La rupture de la période d’essai sans respect du délai de prévenance n’est pas un licenciement

La rupture de la période d’essai par l’employeur, avant son terme sans respecter le délai de prévenance, ne s’analyse pas en un licenciement.

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 impose le respect d’un préavis (ou délai de prévenance) en cas de rupture d’une période d’essai. Ainsi, le salarié qui met fin à cette période doit respecter un délai de 48 heures, ramené à 24 heures si sa durée de présence dans l’entreprise est inférieure à 8 jours (article L 1221-26 du Code du travail).

L’employeur doit quant à lui respecter un préavis qui ne peut être inférieur à :

  • 24 heures en deçà de 8 jours de présence du salarié ;
  • 48 heures entre 8 jours et un mois de présence ;
  • 2 semaines après un mois de présence ;
  • un mois après 3 mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance (article  L 1221-25 du Code du travail).

Quelle est la sanction du non-respect de ce préavis légal ?

Si l’employeur met fin à la période d’essai le dernier jour de celle-ci avisant le salarié qu’il cessera son activité ce jour mais continuera à percevoir son salaire pendant un mois correspondant au délai de prévenance, les juges n’estiment pas que la rupture est abusive.

La Cour de Cassation confirme que la rupture de la période d’essai avant son terme ne s’analyse pas en un licenciement, alors même que l’employeur n’a pas respecté le préavis. Ce manquement n’a donc pas pour effet de rendre le contrat définitif (Cass. Soc., 23 janvier 2013, n°11-23.428).

La Cour de cassation reprend ainsi la position qu’elle avait adoptée antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 2008 à propos de préavis imposés par des accords collectifs (Cass. soc. 15 mars 1995 n° 91-43.642 ; 29 juin 1999 n° 97-41.132 ; 21 mai 2002 n° 00-42.098).

Dans une décision rendue le 5 novembre 2014, la Cour de cassation (Cass. Soc., 5 novembre 2014, n°13-18.114), a confirmé qu’en cas de rupture de la période d’essai, le contrat de travail prenait fin au terme du délai de prévenance exécuté, et au plus tard à l’expiration de la période d’essai initialement prévue entre les parties.

Après le terme de l’essai, si le contrat de travail se poursuit, il existe un nouveau contrat à durée indéterminée qui ne pourra être rompu par l’employeur que par le biais d’un licenciement.

Faute de respecter la procédure de licenciement, la rupture risque d’être dépourvue de cause réelle et sérieuse et le salarié peut alors prétendre à la réparation du préjudice qui en découle en application de l’article L 1235-5 du Code du travail (Cass. Soc. 22 février 2006, n°03-46.086).

La continuation des relations contractuelles durant le préavis de rupture de la période d’essai après la fin de cette période d’essai donne donc naissance à un nouveau contrat de travail à durée indéterminée.

Il est donc préférable pour les employeurs ayant omis de respecter le délai de prévenance, de rompre en toutes hypothèses la période d’essai au terme de celle-ci, même si le délai de prévenance ne peut plus être exécuté.

Dans un tel cas, cet oubli ne rend pas le contrat définitif et la rupture ne s’analyse pas en un licenciement (ass. Soc., 23 janvier 2013, n°11-23.428). Sauf s’il a commis une faute grave, le salarié peut alors bénéficier d’un dédommagement égal au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’au terme du délai de prévenance.

Cette somme a le caractère d’un salaire selon la Cour de Cassation et est donc soumise au paiement de cotisations sociales, de la CSG, de la CRDS et de l’impôt sur le revenu.

Le contenu de la lettre de recherche de reclassement

En cas de licenciement pour motif économique, la recherche de reclassement effectuée par l’employeur avant tout licenciement doit être suffisamment personnalisée afin de permettre au destinataire d’apprécier si les emplois dont il dispose correspondent aux capacités et aux compétences du salarié susceptible d’être licencié.

