Justice du Travail

En France, la justice du travail est traditionnellement assurée par le Conseil de prud’hommes qui absorbe la grande majorité des litiges entre employeurs et salariés. Cependant, lors de litiges spécifiques d’autres juridictions peuvent intervenir.

Quel tribunal compétent en Justice du Travail ?

Ce sera parfois le cas avec le Tribunal administratif qui sera compétent lors d’un litige avec un salarié protégé ou avec le Tribunal de grande instance qui sera compétent lors d’un contentieux sur un accord collectif ou encore avec le Tribunal d’instance qui lui sera spécifiquement compétent lors d’un contentieux autour des élections professionnelles ou lors d’un contentieux faisant intervenir certaines catégories de salariés (marins). Enfin, lorsqu’un litige porte sur le droit pénal du travail, c’est le Tribunal correctionnel qui sera saisi.

Ainsi, lorsqu’un litige est né à l’occasion d’un contrat de travail, il est possible de saisir le Conseil de prud’hommes. Mais, il est important de souligner que la justice du travail a toujours eu pour ambition le règlement amiable des conflits entre employeur et salarié. En effet, avant d’être portée devant le bureau de jugement, chaque conflit doit faire obligatoirement l’objet d’une tentative de conciliation. Ici, les parties tentent de trouver un accord pour éviter la procédure contentieuse. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette conciliation que les parties sont renvoyées devant le bureau de jugement.

Par ailleurs, chaque partie à la possibilité de se faire assister ou représenter par un collègue de la même branche ou par son conjoint mais aussi par un avocat. Il est à noter que cette possibilité a été renforcé par la loi Macron puisque dorénavant cette faculté est offerte dans tous les cas. En effet, même si l’assistance par un avocat devant le Conseil de prud’hommes n’est pas obligatoire, elle est très fortement conseillée.

Il est à noter que depuis le décret du 20 mai 2016, les parties ont également la possibilité de se faire assister par le défenseur syndical.

En outre, une procédure de référé est possible. Elle permettra, dans les cas d’urgence, d’obtenir très rapidement une décision de justice (contestation sérieuse, prévention d’un dommage imminent, trouble manifestement illicite). Dans cette procédure, il n’y a pas de conciliation préalable et ainsi le litige trouvera une réponse dans un délai de 2 à 6 mois.

Enfin, l’appel sera principalement interjeté devant la Cour d’appel et exceptionnellement devant la Cour d’appel administrative. En définitive, il faut savoir qu’un dernier recours est possible devant la Cour de cassation (chambre sociale ou criminelle) ou exceptionnellement devant le Conseil d’état.

Les demandes nouvelles en cause d’appel : l’identité de fins toujours en cause

La Cour de cassation a récemment clarifié les contours de ce qu’on appelle les demandes nouvelles en appel dans le cadre d’un litige prud’homal (Cass. soc., 6 nov. 2024, n° 22-17.335). Elle rappelle que toutes les prétentions supplémentaires formulées en cause d’appel ne sont pas automatiquement recevables, même si elles semblent liées au litige initial. Ce faisant, elle met un coup d’arrêt à une lecture trop souple de la notion d’« identité de fins » entre les demandes de première instance et celles soumises en appel.

Une salariée multiplie les demandes : toutes ne sont pas recevables

L’affaire concerne une ancienne responsable RH licenciée en 2018, qui saisit les prud’hommes pour contester les conditions de son licenciement et l’exécution de son contrat. En première instance, elle invoque un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, en lien avec une surcharge de travail et un défaut de contrôle de ses horaires.
En appel, elle élargit ses demandes. Elle réclame notamment le paiement d’heures supplémentaires, des indemnités pour repos compensateurs non accordés, et une réparation au titre du travail dissimulé, en invoquant la nullité de sa convention de forfait jours.

La Cour d’appel accepte les demandes, mais la Cour de cassation les rejette

La Cour d’appel valide ces nouvelles demandes, considérant qu’elles poursuivent la même finalité : la réparation du préjudice subi du fait de l’organisation du temps de travail. Mais la Cour de cassation casse cette décision. Selon elle, les demandes nouvelles en appel – paiement d’heures supplémentaires, repos compensateurs, travail dissimulé – ne visent pas les mêmes fins que la demande initiale en dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Ces demandes ne sont ni l’accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire de la demande d’origine. Autrement dit, on ne peut pas les rattacher à la première demande de façon logique ou juridique.

Des objectifs différents, même dans un même litige

La décision met en lumière une réalité : deux demandes peuvent concerner l’exécution d’un même contrat de travail, mais poursuivre des objectifs très différents. L’une peut viser à compenser un préjudice moral ou physique (obligation de sécurité), l’autre à réclamer une contrepartie financière à un travail non rémunéré (heures supplémentaires, repos compensateurs).
La jurisprudence avait parfois accepté de lier certaines demandes entre elles, au nom d’une logique indemnitaire commune. Par exemple, la Cour a déjà admis que des demandes pour licenciement abusif et pour non-reclassement pouvaient être considérées comme tendant aux mêmes fins. Mais ici, elle ferme la porte à un raisonnement trop large autour de l’« identité de fins » et des demandes nouvelles en appel.

Une volonté de recentrer le débat sur le principe du contradictoire

Cette décision s’inscrit dans une volonté de garantir un débat équitable en appel. Si une partie peut introduire en appel des demandes nouvelles trop éloignées du litige initial, elle prive l’autre partie (l’intimé) de la possibilité d’avoir eu un premier jugement sur ces éléments. C’est le respect du double degré de juridiction qui est ici protégé.

Un rappel bienvenu pour les praticiens du droit social

Pour les avocats et juristes en droit du travail, cet arrêt rappelle la nécessité de formuler toutes les demandes dès la première instance. Toute extension du litige en appel doit pouvoir démontrer un lien clair et direct avec les prétentions initiales, sous peine d’irrecevabilité.

Ce recentrage sur l’interprétation stricte des textes (articles 564 et 565 du Code de procédure civile) contribue à stabiliser la procédure prud’homale, tout en fixant les limites de l’« identité de fins » invoquée trop largement par certaines parties — un repère utile pour éviter des demandes nouvelles en appel irrecevables.

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CDI intérimaire : un dispositif de protection du salarié intérimaire, et non de flexibilité pour l’entreprise utilisatrice

Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l’article L. 1251-40 du code du travail, le salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu’il a conclu avec l’entreprise de travail temporaire un CDI intérimaire (Cass. soc. du 7 février 2024, n°22-20.258)

Finalité du CDI intérimaire : lutter contre la précarité. Le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire a été instauré par un accord de branche signé le 10 juillet 2013, visant à sécuriser les parcours professionnels des salariés intérimaires, et a été étendu par un arrêté du 22 février 2014. Cependant un accord collectif ne pouvant instituer un contrat dérogatoire, tant l’accord collectif que l’arrêté ont été annulés par la Cour de cassation (Soc. 12 juill. 2018, n° 16-26.844) et le Conseil d’État (CE 28 nov. 2018, n° 379677). La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a légalisé (sans rétroactivité) et généralisé ce dispositif à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2018, à l’article 56. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, outre une validation rétroactive des contrats « conclus entre le 6 mars 2014 et le 19 août 2015 sur le fondement du chapitre premier de l’accord du 10 juillet 2013 », a pérennisé le dispositif en l’insérant dans le code du travail aux articles L. 1251-58-1 et suivants.

L’objectif, comme souligné dans les travaux parlementaires, est de réduire la précarité des travailleurs intérimaires tout en garantissant une flexibilité pour les entreprises de travail temporaire, sans pour autant accroître la flexibilité pour les entreprises utilisatrices en matière de recours à l’intérim. Lors des débats au Sénat, à la séance du 16 juillet 2018 sur l’amendement n° 649, il a ainsi été rappelé que : « Au-delà du succès du dispositif auprès des acteurs du secteur, son expérimentation a montré que le CDI intérimaire était un contrat gagnant-gagnant : gagnant pour le salarié, qui bénéficie d’un cadre contractuel fixe qui réduit sa situation de précarité et permet d’assurer son employabilité grâce aux formations qui lui sont dispensées ; gagnant pour l’entreprise de travail temporaire, puisque le dispositif lui permet de continuer à offrir à ses clients la flexibilité attendue, tout en répondant à leurs besoins actuels et futurs en termes de compétences ».

Le CDI intérimaire se définit comme un contrat conclu selon les conditions du droit commun entre une entreprise de travail temporaire et un salarié, visant à réaliser des missions successives non prédéterminées auprès d’entreprises utilisatrices. Les périodes d’intermission sont considérées comme du temps de travail effectif, avec une rémunération mensuelle minimum garantie. Cela instaure une relation triangulaire où les entreprises utilisatrices peuvent varier pour chaque mission.

Dans un arrêt du 25 janvier 2023, la Cour de cassation avait déjà refusé le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution du dispositif de requalification-sanction prévu en matière de CDI intérimaire (Soc., QPC, 25 janv. 2023, n° 22-40.018). Par cet arrêt du 7 février 2024, c’est la première fois que la Cour de cassation est saisie d’une question sur le fond portant sur les conditions du CDI intérimaire et sur les sanctions applicables, notamment lorsque l’entreprise utilisatrice mobilise un salarié pour un cas de recours illicite. C’est dire l’importance de la solution, pour laquelle sont disponibles le rapport du conseiller et l’avis de l’avocat général sur le site de la Cour de cassation.

 En l’espèce, une entreprise de travail temporaire a mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice un salarié suivant différents contrats de mission temporaire entre les 8 avril et 23 décembre 2015. Puis, le 13 janvier 2016, l’entreprise de travail temporaire et le salarié ont conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire avec des mises à disposition successives auprès de la même entreprise utilisatrice entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, puis auprès de deux autres entre les 5 juin et 12 juillet 2019 et entre les 29 juillet et 30 août 2019, en qualité de manutentionnaire. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 26 septembre 2019 pour obtenir la requalification de ses missions d’intérim en contrat à durée indéterminée auprès de la première entreprise utilisatrice et pour contester la rupture de la relation de travail avec celle-ci. Le 26 novembre 2019, il a été licencié par l’entreprise de travail temporaire.

Condamnée par les juges du fond, l’entreprise utilisatrice a formé un pourvoi en cassation au motif principal que, si les missions effectuées par le salarié dans ce cadre sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, à l’exception de certaines dispositions parmi lesquelles ne sont pas mentionnées celles de l’article L. 1251-40 du code du travail, la requalification avec l’entreprise utilisatrice est nécessairement exclue dans la mesure où le salarié intérimaire ne peut être lié, pour une même prestation de travail, par deux contrats à durée indéterminée distincts ; à titre subsidiaire, l’entreprise a défendu l’argument selon lequel, à admettre que le salarié lié à l’entreprise de travail temporaire par un contrat de travail à durée indéterminée temporaire intérimaire puisse solliciter la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice, le fait, pour celle-ci, de cesser de fournir du travail au salarié au terme d’une mission conclue dans le cadre d’un tel contrat ne peut s’assimiler à une rupture produisant les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. La société soutient qu’un salarié lié par un contrat à durée indéterminée intérimaire avec l’entreprise de travail temporaire ne peut obtenir, à la fois de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice, les indemnités de rupture et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison des mêmes missions effectuées au sein de l’entreprise utilisatrice.

 La Cour de cassation a rejeté le pourvoi par une motivation particulièrement développée. D’abord, elle reprend et synthétise l’article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, disposant qu’« une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions successives. Chaque mission entraîne la conclusion d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice, ainsi que l’établissement d’une lettre de mission par l’entreprise de travail temporaire. Le contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions du présent article. Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire sont régies notamment par les articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail. Pour l’application des dispositions de l’article L. 1251-5, les mots : contrat de mission sont remplacés par les mots : lettre de mission ». C’est donc la question de la requalification de chacun des contrats d’application que sont les contrats de mission qui est en cause et que le dispositif CDI intérimaire n’exclut pas pour la Cour de cassation.

