Justice du Travail

En France, la justice du travail est traditionnellement assurée par le Conseil de prud’hommes qui absorbe la grande majorité des litiges entre employeurs et salariés. Cependant, lors de litiges spécifiques d’autres juridictions peuvent intervenir.

Quel tribunal compétent en Justice du Travail ?

Ce sera parfois le cas avec le Tribunal administratif qui sera compétent lors d’un litige avec un salarié protégé ou avec le Tribunal de grande instance qui sera compétent lors d’un contentieux sur un accord collectif ou encore avec le Tribunal d’instance qui lui sera spécifiquement compétent lors d’un contentieux autour des élections professionnelles ou lors d’un contentieux faisant intervenir certaines catégories de salariés (marins). Enfin, lorsqu’un litige porte sur le droit pénal du travail, c’est le Tribunal correctionnel qui sera saisi.

Ainsi, lorsqu’un litige est né à l’occasion d’un contrat de travail, il est possible de saisir le Conseil de prud’hommes. Mais, il est important de souligner que la justice du travail a toujours eu pour ambition le règlement amiable des conflits entre employeur et salarié. En effet, avant d’être portée devant le bureau de jugement, chaque conflit doit faire obligatoirement l’objet d’une tentative de conciliation. Ici, les parties tentent de trouver un accord pour éviter la procédure contentieuse. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette conciliation que les parties sont renvoyées devant le bureau de jugement.

Par ailleurs, chaque partie à la possibilité de se faire assister ou représenter par un collègue de la même branche ou par son conjoint mais aussi par un avocat. Il est à noter que cette possibilité a été renforcé par la loi Macron puisque dorénavant cette faculté est offerte dans tous les cas. En effet, même si l’assistance par un avocat devant le Conseil de prud’hommes n’est pas obligatoire, elle est très fortement conseillée.

Il est à noter que depuis le décret du 20 mai 2016, les parties ont également la possibilité de se faire assister par le défenseur syndical.

En outre, une procédure de référé est possible. Elle permettra, dans les cas d’urgence, d’obtenir très rapidement une décision de justice (contestation sérieuse, prévention d’un dommage imminent, trouble manifestement illicite). Dans cette procédure, il n’y a pas de conciliation préalable et ainsi le litige trouvera une réponse dans un délai de 2 à 6 mois.

Enfin, l’appel sera principalement interjeté devant la Cour d’appel et exceptionnellement devant la Cour d’appel administrative. En définitive, il faut savoir qu’un dernier recours est possible devant la Cour de cassation (chambre sociale ou criminelle) ou exceptionnellement devant le Conseil d’état.

Conséquence de l’absence de délai de contestation sur le reçu pour solde de tout compte

L’article L.1234-20 du Code du travail ne prévoit pas l’obligation pour l’employeur de mentionner sur le reçu pour solde de tout compte le délai de six mois pour le dénoncer.

En conséquence, le reçu pour solde de tout compte, non dénoncé dans le délai de six mois, faisant mention des sommes versées en précisant la nature de celles-ci, à titre notamment de salaire, a un effet libératoire (Cass. Soc. 4 novembre 2015, n°14-10.657).

Obligation de sécurité de résultat : inflexion de la Cour de Cassation

Par un arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24.444), la Cour de Cassation a  jugé que l’employeur qui prouve qu’il a mis en place toutes les mesures de prévention pour remplir son devoir de sécurité vis-à-vis d’un salarié n’est pas condamnable.

Un arrêt qui pourrait marquer la fin de l’obligation de sécurité de résultat privilégiée jusqu’ici depuis 2002 et qui fait peser sur l’employeur une responsabilité qui ne souffre pas de négligences.

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2015, un pilote d’Air France reprochait à la compagnie aérienne de n’avoir pas pris les mesures nécessaires après les attentats du 11 septembre 2001. Ayant été témoin des attentats, il estimait que son employeur n’avait pas assuré le suivi post-traumatique des salariés exposés à cet événement. Il imputait à cette carence la crise de panique dont il avait été l’objet, quelques années plus tard le 24 avril 2006, alors qu’il partait pour rejoindre son bord pour un vol. Suite à cela, un arrêt de travail lui avait été délivré. Il avait saisi les prud’hommes afin d’obtenir des dommages et intérêts pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.