L’envoi à d’autres sociétés du groupe de lettres circulaires qui ne contiennent pas d’informations suffisantes sur la situation professionnelle du salarié ne satisfait pas aux exigences légales (Cass. Soc., 13 février 2008, n°06-44.984). La Cour de cassation a précisé dans une décision du 22 octobre 2014 qu’une lettre circulaire précisant le nom, la classification et la nature de l’emploi du salarié est suffisamment personnalisée (Cassation sociale, 22 octobre 2014, n°13-20.403).

Toujours concernant l’obligation préalable de reclassement incombant à l’employeur, l’article 5 de l’accord national interprofessionnel du 10 février 1995 sur la sécurité de l’emploi exige la saisie par l’employeur de la commission territoriale de l’emploi créée dans le secteur activité de l’employeur, afin que celle-ci l’assiste dans la recherche de reclassement.

A défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 12 février 2014, n°12-26.198 et 18 février 2014 n°12-18.029, Cass. Soc., 30 septembre 2013, n°12-15.940).

Toutefois, en l’absence de commission paritaire régulièrement mise en place dans le secteur d’activité considéré, aucune obligation ne pèse sur l’employeur visant à saisir les syndicats d’employeurs du secteur.

Le salarié absent pour maladie peut être définitivement remplacé par un de ses collègues

Le licenciement d’un salarié en raison de son absence prolongée ou absences répétées pour maladie est légitime s’il est remplacé définitivement à son poste, dans un délai raisonnable par rapport à la date du licenciement.

Ce remplacement peut s’effectuer par un nouvel embauché en CDI, ou par un collègue de travail, à condition que le poste laissé vacant par ce dernier soit aussi pourvu par un recrutement en CDI (Cass. Soc., 15 janvier 2014, n°12-21.179).

La lettre de licenciement doit mentionner l’existence d’une perturbation du fonctionnement de l’entreprise et, d’autre part, de la nécessité du remplacement du salarié. A défaut, le licenciement sera considéré comme insuffisamment motivé et, en tant que tel, sans cause réelle et sérieuse.

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

La réparation des conséquences dommageables de l’exécution provisoire

Le salarié est tenu de réparer les conséquences dommageables de l’exécution provisoire qu’il a poursuivie à ses risques et périls.  

Lorsque le jugement prud’homal emporte condamnation à paiement de rappels de salaire, et que le salarié en poursuit l’exécution forcée faute de paiement spontané, il prend le risque de devoir restituer le montant total de la condamnation prononcée (soit les sommes brutes et non les sommes nettes perçues) si la décision est annulée (Cass., 2ème civ., 7 juin 2012, n° 11-20.294). 

Par un arrêt rendu le 14 mai 2009, la Cour de cassation avait déjà statué dans le même sens (Cass. 2ème civ., 14 mai 2009, n°08-13.848).

 

La rupture d’un CDD pour faute grave est soumise à la procédure disciplinaire

Les dispositions des articles L 1232-2 et L 1235-6 du Code du travail concernant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée (procédure de licenciement) ne s’appliquent pas au contrat de travail à durée déterminée 

La jurisprudence a donc été amenée à préciser la procédure applicable à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave du salarié. Elle a retenu l’application de la procédure disciplinaire prévue aux articles L 1332-1 à L 1332-3 du Code du travail (Cass. soc., 11 avril 1996, n° 93-42.632 ; Cass. soc., 4 juin 2008, n° 07-40.126). 

Cette procédure est régulière dès lors que le salarié a effectivement reçu la convocation à l’entretien préalable, cette convocation étant soumise aux formalités prévues par l’article R 1332-1 du même Code  (Cass. Soc., 20 novembre 2013, n°12-30.100). 

Le défaut de convocation du salarié à un entretien préalable à la rupture anticipée du CDD pour faute grave constitue une irrégularité de procédure mais n’affecte pas le bien-fondé de cette mesure. 