À cet effet, le principe général posé à l’article L. 1251-5 du code du travail s’impose : « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ». L’article L. 1251-6 du même code précise la règle générale en indiquant que « sous réserve des dispositions de l’article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas énumérés, parmi lesquels l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ». Et la Cour de cassation de rappeler que, selon l’article L. 1251-40 du même code, « lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions, notamment, des articles L. 1251-5 et L. 1251-6, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».

Ensuite, de l’ensemble de ces textes, la Cour de cassation déduit deux règles majeures : 1) « lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l’article L. 1251-40, le salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu’il a conclu avec l’entreprise de travail temporaire un contrat à durée indéterminée intérimaire » ; 2) « nonobstant l’existence d’un contrat à durée indéterminée intérimaire, la rupture des relations contractuelles à l’expiration d’une mission à l’initiative de l’entreprise utilisatrice s’analyse, si le contrat est requalifié à son égard en contrat à durée indéterminée, en un licenciement qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture ».

Enfin, la Haute juridiction confirme l’arrêt d’appel la cour ayant « énoncé à bon droit que, nonobstant la signature d’un contrat à durée indéterminée intérimaire par le salarié, ce dernier peut solliciter, d’une part, la requalification des missions qui lui sont confiées en contrat à durée indéterminée de droit commun à l’égard de l’entreprise utilisatrice, au motif qu’elles ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de celle-ci, d’autre part, à l’égard de l’entreprise utilisatrice, par suite de cette requalification, comme de l’entreprise de travail temporaire en raison de son licenciement dans le cadre du contrat à durée indéterminée intérimaire, diverses sommes au titre des deux ruptures injustifiées, dès lors que l’objet des contrats n’est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d’une mission auprès de l’entreprise utilisatrice ». En l’occurrence, « après avoir constaté que le motif de recours n’était pas justifié pour la période antérieure à l’année 2016, la cour d’appel a exactement retenu que les missions exercées par la salariée auprès de l’entreprise utilisatrice devaient être requalifiées en contrat à durée indéterminée à compter du 8 avril 2015 » ; « après avoir relevé que l’entreprise utilisatrice avait mis fin aux relations contractuelles le 31 mai 2019 », « la rupture du contrat de travail, intervenue sans procédure de licenciement, s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse justifiant que soient allouées à la salariée des sommes au titre des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

  La position de la Cour de cassation est pleinement justifiée. D’abord, l’argument selon lequel l’article L. 1251-40 du code du travail ne serait pas applicable est mal fondé. Le § IV de l’article 56 de la loi précitée dispose que « les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues au présent article et à l’exception des articles L. 1251-14, L. 1251-15, L. 1251-19, L. 1251-26 à L. 1251-28, L. 1251-32, L. 1251-33 et L. 1251-36 du même code ». Le nouvel article L. 1251-58-4 du code du travail procède au même renvoi. Il ressort clairement que le texte organisant la requalification-sanction de la relation avec l’entreprise utilisatrice n’est pas exclu. Déjà, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation avait, le 25 janvier 2023, refusé de transmettre la question au motif que les dispositions combinées des articles L. 1251-58-4, L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail « sont justifiées par un motif d’intérêt général de lutte contre la précarité pouvant résulter du recours abusif à l’emploi du travail temporaire, de sorte qu’elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues » (Soc., QPC, 25 janv. 2023, n° 22-40.018 B, préc.).

Ensuite, il résulte de la prohibition du recours au travail temporaire énoncée à l’article L. 1251-5 du code du travail que son utilisation est limitée par l’article L. 1251-6 du même code, applicable au CDI intérimaire par renvoi, à « l’exécution d’une tâche précise et temporaire » et à des cas déterminés, tenant pour l’essentiel : (i) au remplacement d’un salarié, d’un chef d’entreprise ou d’une exploitation agricole ; (ii) à l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ; (iii) à des emplois de caractère saisonnier en raison de la nature de l’activité exercée et de leur caractère par nature temporaire. En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, c’est à l’entreprise utilisatrice qu’il incombe de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat (Soc. 12 nov. 2020, n° 18-18.294 ; D. 2020. 2294  ; ibid. 2021. 1152, obs; 10 oct. 2018, n° 16-26.535 ; 15 sept. 2010, n° 09-40.473 B. À défaut, le salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits afférents à un CDI prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière (Soc. 11 mai 2022, n° 20-12.271, Dr. soc. 2022. 947,). La rétroactivité qui en découle implique que l’ancienneté du salarié sera évaluée à partir de cette date. Conformément au principe de l’unicité de la requalification, le salarié a droit à une indemnité de requalification unique pour toute la période concernée, à la charge exclusive de l’entreprise utilisatrice, même si la succession de contrats a été interrompue pendant plusieurs mois. (Soc. 15 mars 2006, n° 04- 48.548). Le salarié intérimaire bénéficiaire de la requalification étant considéré ab initio comme titulaire d’un CDI à l’égard de l’entreprise utilisatrice, la rupture par cette dernière de ce nouveau contrat, notamment par la non-fourniture d’une prestation de travail, lui impose de faire application des règles du licenciement, avec toutes les conséquences indemnitaires afférentes, notamment le paiement d’une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité de préavis, s’ajoutant à l’indemnité de précarité (Soc. 30 mars 2005, n° 02-45.410 P), voire le cas échéant d’une indemnité de congés payés sur préavis et d’une indemnité conventionnelle de licenciement (Soc. 25 mai 2005, n° 02-44.468). L’entreprise utilisatrice peut en outre être condamnée au remboursement à l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié (Soc. 18 oct. 2007, n° 06-43.771).

Enfin, en raison de la distinction des rapports de droit entre l’entreprise de travail temporaire (responsable notamment des règles de forme du contrat) et l’entreprise utilisatrice (responsable de la licéité des cas de recours) pouvant entraîner la violation de règles distinctes, le salarié est en droit d’exercer deux actions concurrentes : l’une pour la requalification de la relation de travail à l’encontre de l’entreprise utilisatrice, et l’autre pour la requalification du contrat ou la contestation de la rupture contre l’entreprise de travail temporaire. (Soc. 20 mai 2009, n° 07-44.755, lesquelles relèvent de deux fondements différents, ce qui impose aux employeurs de répondre parfois in solidum des conséquences de la rupture du contrat (Soc. 12 nov. 2020, n° 18-18.294,  ; et 12-11.954). Le fait que, dans un CDI intérimaire, une nouvelle mission puisse être confiée au salarié auprès d’une autre entreprise utilisatrice ne saurait faire obstacle à l’exercice cumulé d’actions en justice, car la nouvelle lettre de mission constitue un nouveau rapport de droit, distinct des autres (également susceptible d’être contesté).

La solution rendue s’inscrit donc pleinement dans la finalité du dispositif : « l’objectif d’une relation de travail stabilisée entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire attaché au CDII s’inscrit dans celui plus large, confirmé par les travaux parlementaires de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, d’une lutte contre le recours abusif au travail précaire, en partie imputable à l’employeur en cas de délégation d’un salarié intérimaire pour un emploi durable et permanent, ce qui justifie l’application d’une sanction dissuasive à l’égard de l’entreprise utilisatrice et réparatrice pour le travailleur » (avis de l’avocat général Hemel, p. 8).

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Forfait jours : attention au suivi de la charge de travail

La Cour de cassation apporte deux intéressantes précisions sur le suivi de la charge de travail du salarié au forfait jours, l’une sur la sanction applicable s’il méconnaît les obligations mises à sa charge par la loi quand la convention collective instaurant le forfait ne prévoit pas de garanties suffisantes, l’autre quant au contenu de cette obligation (Cass. soc., 10 janvier 2024, n°22-15.782).

 

Suivi de la charge de travail par l’employeur : une obligation légale depuis 2016

Une obligation initialement imposée par la jurisprudence…

Depuis un arrêt rendu le 29 juin 2011 (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107), la jurisprudence exige que toute convention de forfait en jours soit prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent, d’une part, la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Cass. soc. 5 octobre 2017 n° 16-23.106), et, d’autre part, le caractère raisonnable de l’amplitude et de la charge de travail et une bonne répartition du travail dans le temps (Cass. soc. 17 janvier 2018 n° 16-15.124).

Ces garanties passent par l’organisation d’un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Jusqu’à présent, les nombreuses décisions rendues par la Cour de cassation sur les conséquences du non-respect de ces obligations en matière de suivi de la charge de travail l’ont été en application des règles antérieures à l’entrée en vigueur de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 (dite « loi Travail »). La chambre sociale considère, dans ce cadre, qu’une convention individuelle de forfait est :

–  privée d’effet lorsque l’employeur n’exécute pas les obligations conventionnelles concourant à la protection de la santé et de la sécurité des salariés (Cass. soc. 2 juillet 2014 n° 13-11.940 ;

–  nulle lorsque les stipulations de l’accord collectif ne sont pas de nature à assurer une telle protection (Cass. soc. 24 avril 2013 n° 11-28.398).

Il faut noter que la convention individuelle de forfait soit nulle ou privée d’effet, le temps de travail du salarié doit être décompté selon le droit commun, soit 35 heures par semaine.

Le salarié a le droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires pour les heures travaillées au-delà de cette durée, à partir de la signature de la convention en cas de nullité, ou à partir du moment où l’employeur ne respecte pas ses obligations si la convention est annulée, dans les deux cas étant soumis à une prescription triennale.

… Reprise et renforcée par la loi travail

La loi Travail a renforcé l’obligation pour l’employeur d’assurer un suivi de la charge de travail de ses salariés, en reprenant notamment les exigences posées par la jurisprudence.

Tout d’abord, elle a repris le principe selon lequel l’employeur est tenu de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (C. trav. art. L 3121-60). Cette disposition est d’ordre public.

Pour permettre à l’employeur de conclure valablement une convention individuelle de forfait en jours, un accord collectif d’entreprise ou de branche, toujours indispensable (C. trav. art. L 3121-63), doit comporter des stipulations relatives au suivi de la charge de travail précisées à l’article L 3121-64, II du Code du travail. Cet accord doit ainsi déterminer les modalités selon lesquelles :

–  l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

–  l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération, ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;

–  le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

Si tel n’est pas le cas, l’article L 3121-65, I du Code du travail prévoit un système de « rattrapage », au titre des dispositions supplétives, permettant à l’employeur de conclure tout de même une convention individuelle de forfait à condition pour lui :

–  d’établir un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées. Ce document peut être établi par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ;

–  de s’assurer de la compatibilité de la charge de travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;

–  d’organiser un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Quels sont les effets de la méconnaissance par l’employeur de ces obligations supplétives sur la convention individuelle de forfait conclue avec le salarié ?

Plus généralement, l’employeur qui manque à ses obligations de suivi régulier de la charge de travail peut-il justifier ses manquements et ainsi échapper à toute sanction ? Si oui, quels motifs peut-il invoquer ? C’est à ces questions que répond la Cour de cassation dans deux arrêts du 10 janvier 2024.

En cas de manquement aux dispositions supplétives sur l’obligation de suivi, le forfait est nul.