L’employeur doit prouver qu’il a pris les mesures de prévention nécessaires

Débouté en appel, le salarié a saisi la Cour de cassation qui rejette également sa demande. Selon la Haute cour, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. C’est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation se réfère expressément aux mesures de prévention prévues par le second de ces articles.

L’article L. 4121-1 du Code du travail prévoit que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Parmi les mesures évoquées par le Code du travail : des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. « L’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes », précise ensuite le Code du travail.

L’employeur a rempli son obligation de sécurité

La compagnie Air France expliquait qu’après les attentats du 11 septembre 2001, elle avait agi envers les salariés qui y avaient été directement exposés. A leur retour de New-York, le jour même, Air France avait fait accueillir l’ensemble de l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les salariés vers des consultations psychiatriques. Air France soulignait par ailleurs que le salarié avait été déclaré apte lors des quatre visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005 et avait jusqu’alors exercé ses fonctions sans difficulté jusqu’à sa crise de panique d’avril 2006. Les éléments produits par le salarié en 2008 étaient par ailleurs dépourvus de lien avec les événements dont il avait été témoin. La Cour de cassation, convaincue par les arguments de l’entreprise, approuve la Cour d’appel d’avoir conclu à l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Vers une obligation de sécurité de moyens ?

L’inflexion de la jurisprudence est patente dans cette décision, qui sera d’ailleurs intégrée dans le Rapport annuel de la Cour de cassation. Jusqu’à présent, l’employeur pouvait s’interroger sur l’utilité de mettre en oeuvre des actions préventive car la seule survenance d’un acte (harcèlement, sentiment d’insécurité,…) suffisait à établir sa faute. En mettant l’accent dans cet arrêt sur l’arsenal préventif développé par Air France, la Cour de Cassation reconnaît les efforts fournis par l’employeur. La Cour de cassation semble alors se diriger vers une simple obligation de moyens, et non plus de résultat, en matière de santé et de sécurité des salariés. Une obligation de moyen toutefois « renforcée » car l’employeur doit bien prouver qu’il a mis en oeuvre les mesures nécessaires.

Source: actuEL-RH.fr

Le salarié peut il faire une copie des fichiers informatiques de l’entreprise pour exercer ses droits de la défense dans un litige l’opposant à son employeur ?

Oui mais attention, pas dans n’importe quelles conditions. Dans un arrêt du 31 mars 2015 (n° 13-24.410), la chambre sociale de la Cour de cassation a répondu par l’affirmative à cette interrogation. Toutefois il convient de vérifier si les documents copiés sont strictement nécessaires à l’exercice de vos droits de la défense dans le litige vous opposant à votre employeur à l’occasion de votre licenciement. Si ces conditions sont remplies, la Cour de Cassation considère qu’il n’y a pas d’infraction de vol.

Elle avait déjà établit que lorsque les documents pouvaient être librement consultés par le salarié dans l’exercice de ses fonctions et, qu’ils étaient soustraits par le salarié à l’employeur pour exercer ses droits de la défense cela n’était pas considéré comme du vol (Soc. 30 mai 2004 n°02-41.711).

Il convient, par ailleurs, de souligner que c’est à l’employé qu’il incombe de prouver que les documents soustrait à l’employeur sont strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense.

SOURCE : La Semaine Juridique Social n° 23, 9 Juin 2015, 1203 , Conditions d’admissibilité du vol de documents en vue de l’exercice des droits de la défense, Stéphane Brissy Ouvrage : Rupture du contrat de travail, Laurent GAMET

Qui harcèle un collègue au téléphone même pour des motifs tenant à la vie privée peut être licencié

Un salarié qui, pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, émet des appels téléphoniques répétés depuis son poste professionnel, sur celui d’un collègue de travail se plaignant d’être harcelé, peut être licencié pour faute grave (Cass. Soc., 27 novembre 2013, n°12-21.057).Ces agissements à l’égard d’une personne avec laquelle le salarié était en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle, quand bien même il aurait eu avec l’intéressé une relation sentimentale.

La Cour de cassation reprend les termes d’un précédent arrêt dans lequel elle a jugé que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d’un salarié à l’égard de personnes avec lesquelles il était en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle (Cass. soc. 19 octobre 2011 n° 09-72.672).

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence bien établie selon laquelle un fait de lavie personnelle ne peut pas justifier l’engagement d’une procédure disciplinaire débouchant sur une sanction, sauf s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié.

