadeau peut être vu comme un comportement inadapté et donc fautif. (Soc. 26 mars 2014, n° 12-28.427 : en l’espèce, l’inspection du travail avait autorisé le licenciement d’un salarié protégé fondé sur le fait, non d’avoir accepté un cadeau, mais d’en avoir sollicité un auprès d’un fournisseur).

La Cour d’appel d’Angers a estimé (CA Angers, 29 mai 2020, n°18-00395, Sté Howmet Ciral c/ M) que le licenciement pour faute grave était parfaitement justifié à l’égard d’un salarié ayant manqué à son obligation de loyauté en acceptant personnellement des cadeaux d’un montant important d’un fournisseur à deux reprises. Ceci avait par ailleurs été fait en toute discrétion, en dépit des exigences d’intégrité en vigueur au sein de la société dont il avait parfaitement connaissance.

Ce salarié s’était vu proposer comme cadeaux de la part d’un fournisseur deux tablettes numériques d’une valeur de 798 euros.

Il les avait acceptées, sans en référer à son responsable alors que la réglementation interne ne lui permettait d’accepter que des cadeaux de « valeur raisonnable », c’est-à-dire autour de 20 euros, et lui enjoignait d’interroger son responsable en cas de doute.

Il a agi en totale discrétion en demandant expressément à ce que les cadeaux lui soient livrés à son domicile. Mais les faits ont été découverts de façon fortuite par l’employeur et le salarié a été convoqué à un entretien préalable. À cette occasion, il a avoué avoir commandé et reçu par le passé à son domicile une tablette numérique d’une valeur de 159 euros du même fournisseur sans en informer sa hiérarchie. Ces manquements graves, répétés et délibérés ont conduit l’employeur à le licencier pour faute grave.

Pour la Cour d’appel d’Angers, le salarié a causé un préjudice à l’entreprise (image ternie, risque de redressement Urssaf eu égard à l’avantage en nature indûment octroyé, etc.).

Le salarié a tenté, sans succès, de minimiser la gravité de sa faute en faisant valoir plusieurs circonstances atténuantes (absence d’antécédents disciplinaires, ancienneté et non-réception des deux dernières tablettes).

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet du licenciement pour faute grave :

Critères d’ordre en cas de licenciement économique

Lorsqu’il envisage un projet de licenciement individuel ou collectif pour motif économique, l’employeur doit établir la liste du ou des salariés susceptibles d’être licenciés. Après consultation du comité social et économique (CSE), il doit établir un ordre des licenciements tenant compte de critères d’ordre prévus par le Code du travail ou par la convention collective applicable.

Liste des critères qui permettent de fixer l’ordre des licenciements

Ces critères d’ordre légaux doivent prendre en compte (art. L. 1233-5 du Code du travail) :

  • Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
  • L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
  • La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
  • Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Cette liste n’est pas limitative et l’employeur peut y ajouter d’autres critères.

L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères mentionnés ci-dessus.

La sanction du non-respect des critères d’ordre en cas de licenciement économique

L’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements expose l’employeur au paiement de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe. Elle ouvre droit, pour le salarié, au paiement de dommages-intérêts évalués en fonction du préjudice subi. Le salarié doit donc apporter des éléments à même de le justifier (Cass. soc., 26 février 2020, n°17-18.136). Il n’y a donc pas un droit automatique à indemnisation, comme la Cour de Cassation a pu juger en ce sens par le passé.

En effet, si le salarié ne justifie pas du préjudice subi, il ne peut obtenir la réparation de la violation de l’ordre des licenciements.

Deux exceptions peuvent cependant s’appliquer :

  • En l’absence de représentants du personnel, sans PV de carence, privant les salariés d’une possibilité de représentation (Cass. soc., 17 octobre 2018, n°17-14.392)
  • En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié n’ayant pas droit à un minium d’indemnisation pour un licenciement avant l’entrée en vigueur du barème Macron (Cass. soc., 13 septembre 2017, n°16-13.578), car le Code du travail prévoit une indemnisation spécifique dans ces cas, sans justifier un préjudice.

Ainsi, en cas de non-respect des critères d’ordre, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts distincts, pour violation des critères d’ordre (Cass. soc., 14 novembre 1995, n° 92-41.599), qui sont différents des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

D’ailleurs, cette indemnité ne se cumule pas avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 96-43.067).
Le salarié peut, dans un délai de 10 jours à compter de la date de son départ de l’entreprise, demander à l’employeur les critères retenus.
La demande est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

L’employeur doit répondre par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge dans les 10 jours suivant la présentation de la lettre du salarié ou la remise en main propre de celle-ci.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail dans les Alpes-Maritimes, au sujet du licenciement économique :

Pas de clause de non-concurrence applicable si le contrat de travail n’a pas été signé par le salarié

L’employeur ne peut pas valablement opposer au salarié les stipulations d’un contrat de travail contenant une clause de non-concurrence, que celui-ci n’a pas signé et dont il n’établit pas qu’il les aurait expressément acceptées de manière claire et non équivoque, conformément aux articles L 1221-1 du Code du travail er 1134 du Code civil (Cass. soc., 1er avril 2020, n°18-24.472).

Le fait que le salarié :

  • ait signé un avenant ultérieur au contrat initial non signé,
  • ait ensuite démissionné reconnaissant ainsi avoir travaillé pour l’employeur,
  • ait réclamé le paiement d’heures supplémentaires sur la base de temps de travail mentionné dans le contrat initial non signé,
  • ne conteste pas la perception d’indemnités compensatrices relatives à la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail initial non signé,

ne permet que d’établir l’existence d’un contrat de travail. Ils ne démontrent pas que le salarié était spécifiquement lié à l’employeur par une clause de non-concurrence, acceptée de manière claire et non équivoque.

En effet, la clause de non-concurrence implique un engagement du salarié restreignant sa liberté du travail et la libre concurrence. Il est donc nécessaire de l’apprécier strictement, dans l’intérêt des salariés et des employeurs.

Ainsi la clause de non-concurrence ne peut résulter que de l’accord des deux parties, certain et non équivoque.

Le fait d’avoir perçu la contrepartie financière de cette obligation de non-concurrence pendant plusieurs mois peut laisser penser que le salarié a donné son accord. Pour autant, ce fait ne suffit pas à démontrer l’accord clair et non équivoque du salarié dans le cas où cette clause n’a pas été signée.

Il est logique dans un tel cas que le salarié soit donc contraint de restituer les indemnités compensatrices perçues à tort.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet de la clause de non-concurrence :

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