Dans la première affaire (n° 22-15.782), un salarié engagé le 1er octobre 2016 et soumis à une convention de forfait en jours avait demandé au conseil de prud’hommes la nullité de cette convention.
Il faisait notamment valoir que :

–  l’accord relatif à la réduction et l’aménagement du temps de travail du 5 septembre 2003 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires, servant de fondement juridique à la convention individuelle de forfait qu’il avait conclue, n’avait pas été mis en conformité avec les dispositions de l’article L 3121-64 du Code du travail issu de la loi Travail du 8 août 2016 ;

–  aucun document de contrôle sincère n’avait été mis en place par l’employeur en application de l’article L 3121-65 du Code du travail ;

–  la société ne s’était pas assurée de la compatibilité de sa charge de travail avec le respect des temps de repos hebdomadaire et quotidien, aucun entretien annuel relatif au suivi du forfait en jours n’ayant été organisé et aucune modalité du droit à la déconnexion définie.

La Cour d’appel avait donné suite à sa demande. Elle avait d’abord examiné le contenu de l’accord collectif et constaté qu’il ne respectait pas les dispositions de l’article L 3121-64 du Code du travail. Ensuite, en vérifiant si l’employeur avait respecté les dispositions supplétives prévues par l’article L 3121-65, I, elle avait conclu que ce n’était pas le cas.

Il faut noter que la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l’article 3.2.1 de l’accord du 5 septembre 2003, attaché à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012, et en cause en l’espèce, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé. La convention de forfait en jours conclue en application de ce texte est donc nulle (Cass. soc. 14 décembre 2022 n° 20-20.572). Le seul moyen offert à l’employeur pour tenter d’échapper à la nullité de la convention était donc de démontrer qu’il se conformait aux dispositions de l’article L 3121-65, I du Code du travail.

Les dispositions de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 ont été révisées et modifiées en dernier lieu par un avenant n° 12 du 4 avril 2023, étendu par arrêté du 22 septembre 2023 et applicable depuis le 6 octobre 2023.

L’employeur s’était alors pourvu en cassation. Il soutenait avoir respecté les dispositions de l’article L 3121-65, I du Code du travail grâce à la mise en place d’un document de contrôle indiquant le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées, validé par le salarié via les documents de suivi mensuel. Il affirmait qu’il était nécessaire de vérifier si la discordance relevée entre le tableau et les jours travaillés n’était pas due à une erreur du salarié. De plus, il faisait valoir que l’absence d’entretien annuel de suivi, entraînant l’inopposabilité de la convention de forfait en jours, ne pouvait pas être sanctionnée par la nullité de ladite convention.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et approuve la cour d’appel d’avoir, au vu des manquements constatés, prononcé la nullité de la convention de forfait. Après avoir rappelé les termes de l’article L 3121-65, I du Code du travail, elle pose le principe selon lequel, en cas de manquement à l’une des obligations prévues par ce texte, l’employeur ne peut pas se prévaloir du régime dérogatoire qu’il institue. La convention individuelle de forfait en jours doit donc être considérée comme nulle. En l’espèce, l’employeur avait manqué à deux de ces obligations :

  • les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié, peu important qu’ils aient pu être renseignés par lui dès lors qu’ils doivent être établis sous la responsabilité de l’employeur : dans ces conditions, il apparaissait impossible à l’employeur de s’assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;
  • l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation d’organiser avec le salarié un entretien annuel pour évoquer sa charge de travail.

Il faut noter que c’est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation se prononce sur la sanction à appliquer lorsque l’employeur manque aux obligations supplétives prévues par l’article L 3121-65, I du Code du travail.

La solution est, selon nous, logique. En effet, si l’employeur ne respecte pas les obligations découlant des mesures supplétives prévues par l’article L 3121-65 du Code du travail, la validité même de la convention individuelle de forfait est compromise, d’autant plus qu’elle ne repose sur aucun support conventionnel valable.

Manquements de l’employeur à son obligation de suivi : une justification impossible ?

Dans la seconde affaire (n° 22-13.200), un salarié engagé le 1er septembre 2016 en qualité de directeur d’hôtel était soumis à une convention de forfait en jours, prévue par la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (HCR).

Reprochant à l’employeur un défaut de suivi régulier de sa charge de travail, en l’absence d’organisation d’un entretien annuel, des dépassements des durées maximales de travail et du nombre de jours travaillés prévus dans la convention de forfait, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

Il faut noter que dans un arrêt du 7 juillet 2015 (Cass. soc. 7 juillet 2015 n° 13-26.444), la chambre sociale avait jugé que les dispositions de l’article 13.2 de l’avenant 1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 n’étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis à une convention de forfait annuel en jours. Les conventions individuelles de forfait en jours conclues sur le fondement de ce texte devaient être en conséquence annulées.

La branche a par la suite conclu les deux avenants cités dans la présente affaire, à savoir les avenants n° 22 du 16 décembre 2014 et n° 22 bis du 7 octobre 2016. Ce dernier avenant a pour objet de prendre en compte les réserves émises à la suite de l’arrêté d’extension de l’avenant de 2014 selon lesquelles l’article 2.4, relatif « au suivi du temps de travail », devait préciser les modalités concrètes de suivi de la charge de travail, dans le respect des exigences jurisprudentielles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, ainsi que des exigences issues de la loi Travail.

À notre connaissance, la question de la validité des dispositions issues de ce dernier avenant n’a jamais été soumise à la Cour de cassation. En l’espèce, une telle demande n’était pas formulée par le salarié. En effet, ce dernier avait d’abord demandé la nullité de sa convention de forfait en première instance et en appel, puis à ce qu’elle soit privée d’effet devant la Cour de cassation. Par conséquent, le débat ne pouvait porter que sur la question de savoir si les mesures prévues par les dispositions conventionnelles étaient ou non mises en œuvre par l’employeur, écartant ainsi toute possibilité de voir la convention de forfait annulée.

La cour d’appel l’ayant débouté de sa demande, le salarié s’était pourvu en cassation.
Avec raison pour la chambre sociale de la Cour de cassation, qui censure l’arrêt d’appel.

Des contraintes internes à l’entreprise ne peuvent justifier des manquements à l’obligation de suivi…

La Cour d’appel, après avoir constaté qu’aucun entretien n’avait eu lieu pour l’année 2018, avait cependant estimé le grief du salarié non fondé, au motif que l’employeur justifiait de contraintes internes de fonctionnement. L’employeur faisait en effet valoir que, en raison de la démission de son directeur général, le 31 décembre 2018, et de la prise de fonction, le 21 janvier 2019, du nouveau directeur des opérations, les directeurs des différents hôtels avaient été convoqués en mars 2019 à l’entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l’année 2018. Les juges avaient estimé que le report de la date d’entretien du salarié au 6 mars 2019 était admissible et légitime.

Après avoir rappelé les termes des articles L 3121-60, L 3121-64, II et des avenants 22 et 22 bis à la convention collective nationale des HCR, la chambre sociale considère que les motifs retenus par la cour d’appel pour juger que l’employeur avait satisfait à son obligation de suivi, tenant à des contraintes internes à l’entreprise, étaient inopérants, alors qu’elle avait constaté que, lors de l’entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l’impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n’avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l’entretien pour 2018 n’avaient été adressées qu’en mars 2019. En se prononçant ainsi, les juges du fond avaient donc violé les dispositions précitées.

Selon nous, la chambre sociale insiste à nouveau sur la nécessité pour l’employeur d’assurer un suivi régulier de la charge de travail du salarié, énoncée par l’article L 3121-60, d’ordre public Il en résulte que les contingences propres à l’entreprise ne peuvent pas permettre à l’employeur de se soustraire à ses obligations légales et conventionnelles en la matière. Toutefois, certaines questions subsistent. Pour « neutraliser » l’argument de l’employeur lié à ses contraintes internes, la Cour de cassation a relevé plusieurs éléments : le retard de plusieurs mois dans l’organisation de l’entretien pour 2018, ainsi que d’autres faits constatés par la cour d’appel suggérant un manque de suivi de la part de l’employeur, tels que le signalement effectué par le salarié en 2017 qui semble être resté sans suite, et le non-respect à plusieurs reprises du repos hebdomadaire. Est-ce à dire que, si le retard avait été moindre, ou en l’absence de ces autres éléments, l’argument des contraintes internes aurait pu être retenu ? Et qu’en aurait-il été si les contraintes avaient été plus impérieuses ?

… Non plus que la réparation ultérieure de ces manquements par l’employeur

Le salarié reprochait aussi à l’employeur le non-respect du repos hebdomadaire ainsi qu’un dépassement des durées maximales de travail et du nombre de jours travaillés prévus dans la convention.

La Cour d’appel avait également rejeté ces griefs en constatant que les jours de travail supplémentaires avaient été récupérés ou rémunérés. De plus, elle a retenu que l’employeur avait informé le salarié sur le forfait en jours et l’avait alerté sur la situation.

Là encore, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel avait statué par des motifs inopérants, alors qu’elle avait constaté :

  • d’une part, que le repos hebdomadaire n’avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017 et 2018,
  • d’autre part, que le forfait annuel avait été dépassé de 25 jours en 2016, 26 jours en 2017 et 30 jours en 2018, ce dont il résultait que l’employeur qui s’était abstenu de mettre en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail, charge dont il avait été informé, avait manqué à ses obligations légales, telles qu’énoncées aux articles L 3121-60, L 3121-64 et L 4121-1 du Code du travail.

Selon nous, pour la chambre sociale, les violations répétées du repos hebdomadaire et le dépassement systématique du nombre de jours de travail prévus au forfait démontraient en elles-mêmes le manquement de l’employeur à son obligation de suivi de la charge de travail.

Le fait même que les jours avaient été « après coup » récupérés ou rémunérés montrait que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en violation de son obligation de sécurité prévue par l’article L 4121-1 du Code du travail, et que, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence de la Cour de cassation, il n’avait pas remédié en temps utile à la charge de travail du salarié, qui était incompatible avec une durée raisonnable de travail.

La décision

En cas de manquement à l’une des obligations prévues par l’article L 3121-65 du Code du travail, l’employeur ne peut pas se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par cet article. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l’accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l’article L 3121-64, II-1° et 2° du même Code, est nulle.
En déduit exactement qu’une convention individuelle de forfait est nulle la cour d’appel ayant retenu à bon droit que l’accord collectif du 5 septembre 2003, qui permettait le recours au forfait en jours, n’était pas conforme aux dispositions de l’article L 3121-64 du Code du travail et ayant constaté que :

–  les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié, peu important qu’ils aient pu être renseignés par l’intéressé dès lors que ceux-ci doivent être établis sous la responsabilité de l’employeur, si bien que, dans ces conditions, il apparaissait impossible à l’employeur de s’assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire

–  l’employeur n’a pas satisfait à son obligation d’organiser avec le salarié un entretien annuel pour évoquer sa charge de travail (1e espèce)

Viole les articles L 3121-60, L 3121-64, II du Code du travail, 2.4 de l’avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 et 2.4 de l’avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatifs aux cadres autonomes la cour d’appel qui déboute le salarié de ses demandes au titre de la convention individuelle de forfait en jours par des motifs inopérants tirés de contraintes internes à l’entreprise, alors qu’elle a constaté que, lors de l’entretien réalisé en 2017, le salarié a signalé l’impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n’a pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l’entretien pour 2018 n’ont été adressées qu’en mars 2019 (2e espèce).
Viole les articles L 3121-60, L 3121-64 et L 4121-1 du Code du travail la cour d’appel qui déboute le salarié de ses demandes au titre du forfait en jours, par des motifs inopérants tirés de la récupération ou du paiement des jours de dépassement du forfait et des alertes mentionnées sur les tableaux tenus par l’employeur, alors qu’elle avait constaté, d’une part, que le repos hebdomadaire n’avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017 et 2018, d’autre part, que le forfait annuel avait été dépassé de 25 jours en 2016, 26 jours en 2017 et 30 jours en 2018, ce dont il résultait que l’employeur, qui s’était abstenu de mettre en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail dont il avait été informé, avait manqué à ses obligations légales et conventionnelles (2e espèce).