Loi Macron et prud’hommes

Adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale courant février, le projet de loi Macron « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » sera examiné par le Sénat le mois prochain. Les dispositions qui visent à réformer la justice prud’homale sont nombreuses. Parmi elles, la volonté de raccourcir les délais de jugement.

Dans ce contexte, le bureau de conciliation (qui devient le « bureau de conciliation et d’orientation ») reste le point d’entrée de toutes procédures. Mais si le texte est promulgué en l’état, trois options seront alors possibles.

En cas d’échec de la conciliation, l’affaire pourra être renvoyée :

 1. soit devant la formation normale du bureau de jugement (4 conseillers) ;
2. soit devant la formation dite restreinte du bureau de jugement (2 juges paritaires qui devront statuer dans les 3 mois). Ce renvoi nécessite l’accord préalable des parties et ne pourra concerner que les dossiers relativement simples (litige portant sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail) ;
3. soit directement devant la formation de départage (présidée par un juge professionnel) dans 2 situations particulières : lorsque la nature du litige le justifie ou si les 2 parties le demandent.

A noter que le bureau de conciliation et d’orientation, qui sera dorénavant chargé d’assurer la mise en état des affaires, aura la possibilité de juger le dossier en cas de non comparution d’une partie à l’audience de conciliation. Seule exception à cette prérogative : le motif légitime.

Texte adopté n° 473 « Petite loi » – 19 février 2015 (article 83)

Le règlement intérieur peut interdire la consommation d’alcool sous conditions

Un décret n°2014-754 du 1er juillet 2014, entré en vigueur le 4 juillet, complète les dispositions de l’article R 4228-20 du Code du travail autorisant la consommation de certaines boissons alcoolisées dans l’entreprise (le vin, la bière, le cidre et le poiré).

Lorsque la consommation de boissons alcoolisées est susceptible de s’avérer dangereuse pour les salariés, l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de prévenir tout risque d’accident (article L 4121-1du Code du travail).

Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché.

Elles entrent dans le cadre de l’obligation pour les employeurs d’assurer la santé et la sécurité des salariés : cette obligation étant une obligation de résultat.

Attention, le règlement intérieur ne peut prévoir une interdiction totale et absolue de consommation d’alcool, qui ne serait pas justifiée par l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque pour le salarié ou pour des tiers (CE 12 novembre 2012 n° 349365).

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

Peut-on licencier les jeunes pères salariés ?

Peut-on licencier les jeunes pères salariés ?

Une protection contre la rupture du contrat de travail est instituée par la loi n°2014-873 du 4 août 2014 (article 9) au bénéfice des jeunes pères salariés par le nouvel article L 1225-4-1 du Code du travail.

Désormais, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un père salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant, hormis s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (par exemple en cas de difficultés économiques de l’entreprise).

L’objectif de cette mesure est d’empêcher que la situation de famille du salarié ou le fait qu’il prenne son congé de paternité constitue un motif caché de licenciement.

Le dispositif est inspiré de la protection accordée aux mères pendant les 4 semaines qui suivent leur retour de congé de maternité, dont les principes devraient donc être transposables aux pères.

Ainsi, la faute grave ne devrait pas pouvoir être retenue si elle est liée à la naissance de l’enfant : par exemple, une absence injustifiée liée à des problèmes de santé dont souffrirait le nouveau-né ne pourrait pas justifier la rupture du contrat de travail.

La loi ne prévoit pas expressément les sanctions encourues par l’employeur en cas de manquement à cette nouvelle règle. Par analogie avec la protection accordée aux jeunes mères, un tel licenciement serait nul ce qui impliquerait un droit à réintégration dans l’entreprise assorti d’une indemnisation compensant les salaires perdus entre le licenciement et la réintégration ou bien, à défaut de réintégration, des dommages et intérêts ainsi que des indemnités de rupture du contrat de travail.

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

Rappels des règles relatives aux élections des représentants du personnel : initiative et délai

Initiative des élections des Représentants du personnel
C’est à l’employeur de prendre l’initiative d’organiser les élections, qu’il s’agisse de mettre en place pour la première fois les institutions lorsque les effectifs requis sont atteints, de les renouveler ou de pourvoir en cours de mandat des sièges laissés vacants au moyen d’élections partielles.
Il doit informer le personnel de l’organisation des élections et inviter les syndicats intéressés à négocier le protocole préélectoral et établir la liste de leurs candidats au premier tour.