En conséquence, le salarié ne peut pas prétendre, à titre de réparation, au paiement des salaires qui auraient été dus jusqu’au terme du contrat (article L 1243-4 du Code du travail), mais seulement à des dommages-intérêts souverainement fixés par le juge en fonction du préjudice né du défaut d’entretien préalable (Cass. Soc., 14 mai 2014, n°13-12.071).

Rupture conventionnelle : possibilité pour le salarié de demander au juge un complément d’indemnité

Le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle indiqué dans la convention de rupture doit être conforme aux dispositions l’article L 1237-13 du Code du travail. 

A défaut, une convention de rupture ne devrait pas pouvoir être homologuée par l’administration, chargée de vérifier que ce montant correspond au minimum légal prévu. 

Si tel était cependant le cas, et faute d’avoir obtenu le montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle conforme à son ancienneté, le salarié peut saisir le juge d’une demande en paiement d’un complément d’indemnité, sans être tenu d’agir en nullité de la convention (Cass. Soc., 10 décembre 2014, n°13-22.134). 

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

Le compte personnel de formation remplace le DIF

A compter du 1er janvier 2015, le compte personnel de formation (CPF) remplace le droit individuel à la formation.

Le CPF est ouvert à toute personne âgée d’au moins 16 ans en emploi ou à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelle ou accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail (Esat). Par dérogation, il est ouvert dès l’âge de 15 ans pour le jeune qui signe un contrat d’apprentissage.

Il n’y a aucune condition d’ancienneté pour en bénéficier.

Les heures inscrites sur le compte restent acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire. Le compte est fermé lorsque la personne est admise à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite.

Les salariés acquièrent par ce biais 24 heures par an dans la limite de 120 heures, puis 12 heures par an dans la limite d’un plafond de 150 heures pour un salarié à temps plein ; heures calculées au prorata pour un salarié à temps partiel.

Les personnes ayant des heures de DIF non consommées au 1er janvier 2015 peuvent les utiliser dans le cadre du CPF. Ces heures peuvent ainsi être mobilisées jusqu’au 1er janvier 2021, et le cas échéant complétées par les heures inscrites sur le CPF, pour suivre une action de formation.

Si leur utilisation est mentionnée dans le CPF, elles ne sont toutefois prises en compte ni pour le calcul du plafond de 150 heures, ni pour le mode de calcul des heures créditées sur le CPF.

Le compte peut être abondé en application d’un accord d’entreprise ou de groupe, un accord de branche ou un accord conclu par les organisations syndicales de salariés et d’employeurs signataires de l’accord constitutif d’un OPCA interprofessionnel.

Dès le 5 janvier 2015, les salariés pourront accéder aux informations relatives au CPF et y inscrire les heures acquises au titre du DIF (et mentionnées sur le bulletin de paie de décembre 2014) sur le site www.moncompteformation.gouv.fr.

Déplacement professionnel et temps de travail jugé par la Cour de Cassation

L’article L 3121-4 al. 1 du Code du travail prévoit que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu du travail n’est pas du temps de travail effectif. 

Cette argumentation est valable pour un salarié dont le lieu de travail est toujours fixe et peu éloigné de son domicile.

Toutefois, il existe des exceptions à cette règle.

Première exception : si le temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos ou financière (article L 3121-4 al.2).

Deuxième exception : le temps de trajet entre deux lieux de travail (exemple : entre l’entreprise et le chantier, entre deux chantiers ou deux lieux de mission) constitue du temps de travail effectif.

Tel est le cas lorsque le salarié se rend à la demande de l’employeur sur un chantier, puisqu’il se trouve alors à la disposition de l’employeur et ne peut vaquer à ses occupations personnelles (Cass. Soc., 5 novembre 2003, n°01.43.109 ; Cass. Soc., 2 juin 2004, n°02.42.613 ; Cass. Soc., 16 juin 2004 ; Cass. Soc., 10 avril 2013, n°12.12055).

Le 2 septembre 2014, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a jugé le cas d’un employeur qui avait été condamné pénalement, suite à un contrôle de l’Inspection du travail pour travail dissimulé. L’Inspection du travail reprochait à l’employeur de dissimuler les heures de trajet de ses salariés en ne les traitant pas comme du temps de travail effectif.  