 

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La relation intime entre deux salariés ne doit pas être dissimulée en cas de conflit d’intérêts

Dans le cas d’une relation intime entre deux salariés, par exemple le directeur des ressources humaines qui n’informerait pas l’employeur de la relation intime qu’il entretient avec une salariée, représentante du personnel, alors qu’ils participent conjointement aux réunions des instances représentatives du personnel, manquerait à son obligation de loyauté (Cass. soc., 29 mai 2024, n°22-16.218).

Le silence gardé par le salarié sur un fait relevant de sa vie personnelle, à savoir sa relation intime avec une autre salariée, peut-il être regardé comme un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail ? Dans un arrêt publié au bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation répond par l’affirmative, en confirmant le licenciement pour faute grave d’un directeur des ressources humaines (DRH) n’ayant pas informé l’employeur de sa relation avec une représentante du personnel.

Un drh cache à son employeur la relation intime qu’il entretient avec une représentante du personnel

En l’espèce, un salarié exerce des fonctions de direction au sein de l’entreprise. Il est responsable de la gestion des ressources humaines et détient une délégation effective et permanente du président du directoire pour les questions d’hygiène, de sécurité, d’organisation du travail, ainsi que pour la présidence des instances représentatives du personnel. Pendant plusieurs années, il entretient une relation amoureuse avec une autre salariée de l’entreprise, occupant elle-même divers mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel. Il ne divulgue pas cette relation à son employeur, qui finit par en être informé et le licencie pour faute grave. Le salarié conteste son licenciement en arguant d’une atteinte à sa vie privée et, subsidiairement, demande que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Ses recours sont rejetés par la cour d’appel et la Cour de cassation.

Cacher la relation qui affecte le bon exercice des fonctions professionnelles est jugé fautif

Une relation intime se rattachant à la vie professionnelle du salarié…

La Cour de cassation commence par rappeler qu’en principe un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Un principe bien connu et maintes fois rappelé par les juges (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023 n° 21-11.330 BR ; Cass. soc. 6 mars 2024 n° 22-11.016; Cass. soc. 20 mars 2024 n° 22-19.170). Un licenciement disciplinaire peut aussi être justifié si un fait tiré de la vie personnelle peut se rattacher à la vie professionnelle (Cass. soc. 25 septembre 2019 n° 17-31.171).

Il ne fait aucun doute que l’existence d’une relation intime entre deux salariés relève de leur vie personnelle, même s’ils travaillent dans la même entreprise. Mais pour les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, cette relation intime :

–  se rattache à leur vie professionnelle, en raison de leurs fonctions respectives qui les amènent à participer à des réunions au cours desquelles sont discutés des sujets sensibles pour l’entreprise : les juges ont notamment relevé que la salariée avait participé à des mouvements de grève et à la négociation de plans de réduction des effectifs ;

–  et est de nature à affecter le bon exercice de leur activité professionnelle : les juges considèrent en effet que la relation intime entretenue par les salariés emporte nécessairement une influence sur l’exercice par le salarié de ses fonctions de DRH.

Ainsi, pour les juges, l’employeur pouvait se placer sur le terrain disciplinaire et prononcer un licenciement pour faute à l’encontre du salarié. Restait à savoir si le motif de rupture et la qualification de faute grave retenus par l’employeur devaient être approuvés.

… qui caractérise un manquement à son obligation de loyauté…

Pour les juges, en dissimulant cette relation amoureuse à l’employeur, le salarié a manqué à son obligation de loyauté. En l’occurrence, l’employeur précise dans la lettre de licenciement qu’il « n’est évidemment nullement dans notre intention de nous immiscer dans votre vie privée ». Le licenciement disciplinaire prononcé à l’encontre du salarié dans cette affaire n’est pas fondé uniquement sur l’existence d’une relation intime entre deux salariés, mais plutôt sur le fait que cette relation intime entre deux salariés a été dissimulée, engendrant ainsi un conflit d’intérêts et des comportements déloyaux.

La Cour de cassation, se fondant sur le pouvoir souverain de la cour d’appel, estime que celle-ci a correctement déduit un manquement du salarié à son devoir de loyauté envers son employeur à partir des faits constatés. Par conséquent, la décision de licencier le salarié pour faute grave est confirmée. Une sanction qui peut sembler très sévère, notamment dans la mesure où la salariée avait quitté les effectifs de l’entreprise au moment du licenciement.

Il est important de souligner que dans la lettre de licenciement, l’employeur mentionne que si le salarié l’avait informé de cette relation, il aurait pris des mesures pour éviter une situation de conflit d’intérêts, tout en maintenant ses responsabilités et ses attributions inchangées. En pratique, si le salarié avait dévoilé sa relation, quelle aurait été la réaction de son employeur ? Il n’aurait pas pu le sanctionner, puisque le manquement à l’obligation de loyauté aurait disparu. Il aurait probablement pu lui retirer sa délégation de pouvoir pour éviter tout conflit d’intérêts, mais aurait-il choisi de maintenir à son poste un DRH dépourvu d’une telle délégation ?

… Y compris en l’absence de préjudice pour l’employeur

Pour le salarié, il n’y a pas de manquement à l’obligation de loyauté dès lors que les juges n’ont pas constaté que les intérêts de l’employeur ou de l’entreprise ont été lésés par la dissimulation de la relation.

Il faut noter que la cour d’appel définit ici la déloyauté comme le fait pour le salarié de cacher à son entreprise des situations ou des évènements le touchant, en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci.

Là aussi, la Cour de cassation s’appuyant sur les constats de la cour d’appel estime qu’il importe peu qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit établi ou non. Ainsi, le manquement du salarié à l’obligation de loyauté rend impossible son maintien dans l’entreprise. Son licenciement pour faute grave est donc justifié.

Le respect de la vie privée du salarié cède devant l’intérêt de l’entreprise

Deux principes étaient en jeu dans cette affaire : d’une part, l’obligation pour l’employeur de respecter la vie personnelle du salarié (C. trav. art. L 1121-1) et, d’autre part, l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi (C. trav. art. L 1222-1), qui s’impose à l’employeur comme au salarié.

La Cour de cassation a toujours veillé au respect de la vie privée du salarié (en ce sens : Cass. ass. plén. 19 mai 1978 n° 76-41.211). Mais, dans cette affaire, l’intérêt de l’entreprise prime sur cette liberté fondamentale du salarié. On relèvera d’ailleurs que, dans une situation semblable, une cour d’appel a estimé qu’un DRH, amené à prendre part aux décisions relatives aux procédures et décisions disciplinaires et à l’évolution de la carrière des salariés, qui entretenait une relation intime avec une salariée de l’entreprise, avait manqué à l’obligation de neutralité et à l’obligation de loyauté à l’égard de son employeur dès lors qu’il ne l’avait pas informé de sa situation personnelle et des conséquences de celle-ci sur l’exercice de ses fonctions (CA Bordeaux 17 avril 2024 n° 21/01972).

Il convient de noter que la position définie par la Cour de cassation concernant les licenciements liés à des faits relevant de la vie privée des salariés n’est pas toujours facile à interpréter. À titre d’exemple, dans un arrêt marqué par l’acronyme PBRI, la Cour a jugé que le simple « risque » de conflit d’intérêts ne pouvait pas constituer une cause suffisante et sérieuse de licenciement. Cet arrêt portait sur le cas d’un délégué régional chargé d’intégrer de nouveaux centres de contrôle technique dans le réseau de son employeur, qui n’avait pas informé celui-ci de son mariage avec la coassociée d’un centre nouvellement intégré. (Cass. soc. 21 septembre 2006 n° 05-41.155). Ou encore, la Cour de cassation a récemment jugé que le droit au respect de l’intimité de la vie privée devait être garanti au salarié qui envoie, via la messagerie professionnelle, des messages privés au contenu raciste et xénophobe à des collègues de travail (Cass. soc. 6 mars 2024 n° 22-11.016) ou qui échange des insultes homophobes avec des collègues au moyen d’une messagerie installée sur l’ordinateur professionnel (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023 n° 20-20.648). Une protection qui n’est pas accordée, ici, au salarié DRH qui n’a pas divulgué sa relation amoureuse avec une collègue.

La décision

Un motif tiré de la vie personnelle ne peut pas, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Ayant constaté que le salarié, qui exerçait des fonctions de direction, était chargé en particulier de la gestion des ressources humaines et était investi à ce titre du pouvoir de représenter son employeur dans le domaine des relations collectives de travail et dans les instances représentatives du personnel, avait caché à son employeur la relation amoureuse qu’il entretenait avec une salariée qui exerçait des mandats de représentation du personnel. La cour d’appel a pu en déduire qu’en dissimulant à l’employeur cette relation intime entre deux salariés, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté et que ce manquement rendait impossible son maintien dans l’entreprise, peu important qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit ou non établi.

 

Notre cabinet d’avocats est spécialisé en droit du travail ; prenez rendez-vous avec Me S. Jourquin pour être conseillé sur une affaire relevant de la relation intime entre deux salariés, ou tout autre difficulté relevant du droit du travail.

 

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L’envoi de messages privés via la messagerie professionnelle, même racistes, n’est pas fautif

Pour la Cour de cassation, un employeur ne peut pas licencier pour motif disciplinaire un salarié pour l’envoi de messages privés via la messagerie professionnelle, même racistes, dès lors qu’il s’agit de messages privés non voués à être rendus publics (Cass. soc., 6 mars 2024, n°22-11.016).

La vie personnelle du salarié ou la vie professionnelle, la frontière peut être compliquée. En particulier lorsque, comme dans l’affaire jugée ici par la Cour de cassation, des propos racistes et xénophobes sont échangés par une salariée avec ses collègues au moyen de la messagerie professionnelle de l’entreprise.

Cette affaire donne l’occasion à la chambre sociale de la Cour de cassation de confirmer sa jurisprudence, constante en la matière, et récemment rappelée par son assemblée plénière à l’occasion d’arrêts relatifs à la recevabilité d’une preuve déloyale ou illicite.

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas, en principe, justifier son licenciement disciplinaire.

En l’espèce, une salariée d’une caisse de sécurité sociale avait diffusé des propos racistes et xénophobes à ses collègues via la messagerie professionnelle mise à sa disposition. En raison d’une erreur d’envoi par l’un des destinataires, l’employeur a pris connaissance de ces courriels discriminatoires et a licencié la salariée pour faute grave en raison du contenu de ces messages.

La salariée a contesté son licenciement, arguant que les faits reprochés relevaient de sa vie privée et ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire. La cour d’appel lui a donné raison, estimant que l’envoi de messages privés via la messagerie professionnelle, même racistes, relevait de sa vie personnelle, car ils étaient qualifiés de « personnels et confidentiels ». Elle a conclu que l’employeur ne pouvait pas se baser sur leur contenu pour licencier la salariée pour faute et a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’employeur a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation juge, de manière constante, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc. 30 septembre 2020 n° 19-12.058 ; Cass. soc. 4 octobre 2023 n° 21-25.421).

C’est ce principe classique qu’affirme, dans un premier temps, la Cour de cassation, en prenant soin de rappeler que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée.

La salariée avait-elle manqué aux obligations découlant de son contrat de travail en écrivant un courriel raciste et xénophobe à l’aide de sa messagerie professionnelle ? C’est ce que soutenait l’employeur, à l’appui de son pourvoi.

Pour rejeter ce pourvoi, la Cour de cassation s’appuie sur la décision récente de son assemblée plénière (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023 n° 21-11.330). Appliquant le principe du respect de la vie personnelle du salarié, l’assemblée plénière a jugé qu’une conversation privée qui n’est pas destinée à être rendue publique ne peut pas constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail.