A défaut, l’employeur risque d’être poursuivi pour délit d’entrave et peut être condamné à payer des dommages-intérêts à un syndicat et aux salariés.

L’employeur informe le personnel de l’organisation des élections par affichage d’un document précisant la date envisagée pour le premier tour, sous peine d’annulation des élections. 

L’employeur doit inviter les syndicats intéressés à négocier le protocole préélectoral et à établir les listes de leurs candidats selon deux modalités distinctes :

1°  par courrier pour les syndicats reconnus représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement, ceux ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement et ceux affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ;

2°  par affichage pour les syndicats autres que ceux cités au 1°, qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constitués depuis au moins 2 ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concerné.

En cas de renouvellement des institutions, cette invitation doit être faite un mois avant l’expiration du mandat des représentants en exercice, la méconnaissance de ce délai n’étant pas, cependant, une cause d’annulation du protocole préélectoral.

L’employeur doit respecter un délai suffisant entre l’invitation et la date de réunion prévue pour la négociation du protocole. En tout état de cause, l’invitation à négocier doit parvenir à son destinataire avant la tenue de la première réunion de négociation.

Depuis le 7 mars 2014, l’invitation des syndicats par courrier à négocier le protocole préélectoral doit leur parvenir au plus tard 15 jours avant la première réunion (C. trav. art. L 2314-3 al. 4 nouveau et L 2324-4 al. 4 nouveau).
Depuis cette même date, en cas de renouvellement de l’institution, l’invitation à négocier doit être faite au moins deux mois avant l’expiration des mandats, au lieu d’un mois précédemment (C. trav. art. L 2314-3 al. 3 modifié et L 2324-4 al. 3 modifié).
Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 art. 30, I et II.

 

 

Un délai supplémentaire est accordé aux entreprises procédant à de premières élections 

Lorsque l’organisation de l’élection des délégués du personnel est consécutive au franchissement du seuil d’effectif mentionné à l’article L 2312-2 du Code du travail (11 salariés dans l’établissement), le premier tour doit se tenir dans les 90 jours suivant le jour de l’affichage destiné à informer le personnel de l’élection, au lieu de 45 jours au plus en cas de renouvellement de l’institution.

De même, lorsque l’organisation de l’élection des représentants du personnel au comité d’entreprise est consécutive au franchissement du seuil de 50 salariés dans l’entreprise mentionné à l’article L 2322-2 du même Code, le premier tour doit se tenir dans les 90 jours suivant le jour de l’affichage, au lieu de 45 si l’élection est organisée pour renouveler l’institution.

Les articles L 2314-2 (DP) et L 2324-3 (CE) ont été complétés en ce sens par l’article 23 de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013.

Le délai de 90 jours prévu par la loi du 17 juin 2013 s’applique tant à la première mise en place d’une institution représentative du personnel qu’à une nouvelle mise en place, si cette institution a disparu suite à une baisse prolongée des effectifs de l’entreprise.

Il s’agit d’un délai maximal, l’employeur pouvant organiser les élections avant son terme.

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

Reconnaissance de la faute inexcusable en cas de suicide d’un salarié

Reconnaissance de la faute inexcusable en cas de suicide d’un salarié

La faute inexcusable de l’employeur est reconnue lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé et qu’il n’avait pas pris de mesures suffisantes pour l’en préserver.
L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la sécurité et de la santé physique et mentale de ses salariés, telle que la mesure des risques psychosociaux dans l’entreprise. Selon une jurisprudence désormais bien établie, cette obligation générale de sécurité s’analyse en une obligation de résultat (Cass. soc., 28 février 2002 n° 00-10.051 ; Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038).

Par un arrêt du 19 septembre 2013, la Cour de cassation démontre comment la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue dans le suicide d’un salarié de 45 ans, retrouvé noyé aux abords de l’entreprise (Cass. 2ème civ., 19 septembre 2013, n°12-22.156).

Le salarié n’a pas bénéficié de la formation prévue

Les juges ont tout d’abord relevé que d’après les enquêtes réalisées par la CPAM, l’inspection du travail et les services de police, le salarié a rencontré, dès son arrivée dans le service, de graves difficultés pour assurer les fonctions pour lesquelles il n’avait pas les connaissances requises. L’employeur ne lui ayant pas dispensé la formation nécessaire pourtant précue, cette situation a provoqué chez l’intéressé un profond désarroi se traduisant par des échanges de courriels avec les membres de son équipe et son supérieur hiérarchique dans lesquels il sollicitait l’aide nécessaire pour effectuer les missions confiées dans les délais impartis. Cette situation a entrainé son hospitalisation pendant 15 jours pour troubles dépressifs sévères et l’alerte par le salarié des services de police.