L’employeur, spécialisé dans l’aide à domicile, indiquait que les salariés étaient payés à hauteur d’un euro par déplacement entre deux rendez-vous non considérés par l’employeur comme du temps de travail. Ils n’avaient, par ailleurs, aucun compte à lui rendre pendant ce temps et pouvaient vaquer à leurs occupations personnelles. Les rendez-vous étaient, selon l’employeur, parfois espacés de plusieurs heures, permettant ainsi aux salariés de rentrer chez eux. Les salariés n’avaient, en outre, aucunement l’obligation de se rendre au siège de la société avant ou après un rendez-vous.

Ainsi, pour l’employeur, le temps entre deux interventions des salariés ne devait pas être considéré comme du temps de travail. Il n’avait en conséquence pas fait apparaître sur les bulletins de salaire de ses salariés les temps de déplacements pour se rendre du domicile d’un client à un autre et ne les avait pas rémunérés pour un temps de travail effectif.

L’inspection du travail a considéré cet agissement comme constitutif de travail dissimulé.

La Cour d’appel et la Cour de Cassation sont du même avis et considèrent les temps de déplacement comme du temps de travail. Dans un arrêt du 2 septembre 2014, la Cour de Cassation a considéré que «le temps de déplacement professionnel entre le domicile d’un client et celui d’un autre client, au cours d’une même journée, constitue une temps de travail effectif et non un temps de pause, dès lors que les salariés ne sont pas soustraits, au cours de ces trajets, à l’autorité du chef d’entreprise» (Cass. Crim., 2 septembre 2014, n°13-80.665).

Le règlement intérieur peut interdire la consommation d’alcool sous conditions

Un décret n°2014-754 du 1er juillet 2014, entré en vigueur le 4 juillet, complète les dispositions de l’article R 4228-20 du Code du travail autorisant la consommation de certaines boissons alcoolisées dans l’entreprise (le vin, la bière, le cidre et le poiré).

Lorsque la consommation de boissons alcoolisées est susceptible de s’avérer dangereuse pour les salariés, l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de prévenir tout risque d’accident (article L 4121-1du Code du travail).

Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché.

Elles entrent dans le cadre de l’obligation pour les employeurs d’assurer la santé et la sécurité des salariés : cette obligation étant une obligation de résultat.

Attention, le règlement intérieur ne peut prévoir une interdiction totale et absolue de consommation d’alcool, qui ne serait pas justifiée par l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque pour le salarié ou pour des tiers (CE 12 novembre 2012 n° 349365).

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

Conditions du contrôle d’alcoolémie dans l’entreprise

La possibilité pour l’employeur de contrôler le taux d’alcoolémie d’un salarié au moyen d’un éthylotest est strictement encadrée :

  • il ne doit concerner que les salariés occupant un poste « à risques » impliquant notamment la manipulation d’une machine ou de produits dangereux ou la conduite de véhicules,
  • ce contrôle et ses modalités doivent être prévus par le règlement intérieur de l’entreprise. La Cour de cassation exige en outre qu’il y soit précisé que le salarié peut contester le résultat de ce contrôle (Cass. soc. 22 mai 2002 n° 99-45.878 ; Cass. soc. 24 février 2004 n° 01-47.000).

Un contrôle d’alcoolémie mis en œuvre dans des conditions différentes de celles prévues par ledit règlement n’est pas licite (Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°13-3.757).

Ainsi, lorsque le règlement intérieur autorise un test d’alcoolémie à l’égard des salariés occupant certains postes, dont l’état présente un danger pour eux-mêmes ou leurs collègues, seuls les salariés en état d’ébriété apparent peuvent y être soumis.

Un tel contrôle ne peut être généralisé ou intervenir dans d’autres circonstances.

Le licenciement pour faute grave fondé sur un contrôle illicite peut donc être déclaré infondé.

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

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