Elle en a déduit, dans cette affaire, que les propos homophobes échangés par des salariés à propos d’un de leurs collègues sur la messagerie d’un compte Facebook installée sur un poste professionnel ne justifiait pas un licenciement disciplinaire.

La chambre sociale de la Cour de cassation, s’appuyant sur les constats de la cour d’appel, en vient à la même conclusion, au vu du respect de la vie personnelle des individus.

Premiers constats des juges du fond, approuvés par la Cour de cassation :

–  les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe ;

–  pas destinés à devenir publics ;

–  connus par l’employeur à la suite d’une erreur d’envoi.

Autrement dit, les juges relèvent que les messages n’étaient destinés qu’à peu de personnes, soit seulement deux collègues de travail, et n’avaient manifestement pas vocation à être diffusés hors d’un cadre restreint.

Selon nous, a contrario, si les messages avaient « fuité », l’employeur aurait-il pu s’en prévaloir à l’appui d’un licenciement ?

Si, compte tenu du caractère choquant des messages, des salariés s’étaient plaints auprès de l’employeur, un licenciement non disciplinaire motivé par le trouble au bon fonctionnement de l’entreprise aurait pu être envisagé (en ce sens, Cass. soc. 30 novembre 2005 n° 04-13.877 et 04-41.206).

En cas de diffusion des messages à l’extérieur de l’entreprise, l’employeur aurait pu se placer sur le terrain disciplinaire. Par exemple, l’envoi d’injures antisémites à un tiers extérieur à l’entreprise, via la messagerie professionnelle, permettant d’identifier le nom de l’employeur, a été jugé fautif (Cass. soc. 2 juin 2004 n° 03-45.269).

… Même sur une messagerie professionnelle…

Les messages avaient été envoyés à partir de la messagerie professionnelle, mais il ressort de l’arrêt d’appel qu’ils avaient tous expressément été identifiés par la salariée comme étant « personnels et confidentiels ».

À ce titre, il est de jurisprudence constante que les courriels adressés et reçus par un salarié à l’aide de la messagerie professionnelle sont présumés avoir un caractère professionnel, et sont par conséquent passibles de sanctions (Cass. Soc. 2 juin 2004 n° 03-45.269). Si, toutefois, les messages sont identifiés comme étant personnels, ils sont couverts par le secret des correspondances (Cass. Soc. 16 mai 2013 n° 12-11.866). L’employeur ne peut les invoquer à l’appui d’une sanction disciplinaire que si leur contenu est en rapport avec l’activité professionnelle et ne revêt pas un caractère privé (Cass. Soc. 2 février 2011 n° 09-72.450). Ce n’était pas le cas ici.

Il faut noter que dans l’arrêt d’assemblée plénière du 22 décembre 2023, le même principe a été retenu à propos de messages provenant d’un compte Facebook personnel. La jurisprudence admet que, même installée sur l’outil professionnel, la messagerie personnelle comme la messagerie personnelle instantanée reste couverte par le secret des correspondances (Cass. crim. 24 mars 2020 n° 19-82.069; Cass. Soc. 23 octobre 2019 n° 17-28.448).

… Dès lors qu’ils n’ont pas eu de retentissement dans la sphère professionnelle

L’employeur faisait valoir qu’en tant qu’employée d’une caisse de sécurité sociale, la salariée était soumise au principe de neutralité et de laïcité, applicable aux salariés exerçant une mission de service public conformément à l’article 1er de la Constitution. Ainsi en tenant des propos racistes lors de l’envoi de messages privés via la messagerie professionnelle, la salariée aurait enfreint ces principes.

Un argument là aussi balayé par la Cour de cassation qui reprend, à nouveau, les constats des juges du fond. La lettre de licenciement ne mentionnait pas que les propos tenus auraient eu une incidence sur l’emploi de la salariée, dans ses relations avec les usagers ou avec les collègues.

L’employeur ne rapportait pas non plus la preuve que les écrits de la salariée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l’extérieur de la caisse ni que son image aurait été atteinte.

Les juges en déduisent l’absence de violation du principe de neutralité et de laïcité applicable aux agents exerçant une mission de service public.

Il faut noter qu’a contrario, si l’employeur avait été en mesure de prouver un comportement raciste ou xénophobe de la salariée envers les usagers de la caisse, il aurait pu se placer sur le terrain disciplinaire. Mais la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, s’en tenait exclusivement aux propos tenus par la salariée dans le cadre d’une conversation privée.

Pas d’abus dans l’usage de la messagerie professionnelle à des fins personnelles

Dernier argument avancé par l’employeur : l’utilisation abusive du matériel informatique mis à la disposition de la salariée par la caisse, en violation du règlement intérieur de la caisse de sécurité sociale.

La Cour de cassation, s’appuyant sur la décision des juges du fond, note que bien que le règlement intérieur interdise aux salariés d’utiliser les équipements de l’employeur à des fins personnelles sans autorisation préalable, y compris dans le domaine de l’informatique, un salarié peut néanmoins utiliser la messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés tant qu’il n’en abuse pas. Selon les juges du fond, l’envoi de 9 messages privés en 11 mois à partir de la messagerie professionnelle n’était pas excessif, indépendamment de leur contenu, qui était couvert par le secret des correspondances.

Il faut noter que les juges peuvent en revanche considérer qu’un salarié fait une utilisation abusive du matériel informatique justifiant son licenciement disciplinaire s’il y consacre trop de temps, au détriment de son travail ou si une utilisation à titre personnel revêt un caractère systématique (voir, par exemple, Cass. soc. 18 mars 2009 n° 07-44.247 ; Cass. soc. 26 février 2013 n° 11-27.372).

La décision

Le salarié a droit, même pendant ses heures de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. En conséquence, sauf si cela constitue un manquement à une obligation contractuelle, un motif lié à sa vie personnelle ne peut normalement pas justifier un licenciement disciplinaire. Dans cette perspective, l’employeur ne peut pas utiliser l’envoi de messages privés via la messagerie professionnelle, même racistes, pour motiver un licenciement disciplinaire lorsque :

–  les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, sans vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur qu’à la suite d’une erreur d’envoi

–  la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues, l’employeur ne versant aucun élément tendant à prouver que les écrits de l’intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l’extérieur de la caisse et que son image aurait été atteinte, de sorte que le moyen tiré du principe de neutralité découlant du principe de laïcité applicable aux agents qui participent à une mission de service public est inopérant

–  si le règlement intérieur de la caisse interdisait aux salariés d’utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements lui appartenant, y compris dans le domaine de l’informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu’il n’en abusait pas et qu’en l’espèce l’envoi de 9 messages privés en l’espace de 11 mois ne peut pas être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu.

 

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Forfait-jours : le non-respect des dispositions supplétives sanctionné par la nullité

Si l’accord collectif permettant le recours au forfait en jours, n’est pas conforme aux dispositions de l’article L. 3121-64 du code du travail précisant le champ de la négociation collective, les dispositions de l’article L. 3121-65 du même code relatives au non-respect des dispositions supplétives doivent être respectées.

La sanction pour non-respect des dispositions supplétives est sans équivoque : la convention est nulle

(Soc., 10 janvier 2024, n°22-15.782)

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a procédé à la sécurisation juridique des conventions individuelles de forfait. L’insuffisance de l’accord collectif peut désormais être comblée par une décision unilatérale de l’employeur. Ce dernier peut valablement conclure, s’il remplit certaines conditions, une convention de forfait en jours même en présence d’un accord collectif incomplet. Rappelons toutefois, que même incomplet, un accord collectif autorisant le recours au forfait jours est toujours nécessaire.

Aux termes de l’article L. 3121-65 du code du travail, en l’absence de stipulations conventionnelles relatives au suivi des salariés soumis à une convention de forfait en jours, l’employeur peut toujours valablement conclure une convention de forfait, si :

– il établit un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées. Ce document peut être établi par le salarié sous sa responsabilité ;

– il s’assure de la compatibilité de la charge de travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;

– il organise un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

En l’espèce, la convention de forfait litigieuse reposait sur un accord collectif permettant de recourir au forfait-jours mais incomplet en ce qu’il ne prévoyait aucune modalité de communication régulière entre l’employeur et le salarié relativement à la charge de travail de ce dernier.

L’employeur avait unilatéralement mis en place un document de contrôle « faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées lorsque le salarié a validé les documents de suivi mensuel ». Mais le salarié indiquait être dans l’impossibilité de procéder à des modifications de ce document transmis par le service des ressources humaines. Enfin, l’employeur soutenait que l’absence de preuve de la tenue d’un entretien annuel de suivi n’est pas de nature à annuler la convention de forfait en jours. C’est en l’état que l’affaire se présente.

La question posée aux juges de la Cour de cassation était de savoir si les erreurs contenues dans le document de contrôle devaient être justifiées par le salarié ou s’il incombait à l’employeur de démontrer que ce document était en mesure de garantir une charge de travail concordante avec l’exigence de respect des temps de repos.

La réponse ferme des juges est de considérer que lorsqu’il y a des erreurs dans ce document, elles ne sont aucunement imputables au salarié puisque le document de contrôle doit être établi, en tout état de cause, sous la responsabilité de l’employeur.

Ce dernier doit alors vérifier, d’une part, que les informations sont conformes à la réalité des jours travaillés par le salarié et, d’autre part, qu’au regard de ces données, la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos.

Cette décision montre une fois de plus l’importance de l’exigence fondamentale de protection de la santé des salariés. L’employeur ne peut pas se permettre de traiter de manière artificielle la question du suivi de la charge de travail en vertu des normes internes et supranationales encadrant la santé des salariés. Le document de contrôle prend donc toute sa coloration par le droit de la santé au travail.

La présente décision est donc importante puisque la Cour de cassation rappelle avec force que l’établissement d’un document de contrôle tient de la responsabilité exclusive de l’employeur et que la véracité de son contenu doit être assurée par ce dernier ; l’employeur ne pouvant pas s’extraire de cette exigence au motif que le salarié aurait indiqué des données erronées. Cette obligation de contrôle peut donc être considérée comme découlant directement de l’obligation de sécurité de l’employeur. Cet arrêt rappelle également l’impératif pour l’employeur de réaliser, a minima, un entretien annuel relatif au suivi de la charge de travail et d’apporter la preuve de sa tenue.

Dans le cas présent, la Cour de cassation prononce la nullité de la convention de forfait au visa du régime dérogatoire de l’article L. 3121-65 du code du travail. Elle précise à ce titre que le non-respect des dispositions supplétives rend nulle cette convention. La Cour affine donc sa jurisprudence en précisant avec force qu’il ne suffit pas de prévoir des mesures de contrôle de la charge de travail, il faut également s’assurer du respect des trois mesures cumulatives prévues.

Le non-respect des dispositions supplétives ou de tout autre règle juridique peuvent rendre nulles les clauses d’un contrat de travail. Notre cabinet conseille et accompagne ses clients d’Antibes à Aix-en-Provence ; contactez-nous si souhaitez être épaulé dans la rédaction de vos contrats.

 

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Suivi et régulation de la charge de travail du salarié au forfait en jours

Sécurisation des forfaits-jours : inopposabilité d’un avenant de révision antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Travail le 7 novembre 2019

Pas de forfait jours pour le salarié soumis à un planning imposant sa présence dans l’entreprise

 

 

Le nécessaire suivi régulier à effet utile pour la validité des conventions de forfait-jours

Trois décisions du 5 juillet 2023 illustrent l’appréciation de la validité des conventions de forfait au regard du « suivi effectif et régulier » permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable » (soc., n°21-23.387 ; n°21-23.294 ; n°21-23.222).

La validité des conventions de forfait en jours au regard des exigences désormais bien connues du droit à la santé et au repos du salarié fait l’objet d’une abondante jurisprudence.