L’employeur a tardé à suivre les préconisations du médecin du travail

Au retour du salarié, le médecin du travail a recommandé un changement d’affectation pour un poste moins stressant. Cette préconisation n’a été effective que plusieurs mois plus tard. Cette négligence a donc prolongé l’état dépressif du salarié et contribué à le mettre en situation d’échec.

Les horaires de travail n’ont pas été contrôlés

Enfin, il est reproché aux responsables hiérarchiques de ne pas avoir pris en considération l’état de santé de l’intéressé : selon la Haute cour, ils n’ont jamais réellement cherché à améliorer ses conditions de travail et n’ont jamais contrôlé ses horaires de travail, estimés par l’Inspection du travail à 10 à 12 heures par jour en janvier 2007, ce qui présentait un caractère excessif et révélait l’incapacité du salarié à assurer l’exécution de ses nouvelles attributions dans des conditions satisfaisantes respectant l’exigence d’un repos quotidien suffisant.

L’argument de l’employeur selon lequel à la date de survenance de l’accident, l’employeur avait mis fin à la situation de danger, puisque le suicide est intervenu 4 mois après sa nouvelle affectation, n’a pas été retenu. Pour la Cour de cassation, l’obligation de sécurité de l’employeur est bien une obligation de résultat.

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

Reprise du paiement des salaires en cas d'inaptitude

Reprise du paiement des salaires en cas d’inaptitude

A défaut de reclassement, de licenciement pour inaptitude physique notifié à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de la visite de reprise, l’employeur doit reprendre le versement du salaire. Cette obligation prévue par l’article L 1226-4 du Code du travail s’impose quelle que soit l’origine de l’inaptitude, que celle-ci soit temporaire ou définitive et même si le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l’entreprise.

Le versement du salaire doit être repris même si la procédure de licenciement est en cours à cette date (Cass. Soc., 23 mars 2011, n°10-10.896), ou si le salarié a refusé un poste de reclassement (Cass. Soc., 18 avril 2000, n°98-40.314).

L’employeur ne peut substituer à cette obligation de reprise du paiement du salaire le paiement d’une indemnité de congés payés non pris, ni contraindre le salarié à prendre ses congés (Cass. Soc., 3 juillet 2013, n°11-23.687).

Le délai d’un mois court à compter de la date à laquelle le médecin du travail déclare le salarié inapte : soit le second examen médical en cas d’inaptitude définitive, soit l’examen unique constatant que le maintien du salarié à ce poste entraîne un danger immédiat pour la santé et la sécurité de l’intéressé ou celle d’un tiers (Cass. Soc., 6 février 2008, n°06-45.551).

Si l’employeur manque à son obligation de payer le salaire au bout d’un mois, le salarié peut saisir le juge prud’homal pour obtenir le paiement de sa rémunération ou faire constater la rupture du contrat de travail, qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au paiement du salaire jusqu’à la date de la rupture.

Si le licenciement a déjà été prononcé, le salarié peut réclamer également la réparation du préjudice résultant de ce manquement ; mais ce dernier ne prive pas dans ce cas le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’avis médical d’aptitude (ou d’inaptitude) peut être contesté par l’employeur ou par le salarié devant l’inspecteur du travail dont relève l’entreprise, dans un délai de 2 mois, par lettre recommandée avec avis de réception contenant les motifs de la contestation. L’inspecteur du travail se prononce après avis du médecin-inspecteur du travail. Sa décision peut elle-même être contestée dans un délai de 2 mois devant le ministre chargé du travail. Ces voies et délais de recours sont mentionnés sur l’avis délivré par le médecin.

Si l’inspecteur reconnaît le salarié apte, l’employeur ayant affecté l’intéressé à un poste de reclassement doit le réintégrer. Si le salarié a été licencié, la décision de l’inspecteur du travail de le reconnaître apte (ou celle annulant sur recours contentieux sa confirmation de l’inaptitude) ne rend pas le licenciement nul mais sans cause réelle et sérieuse.

 

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

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