La Cour cassation cherche à assurer la protection du droit à la santé et au repos du salarié, visant tout à la fois l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne, les textes du code du travail résultant de la transposition des directives 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 et 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil 4 novembre 2003, ainsi que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Cour de cassation a déduit de ces normes constitutionnelles et conventionnelles que le non-respect des dispositions conventionnelles visant à protéger la santé du salarié privent d’effet les conventions de forfait en jours, avec pour conséquence, un retour à la durée légale ou conventionnelle de travail, et donc, potentiellement, un rappel d’heures supplémentaires sur les trois dernières années (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107).

La Cour de cassation laisse à l’appréciation des juges du fond le soin de vérifier la conformité de l’accord collectif aux objectifs de protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Les arrêts commentés s’inscrivent dans ce contexte.

Dans la première espèce (n° 21-23.387 B), l’article 2.8.3 de la convention collective des prestataires de services dans le secteur tertiaire prévoit, en substance, un unique entretien annuel portant sur l’organisation du travail, l’amplitude horaire et la charge de travail. De plus, l’accord énonce que l’employeur est tenu de mettre en place des modalités de contrôle du nombre de journées travaillées et non travaillées. L’accord est jugé insuffisant au regard des exigences constitutionnelles du droit à la santé et au repos et les conventions de forfait est annulée car les garanties ne permettent pas un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Dans la deuxième espèce (n° 21-23.222 B), les articles 1.09 et 4.06 de la convention collective de la réparation automobile prévoyaient, en substance, la possibilité d’un entretien annuel avec l’obligation pour la hiérarchie de mettre en place des correctifs, à la suite de l’entretien annuel, pour respecter une charge de travail raisonnable ainsi qu’un système auto-déclaratif pour que les salariés puissent déclarer les jours travaillés et non travaillés. De la même manière et pour les mêmes raison, l’accord est jugé insuffisant et les conventions de forfait sont annulées, faute pour le support conventionnel de prévoir des garanties suffisantes pour sauvegarder le droit à la santé et au repos du salarié.

Dans la troisième espèce (n° 21-23.294 B), la chambre sociale donne toutefois un exemple de dispositions conventionnelles jugées acceptables. Était en cause la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment qui prévoit un suivi régulier de la hiérarchie via un document individuel de suivi et des points réguliers lors de l’exécution de la convention. Les garanties sont jugées suffisantes car elles permettent à l’employeur de réagir en temps utile à la surcharge de travail du salarié.

Ainsi est-il nécessaire pour les employeurs de trouver le fil conducteur du contrôle imposé par la Cour de cassation et exercé par les juges du fond pour ne pas voir les conventions de forfait en jours conclues avec les salariés privés d’effet en cas d’inapplication des garanties conventionnelles, voire annulées en cas d’insuffisances de celles-ci.

L’enjeu est de taille : le risque financier peut être très élevé pour les entreprises. Le rappel d’heures supplémentaires sur trois années, outre les éventuelles condamnations pour travail dissimulé et non-respect du droit au repos, est un risque que l’employeur doit conserver à l’esprit.

Il est par ailleurs à rappeler que l’employeur est débiteur d’une obligation de sécurité (C. trav., art. L. 4121-1) à l’endroit du salarié, ce d’autant que le non-respect de la législation sur la durée du travail cause désormais nécessairement préjudice au salarié, qu’il s’agisse du non-respect de sa durée hebdomadaire de travail ou du non-respect de sa durée quotidienne maximale.

Les accords de branche et d’entreprise ont donc un rôle déterminant dans la conception d’un dispositif permettant le suivi effectif et régulier de la santé du travailleur.

Les juges du fond sont invités à vérifier que l’accord collectif est de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. De nombreuses conventions de branche ont été invalidées par la chambre sociale : la convention collective nationale de l’industrie chimique (Soc. 31 janv. 2012, n° 10-19.807), de commerces de gros (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540, des bureaux d’études (Soc. 24 avril 2013, n° 11-28.398 P, des experts-comptables (Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033 P) ou encore du personnel salarié des cabinets d’avocats (Soc. 8 nov. 2017, n° 15-22.758 P).

La chambre sociale impose désormais, de façon constante, que le suivi de la charge de travail des salariés soit effectif et réalisé au fil de l’eau (Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033 ; 5 oct. 2017, n° 16-23.106 P; 6 nov. 2019, n° 18-19.752 P). Cette exigence de suivi régulier est reprise dans le code du travail depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, au sein des dispositions qui sont d’ordre public (C. trav., art. L. 3121-60).

La nécessité pour l’employeur d’instaurer un suivi régulier lui permet de réagir « en temps utile ».

Le contrôle des dispositions conventionnelles, imposé par la Cour de cassation et opéré par les juges du fond, s’articule en deux temps : le contrôle du temps de travail effectivement réalisé par le salarié et l’existence d’un mécanisme correcteur en cas de surcharge de travail.

Ainsi, en premier lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que les juges contrôlent l’existence d’un mécanisme permettant de relever en temps réel le travail effectivement réalisé par le salarié ainsi que ses temps de repos. Cela passe régulièrement par un système auto-déclaratif des jours travaillés et des jours de repos, sous la responsabilité de l’employeur, qui doit être contrôlé régulièrement par la hiérarchie (Soc. 19 juin 2019, n° 18-11.391).

Ensuite, l’employeur doit mettre en place un système permettant des correctifs rapides pour pallier la surcharge de travail et pour sauvegarder la santé du salarié au regard des « états récapitulatifs de temps travaillé transmis » (Soc. 19 juin 2019, n° 18-11.391). C’est généralement sur ce point que les dispositions conventionnelles sont jugées insuffisantes. En effet, dans les arrêts commentés, les dispositions conventionnelles jugées insuffisantes sont celles qui ne prévoyaient qu’un échange annuel obligatoire entre l’employeur et le salarié.

La pratique de l’unique entretien annuel prévu par accord collectif pourrait exposer désormais quasi-systématiquement les conventions de forfait à la nullité.

Le critère déterminant réside donc dans la proactivité de l’employeur à réagir en temps utile – quasi-immédiatement – pour permettre de diminuer la charge de travail et prévenir les violations au droit à la santé et au repos du travailleur.

L’employeur doit être en mesure de contrôler, de suivre et de corriger en temps utile la charge, l’organisation et l’amplitude du travail du salarié.

 

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Le contrôle du temps de travail des salariés avec la géolocalisation

Si l’employeur ne prouve pas la durée de travail convenue, le temps partiel est réputé à temps plein

C’est à l’employeur de prouver qu’il respecte les durées maximales de travail et temps de pause

 

Quelle preuve de la cause réelle d’un licenciement concomitant à la dénonciation d’un harcèlement ?

Dans un arrêt rendu le 18 octobre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation précise le régime de la preuve du lien de causalité entre la dénonciation d’un harcèlement moral ou sexuel et le licenciement du salarié intervenu peu après (Cass. Soc., 18 octobre 2023, n°22-18.678).

Engagée en qualité de cuisinière dans un restaurant, une salariée fut licenciée pour faute grave. Imputant le véritable motif du licenciement à son dépôt de plainte pour dénonciation d’un harcèlement sexuel, elle demanda la nullité de ladite mesure devant le conseil de prud’hommes. La Cour d’appel d’Amiens vit dans la proximité temporelle entre la dénonciation du harcèlement sexuel et la notification du licenciement le véritable motif de ce dernier. Considérant en outre que la salariée n’avait pas dénoncé les faits de mauvaise foi, elle conclut à la nullité du licenciement.

Au soutien de son pourvoi, l’employeur arguait que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et, qu’en l’occurrence, elle n’évoquait pas la dénonciation du harcèlement sexuel par la salariée, mais le refus de cette dernière d’accomplir certaines de ses tâches ainsi que ses abandons de poste et actes d’insubordination. Ces derniers (et seuls) griefs étaient à même de justifier le licenciement pour faute grave.

Finalement, le débat soumis à la Cour de cassation portait sur la preuve de la cause réelle du licenciement. Les juges du fond peuvent-ils se contenter d’une concomitance entre la dénonciation d’un harcèlement par un salarié et son licenciement pour en déduire la nullité du dernier ? Ou doivent-ils examiner les motifs du licenciement tels que mentionnés dans la lettre de licenciement et, selon le contenu de cette dernière, exiger du salarié ou de l’employeur d’apporter la preuve de la véritable motivation du licenciement ?

Au visa des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail, la Cour de cassation semble opter pour la deuxième option. Plus encore, dans ce qui a tout l’air d’un attendu de principe, la chambre sociale nous livre la méthode à suivre quant à la preuve de la cause réelle de licenciement en ces circonstances.

Au soutien de la cassation, la chambre sociale prend soin de mobiliser les dispositions du code du travail relatives à la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, commis dans l’entreprise. Bien que le code du travail prévoie deux chapitres, l’un relatif au harcèlement moral, l’autre au harcèlement sexuel, la protection instituée est identique. Preuve en est que la Cour de cassation, alors que le litige portait sur la dénonciation d’un harcèlement sexuel, fonde sa décision sur les textes propres au harcèlement moral. Implicitement mais sûrement, elle nous indique que la présente solution vaudra tant pour la dénonciation d’un harcèlement sexuel que pour celle d’un harcèlement moral.

Quant à la protection du salarié, l’article L. 1152-2 (harcèlement moral) comme l’article L. 1153-2 (harcèlement sexuel) disposent qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou sexuel ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2. Ces mesures incluent notamment les sanctions, licenciements et mesures discriminatoires à l’égard de ces salariés ayant refusé les comportements harcelants dans l’entreprise. Aussi, ces textes protègent non pas du harcèlement lui-même, mais des « mesures de rétorsion », pour reprendre le vocabulaire employé par la chambre sociale dans la présente décision (§ 5), à l’égard d’un salarié pour avoir subi, refusé de subir ou dénoncé un harcèlement. Du reste, le salarié dénonciateur peut être autant le salarié ayant subi le harcèlement que tout autre salarié en ayant été témoin. En l’espèce, il semblerait que la salariée ait elle-même subi le harcèlement sexuel puisque la dénonciation s’était traduite par le dépôt d’une plainte.

En outre, en application des articles L. 1152-3 (harcèlement moral) et L. 1153-4 (harcèlement sexuel), toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance du présent régime, toute disposition ou tout acte contraire est frappé de nullité. Classiquement, la nullité du licenciement entraîne au profit du salarié un droit à la réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, les barèmes « Macron » étant écartés (C. trav., art. L. 1235-3-1).

Récemment, au prix d’un « changement de cap » dans sa jurisprudence, la Cour de cassation a admis que la nullité du licenciement s’impose même si le salarié n’a pas expressément qualifié les faits de harcèlement dans sa dénonciation (Soc. 19 avr. 2023, n° 21-21.053 B). Désormais, on ne saurait reprocher au salarié de ne pas avoir su qualifier juridiquement les agissements subis.

Toujours est-il que l’annulation du licenciement intervenu postérieurement à la dénonciation d’un harcèlement suppose que ce dernier soit motivé, non par une cause réelle et sérieuse, mais par la dénonciation. Il doit être établi que le licenciement est une mesure de rétorsion de la part de l’employeur, le juge devant contrôler la véritable cause du licenciement. Mais qui doit le prouver ? Et comment le prouver ?

À ces questions, la chambre sociale nous répond par la formule suivante : « Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement » (§ 5). La Cour de cassation nous livre ainsi une méthode, d’apparence claire et concise, afin de prouver le lien de causalité entre la dénonciation et le licenciement. Or, cet attendu soulève plus d’interrogations qu’il n’en résout. Deux options, dont chacune soulève sa part de questions.

« Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement… »

D’emblée, il faut relever la présence de l’article L. 1154-1 du code du travail au visa, ce qui était loin d’être évident. Ce texte prévoit un régime probatoire spécifique en matière de harcèlement moral et sexuel. Précisément, il permet au salarié de « présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement » (al. 1er). Si le salarié parvient à « tisser ce voile d’apparence », alors l’employeur doit « prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » (al. 2).

Or, stricto sensu, ce texte ne s’applique qu’à la preuve du harcèlement lui-même. Il y est question de prouver l’existence du harcèlement, non de prouver les mesures de rétorsion consécutives à la dénonciation d’un harcèlement (que ce dernier soit établi ou non). Dans l’arrêt, c’est bien de la seconde hypothèse dont il est question. Aussi, on ne saurait dire avec fermeté si sa présence au visa signifie qu’il s’applique à cette seconde situation ou si, au contraire, il ne s’y applique pas.

Notons tout de même que ce mécanisme probatoire spécifique est emprunté au domaine de la discrimination (C. trav., art. L. 1134-1), y compris quand la mesure discriminatoire fait suite à la dénonciation par un salarié de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions (C. trav., art. L. 1132-3-3 ; Soc. 7 juill. 2021, n° 19-25.754 B).

Pour en revenir à la présente décision, la Cour de cassation énonce que « lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel ».

Dans ce cas donc, si l’employeur motive le licenciement par une cause réelle et sérieuse et l’explicite dans la lettre de licenciement – en l’espèce, la faute grave – il revient au seul salarié de démontrer que cette cause n’est pas la cause réelle du licenciement. Finalement, tout le risque de la preuve revient au salarié, face à une preuve qui sera qui plus est « particulièrement compliquée pour lui ». Dès lors qu’aucun partage n’est opéré sur l’objet de la preuve, n’est-ce pas que le mécanisme probatoire spécifique de l’article L. 1154-1 ne s’applique pas ?

Ou alors, seconde lecture, est-ce que cela signifie qu’en cas d’existence d’une cause réelle et sérieuse dans la lettre de licenciement, le salarié doit apporter « des éléments de faits laissant supposer… » et qu’à cette fin la seule proximité temporelle entre le dépôt de plainte pour harcèlement et le licenciement ne suffit pas ? Mais, dans ce cas, la formule de la chambre sociale manquerait cruellement de nuances. Et, il aurait été somme toute plus limpide que noter que : lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié d’apporter des éléments de faits laissant supposer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel, à charge pour l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute mesure de rétorsion. La seule proximité temporelle entre la dénonciation et le licenciement ne suffit pas à supposer que la rupture du contrat de travail constitue une mesure de rétorsion.

Pour en revenir à la première lecture, si dans pareille situation, le régime probatoire n’est pas aménagé au profit du salarié, une nouvelle interrogation surgit. Cela signifierait-il qu’en matière de dénonciation de crimes et délits dans l’entreprise, le salarié licencié bénéficie d’un mécanisme probatoire plus souple, tandis qu’en matière de dénonciation d’un harcèlement dans l’entreprise, le salarié licencié ne bénéficie pas de ce mécanisme probatoire plus souple ? Or, un harcèlement n’est-il pas un délit ?

« Dans le cas contraire… »

La chambre sociale poursuit en énonçant que « dans le cas contraire, il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement » (§ 5). Nous achoppons alors sur la formule « dans le cas contraire ». Deux hypothèses apparaissent.

Premièrement, « dans le cas contraire » pourrait être traduit par « lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ». C’est la lecture qui semble la plus plausible, au regard du sommaire de l’arrêt, qui est agrémenté d’une seconde incise (« Dans le cas contraire, lorsque le licenciement n’est pas fondé par une cause réelle et sérieuse… »). Ce serait l’hypothèse dans laquelle la lettre de licenciement ne prévoit aucune cause de licenciement ou fait référence à une cause insuffisante à fonder le licenciement. Dans ce cas, c’est à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation du harcèlement et le licenciement. En d’autres termes, le défaut de cause réelle et sérieuse fait présumer le lien entre la dénonciation et le harcèlement, à charge pour l’employeur de renverser cette présomption. S’il n’y parvient pas, le licenciement est frappé de nullité. Mais que se passe-t-il s’il parvient à démontrer l’absence de lien entre la dénonciation d’un harcèlement et le licenciement ? À nouveau, deux suppositions.

Dans la première supposition, le licenciement échappe à la nullité puisqu’il ne constitue pas une mesure de rétorsion, mais n’évite pas la qualification de « licenciement sans cause réelle et sérieuse » puisqu’une telle cause était absente de la lettre de licenciement. Le licenciement est sanctionné, mais le juge doit appliquer les barèmes de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Dans la seconde supposition, le juge considère que le licenciement est justifié a posteriori. Imaginons que l’employeur ait fondé le licenciement sur l’insuffisance professionnelle du salarié. Or, dans la lettre de licenciement, il s’est contenté de mentionner « insuffisance professionnelle » sans motiver par des éléments précis ou bien en arguant d’une perte de confiance envers le salarié. Le licenciement n’est alors pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. Une action en justice est formée par le salarié, qui impute le licenciement à sa dénonciation d’un harcèlement. L’employeur apporte les éléments de faits nécessaires pour caractériser l’insuffisance professionnelle du salarié. Le juge pourrait-il considérer que tout compte fait le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ? L’employeur échapperait alors à toute sanction, ce qui serait plus que bienveillant à son égard !

La Cour d’appel d’Amiens avait déduit de la proximité temporelle entre le dépôt de plainte pour dénonciation d’un harcèlement sexuel et le licenciement la cause réelle de ce dernier et avait conclu à sa nullité. La Cour d’appel de Douai, sur renvoi, devra déterminer si les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisaient une cause réelle et sérieuse (en l’espèce, il semblait être question d’une faute grave) et en tirer les conséquences en matière de charge de la preuve, avec toutes les difficultés probatoires que cela entraînera.

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Suivi et régulation de la charge de travail du salarié au forfait en jours

Manque à son obligation d’assurer le suivi régulier de la charge de travail et à son obligation de sécurité l’employeur qui, d’une part, n’assure pas l’organisation de l’entretien annuel prévu par la convention collective pour un salarié au forfait en jours, et, d’autre part, ne prend pas des mesures de nature à protéger sa santé alors que des alertes et le document de suivi des jours travaillés, prévu par la même convention collective, laissaient apparaître une situation chronique de surcharge de travail. La convention de forfait doit être privée d’effet pour toute la période couverte par ces manquements (Soc. 10 janvier 2024, n°22-13.200).

À partir de 2011, palliant les carences d’une législation laconique, la Cour de cassation a développé une jurisprudence visant à conditionner le recours aux conventions de forfait en jours à l’existence de dispositions conventionnelles offrant certaines garanties aux salariés. Celles-ci devaient notamment permettre le suivi de leur charge de travail pour qu’elle reste raisonnable. S’appuyant sur cette exigence, le juge considérait qu’un forfait en jours était nul lorsque le dispositif conventionnel ne comportait pas de garanties suffisamment protectrices (Soc. 24 avr. 2013, n° 11-28.398) ou privé d’effet lorsque les stipulations conventionnelles étaient satisfaisantes mais non appliquées par l’employeur (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 ; 19 déc. 2018, n° 17-18.725). Deux décisions rendues par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 janvier 2024 (outre l’arrêt commenté, v. Soc. 10 janv. 2024, n° 22-15.782) apportent une attention particulière au comportement adopté par l’employeur pour assurer le suivi et la régulation de la charge de travail, dans le prolongement de la réforme du forfait en jours par la loi « Travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Prenant acte de cette jurisprudence, le législateur avait en effet modifié le régime juridique du forfait en jours, afin d’offrir au salarié des garanties légales jusqu’alors inexistantes. Depuis août 2016, une disposition d’ordre public enjoint notamment à l’employeur de s’assurer « régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail » (C. trav., art. L. 3121-60).

Un accord collectif, obligatoire pour recourir à ce type de forfait (C. trav., art. L 3121-63) doit prescrire les actions à mettre en œuvre pour respecter cette obligation. Il doit notamment déterminer « les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié » ainsi que « les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise » (C. trav., art. L. 3121-64). Des dispositions supplétives permettent enfin à l’employeur de mettre en œuvre le forfait malgré les carences conventionnelles sur les points précédents, à condition d’organiser un entretien annuel sur la charge de travail, de s’assurer que celle-ci est compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire et d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées (C. trav., art. L. 3121-65).

Il ressort de l’arrêt commenté, rendu au visa de ces nouvelles dispositions légales et respectant l’esprit et la lettre de celles-ci, que le juge entend désormais scruter avec rigueur le comportement adopté par l’employeur pour assurer le suivi et la régulation de la charge de travail.

En l’espèce, un directeur d’hôtel avait conclu en 2016 un contrat de travail avec un salarié au forfait en jours. Après avoir démissionné début 2019, il saisit le conseil de prud’hommes de diverses demandes relatives à l’exécution et la rupture du contrat. En raison de divers manquements reprochés à l’employeur, il demandait notamment aux juges de priver d’effet la convention de forfait pour la période couverte par celle-ci. Soumis à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, le salarié devait bénéficier, au titre du suivi et de la régulation de la charge de travail, de différentes garanties :

  • un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées sa charge de travail, l’amplitude de ses journées d’activité, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération ;
  • un document de suivi tenu par l’employeur faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés), permettant au supérieur hiérarchique d’assurer un suivi de l’organisation du travail du salarié, afin de veiller à ce que l’amplitude et la charge de travail soient raisonnables.

Le salarié au forfait en jours invoquait précisément l’absence de mise en œuvre de ces garanties, de nature à le protéger contre les risques liés à une charge de travail excessive : d’une part, l’entretien annuel de l’année 2018 n’avait pas été organisé pour être finalement programmé au mois de mars 2019 ; d’autre part, malgré un dépassement chronique de la durée du travail prévue par le forfait, aucune mesure n’avait été prise pour permettre le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire.

Le salarié fut débouté de l’ensemble de ses demandes par la Cour d’appel de Limoges, le 12 janvier 2022. Selon les juges du fond, l’absence d’entretien en 2018 était imputable à des difficultés particulières liées à l’organisation du travail : la démission du directeur général le 31 décembre 2018 et son remplacement le 21 janvier 2019 justifiaient le retard pris dans l’organisation des entretiens, qui avaient finalement eu lieu en mars 2019. Par ailleurs, si la cour d’appel avait bien relevé que le salarié avait constamment travaillé plus que la durée prévue par son forfait et avait alerté son supérieur hiérarchique des difficultés liées à sa charge de travail, elle considéra que l’employeur avait réagi en réduisant, pour l’année suivante, le nombre de jours inclus dans le forfait et en payant les dépassements constatés. Le salarié a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Le 10 janvier 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision rendue par les juges limougeauds, au visa des articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 4121-1 du code du travail, relatif à l’obligation patronale de sécurité, ainsi que des dispositions conventionnelles en vigueur. Ce faisant, elle précise l’étendue des obligations incombant à l’employeur en matière de charge de travail et rappelle la nécessité de rendre effectives les garanties conventionnelles afin d’assurer la protection de la santé des salariés dont la durée du travail est forfaitisée.

Entretien annuel du salarié au forfait en jours

Analysant dans un premier temps le grief tiré de l’absence d’entretien annuel, les juges du quai de l’Horloge font une application logique d’une jurisprudence constante : la non-application par l’employeur des dispositions conventionnelles destinées à assurer le suivi et la régulation de la charge de travail justifie la privation d’effet de la convention de forfait en jours pendant toute la durée où le manquement a été constaté. L’arrêt commenté montre une certaine rigueur dans l’application de cette jurisprudence puisqu’en l’espèce, l’entretien annuel litigieux avait bien été organisé, mais en mars de l’année N+1. Pour justifier ce retard, l’employeur invoquait des difficultés d’organisation résultant de de la démission du directeur général, lesquelles avaient convaincu les juges du fond. Pour la Cour de cassation, cependant, ce motif était inopérant pour écarter la responsabilité de l’employeur : dans les faits, le salarié n’avait pas bénéficié de son droit à un entretien « annuel » en application de la convention collective, alors même qu’il avait signalé, lors de l’entretien réalisé en 2017, « l’impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire » et que des manquements au repos hebdomadaire avaient encore été constatés en 2018.

Au regard de cette situation et, plus généralement, de la fonction de cet entretien destiné à vérifier que la non-application du droit commun de la durée du travail ne se traduit pas pour le salarié par une charge de travail excessive, son organisation était particulièrement importante et ne devait pas être envisagée comme une simple formalité. Les dispositions d’ordre public de l’article L. 3121-60 du code du travail, figurant au visa de l’arrêt commenté, font en outre reposer sur l’employeur l’obligation de suivi de la charge de travail. Il appartient donc à l’employeur de garantir l’organisation, dans les temps, de cet entretien, quelles que soient les difficultés liées au roulement du personnel. Le salarié au forfait en jours pouvait, par conséquent, légitimement se fonder sur cette irrégularité pour demander la privation d’effet de sa convention de forfait.

Réaction en cas de surcharge de travail

Le salarié invoquait en outre à l’appui de sa demande l’absence de réaction de l’employeur aux alertes sur la durée de son travail et sa charge de travail. En effet, le salarié avait, chaque année, travaillé plus que le nombre de jours de travail prévus par le forfait et avait régulièrement été privé de son droit au repos hebdomadaire en travaillant plus de six jours par semaine. Ces dépassements n’étaient d’ailleurs pas contestés ; ils apparaissaient sur le document de suivi des jours travaillés et le salarié avait à plusieurs reprises alerté le service des ressources humaines de sa fatigue et de surcharge de travail. La réponse de l’employeur s’était pourtant révélée plutôt inconsistante. Il avait dans un premier temps privilégié des mesures de récupération des jours travaillés au-delà du forfait : le salarié avait bénéficié de jours de repos compensateur pour les repos hebdomadaires non pris, tandis qu’un forfait de 166 jours avait été imposé pour l’année 2018, pour compenser les 51 jours de dépassement lors des deux années précédentes. Le salarié avait cependant encore dépassé le forfait de 30 jours en 2018 et l’employeur s’était finalement résigné à payer ces jours supplémentaires. Pour débouter le salarié, la cour d’appel déduisit malgré tout de ces mesures que l’employeur « portait un regard attentif sur le nombre de jours travaillés ».

La décision des juges du fond est également censurée sur ce point. La jurisprudence sur le forfait en jours était initialement fondée sur la nécessité d’octroyer des garanties permettant d’assurer l’effectivité du droit à la santé et au repos à des salariés exclus du droit commun de la durée du travail. Dans ce cadre, le document de suivi des journées s’est rapidement imposé comme un outil pertinent (Soc. 7 déc. 2014, n° 13-22.890; 22 juin 2017, n° 16-11.762), intégré aux dispositions légales supplétives lors de la réforme de 2016, à la condition toutefois qu’il soit effectivement utilisé par l’employeur à des fins de contrôle et de régulation de la charge de travail des salariés concernés (Soc. 6 nov. 2019, n° 18-19.752). En effet, ce document ne constitue pas une fin en soi ; il s’agit avant tout d’un simple outil destiné à identifier les situations problématiques et permettre à l’employeur de « remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable » de travail (Soc. 17 janv. 2018, n° 16-15.124). Or, l’employeur peut difficilement prétendre avoir réagi « en temps utile » s’il s’est contenté d’organiser la récupération des jours supplémentaires un à deux ans après le constat des dépassements, a fortiori lorsque le salarié n’a pas pu, dans les faits, bénéficier de cette récupération. La cassation sur le fondement des dispositions de l’article L. 3121-60 est par conséquent légitime : l’employeur ne s’assure pas « régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable » si les multiples alertes relatives à une durée du travail excessive n’entraînent aucune réaction rapide ni aucune réflexion globale sur l’organisation de son travail, sur les objectifs fixés et les moyens à sa disposition pour les atteindre.

Salarié au forfait en jours : recours aux dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail

L’intérêt de l’arrêt commenté réside en outre dans le recours aux dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail. Conformément à une jurisprudence désormais constante (Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444), « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ». La référence à ces dispositions légales n’est pas inédite dans le contentieux relatif au forfait en jours (Soc. 2 mars 2022, n° 20-16.683). Elle est tout à fait pertinente dès lors que les garanties conventionnelles de suivi et de régulation de la charge de travail – telles que le document de contrôle – doivent être de nature à « assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié » (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540). Il en résulte que l’employeur négligent dans la mise en œuvre de ces garanties expose les salariés soumis à une convention de forfait en jours aux risques pour la santé résultant d’une charge de travail excessive sans mesure préventive adaptée. Invoquer l’obligation patronale de sécurité permet en outre de faire peser sur l’employeur la charge de la preuve des mesures de prévention mises en œuvre une fois le risque identifié. Sur ce point, l’arrêt commenté donne un support légal à une jurisprudence établie : la Cour de cassation considérait déjà qu’il appartenait à l’employeur de prouver la mise en œuvre des garanties conventionnelles (Soc. 19 déc. 2018, n° 17-18.725).

Si le document de contrôle et les alertes du salarié font apparaître un risque de surcharge de travail auquel était exposé le salarié au forfait en jours, l’employeur doit être mesure de justifier les mesures prises pour faire cesser cette situation et éviter sa réitération. L’application de cette obligation demeure cependant assez souple pour l’employeur qui peut échapper à la condamnation en justifiant d’actions rapides pour faire cesser une situation de surcharge – ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce. Une application rigoureuse des différents principes généraux de prévention imposerait pourtant, en principe, de tout mettre en œuvre pour éviter une telle situation. Les exigences de prévention des risques à la source ou d’adaptation du travail à l’homme (C. trav., art. L. 4121-2) prescrivent davantage une réflexion globale sur les objectifs, l’organisation, les conditions de travail, la recherche d’un équilibre entre les contraintes de travail du salarié au forfait en jours et les ressources à sa disposition pour le réaliser, afin de s’assurer qu’il pourra réaliser correctement son travail, dans des conditions respectueuses de sa santé et de sa sécurité, malgré l’inapplication du droit commun de la durée du travail.

En définitive, s’il est généralement attendu que l’accord collectif organisant le recours au forfait en jours comporte des garanties permettant d’assurer le suivi et le contrôle de la charge et l’amplitude de travail des salariés concernés afin qu’elles soient raisonnables, c’est sous la responsabilité de l’employeur qu’elles doivent être mises en œuvre. Par conséquent, le non-respect de ces garanties empêche l’employeur de se prévaloir de la convention de forfait conclue et engage sa responsabilité sur le fondement de son obligation de sécurité.

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Différence de qualification à l’embauche et différence de traitement entre salariés

La seule différence de qualification à l’embauche ne constitue pas en soi une raison objective et pertinente justifiant une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-11.338).

Il est aujourd’hui classiquement admis qu’une atteinte au principe d’égalité peut se trouver justifiée. Il est en effet possible pour l’employeur de démontrer que la différence de traitement entre salariés tient à une raison objective et pertinente (Soc. 10 juin 2008, n° 06-46.000).

Qu’en est-il d’une différence de qualification des salariés à l’embauche ? Peut-elle valablement, lorsque l’un de ces deux salariés finit par obtenir la même qualification qu’un autre recruté à la même époque, suffire à évincer une demande de rappel de salaire fondée sur le principe d’égalité de traitement ? C’est à cette délicate question que la chambre sociale de la Cour de cassation est venue, par son arrêt du 13 septembre 2023, apporter des éléments de réponse.

En l’espèce, un salarié avait été engagé en qualité d’assistant journaliste reporter stagiaire, avant d’être promu en qualité de journaliste reporter d’images, puis de chef de service.

Après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes. Il estimait en effet avoir été victime d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement du fait d’avoir perçu pendant près d’une année une rémunération moindre qu’un autre salarié pourtant selon lui placé dans une situation similaire.

Les juges du fond le déboutèrent de ses demandes, retenant que cette différence était justifiée objectivement dès lors que les deux salariés n’avaient pas la même qualification ni la même expérience professionnelle lors de leur embauche, de sorte qu’il forma un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, va donner raison au salarié estimant que si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l’avantage en cause, aient la possibilité d’en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes.

L’employeur ne peut pas invoquer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier, de façon objective et pertinente, une différence de rémunération (Soc. 30 avr. 2009, n° 07-40.527 : il ne peut accorder des avantages particuliers à certains salariés que si tous les salariés de l’entreprise, placés dans une situation identique, peuvent en bénéficier et que les règles déterminant l’octroi de ces avantages sont préalablement définies et contrôlables (Soc. 10 oct. 2013, n° 12-21.167).

Mais peut-on considérer que cette justification objective et pertinente puisse provenir de la qualification lors de l’embauche, y compris lorsque celle-ci date de plusieurs années ?

Il se trouve qu’en l’espèce, les juges du fond avaient d’abord relevé que le salarié avait perçu une rémunération inférieure à celle du salarié de comparaison pour un poste équivalent de grand reporter groupe 9. Comparant ensuite les contrats de travail, ils constatèrent que le salarié avait été engagé en qualité d’assistant journaliste reporter d’images stagiaire alors que le salarié de comparaison avait été engagé en qualité de journaliste reporter d’images la même année (1999).

Et c’est précisément cette différence de qualification entre les deux salariés lors de leur embauche qui, selon les juges du fond, devait constituer la « raison objective » à la différence de salaire constatée en 2014 et contestée avant sa promotion en qualité de chef de service.

La chambre sociale va censurer le raisonnement en ce que la cour d’appel n’a – ce faisant – pas précisé en quoi la différence de qualification des salariés lors de leur engagement en 1999, respectivement en qualité d’assistant journaliste reporter d’images stagiaire et d’assistant journaliste reporter d’images, constituait une raison objective et pertinente justifiant la disparité de traitement dans l’exercice des mêmes fonctions de grand reporter groupe 9.

En d’autres termes, la différence de qualification à l’embauche ne constitue pas en soi une raison objective et pertinente justifiant une différence de traitement entre salariés sur le plan de la rémunération.

Les hauts magistrats exigent ainsi des juges du fond qu’ils procèdent à une véritable analyse comparée de la situation des salariés sans se borner à la qualification des salariés « comparés » lors de leur engagement initial. Cette solution s’inscrit ainsi dans une forme de continuité avec les dernières décisions de la Cour invitant les juges du fond à apprécier in concreto l’existence d’une réelle différence de situation permettant d’évincer le principe d’égalité de traitement.

La solution se veut ainsi rassurante pour le salarié en ce qu’elle évite de préconstituer un motif permettant à l’employeur de s’affranchir d’un rappel de salaire dans une situation où serait constatée une différence de traitement entre salariés uniquement justifiée par une différence de qualification à l’embauche, sans autre argument ni précision. Elle ne constitue pas pour autant une sentence démesurée pour les employeurs, qui devront toutefois s’assurer d’argumenter de façon suffisamment précise et concrète en expliquant dans quelle mesure une différence de qualification peut justifier la différence de traitement pratiquée.

Elle apparait en parfaite cohérence avec la ligne dessinée en matière de diplôme, l’éminente juridiction ayant récemment jugé que la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée (Soc. 14 sept. 2022, n° 21-12.175).

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