Délai de prescription applicable en cas d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle

La remise par l’employeur au salarié, lors de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, d’un document d’information édité par les services de l’Unédic mentionnant le délai de prescription applicable en cas d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, constitue une modalité d’information suffisante pour rendre opposable au salarié le délai de recours qui lui est ouvert pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif (Cass. soc., 11 décembre 2019, n°18-17.707).

 

Délai pour contester la procédure de licenciement préalable à l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle

Il est bien acquis que le salarié dispose de douze mois, à partir de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, pour contester la procédure de licenciement préalable à l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), la rupture de son contrat de travail ou son motif (Cass. Soc., 17 déc. 2013, n° 12-23.726 ; Soc., 17 mars 2015, n° 13-26.941).

Toutefois, ce délai restreint ne lui est opposable que s’il en a été fait mention dans la proposition de CSP (C. trav., art. L. 1233-67). Mais qu’en est-il lorsque ce délai n’est pas mentionné expressément et directement dans la proposition de CSP, mais dans un document annexe ? C’est précisément autour de cette question que s’est cristallisé le raisonnement ayant donné lieu l’arrêt du 11 décembre 2019 présentement commenté

Qu’en est-il est plus spécialement du délai de 12 mois donné au salarié qui entend contester son licenciement pour motif économique, lorsque celui-ci a signé un contrat de sécurisation professionnelle ?

Les actions contre le licenciement économique sont soumises à des règles de prescription différentes qui varient de 15 jours à 2 ans selon les cas.

Le délai de prescription est de 12 mois lorsqu’il s’agit de contester le motif économique de licenciement suite à l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle lorsque ce délai est mentionné dans la proposition de CSP.

 

Licenciement économique et Code du travail

En effet, l’article L 1233-67 du Code du travail dispose :

« L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail où son motif se prescrit par 12 mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
Ce délai n’est opposable au salarié que s’il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle. »

Rappelons ici que le contrat de sécurisation professionnelle, prévu en matière de licenciement pour motif économique, permet au salarié de bénéficier d’un panel de mesures censées favoriser un retour plus rapide à l’emploi.

Celui-ci avait adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle le 19 décembre 2011. À cette occasion, il avait signé un bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle dans lequel celui-ci reconnaissait « avoir pris connaissance des informations contenues dans le document qui m’a été remis, accepter le contrat de sécurisation professionnelle ».

Le demandeur y reconnaissait également avoir reçu le document intitulé « information pour le salarié » contenant les règles relatives au contrat de sécurisation professionnelle.

Le document « information pour le salarié » mentionnait expressément que « toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail où son motif se prescrit par 12 mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ».

Ce document suffit en soi à faire courir le délai de prescription de 12 mois pour contester le motif économique du licenciement.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail dans les Alpes-Maritimes, au sujet du CSP et du licenciement économique :

Pas de clause de non-concurrence applicable si le contrat de travail n’a pas été signé par le salarié

L’employeur ne peut pas valablement opposer au salarié les stipulations d’un contrat de travail contenant une clause de non-concurrence, que celui-ci n’a pas signé et dont il n’établit pas qu’il les aurait expressément acceptées de manière claire et non équivoque, conformément aux articles L 1221-1 du Code du travail er 1134 du Code civil (Cass. soc., 1er avril 2020, n°18-24.472).

Le fait que le salarié :

  • ait signé un avenant ultérieur au contrat initial non signé,
  • ait ensuite démissionné reconnaissant ainsi avoir travaillé pour l’employeur,
  • ait réclamé le paiement d’heures supplémentaires sur la base de temps de travail mentionné dans le contrat initial non signé,
  • ne conteste pas la perception d’indemnités compensatrices relatives à la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail initial non signé,

ne permet que d’établir l’existence d’un contrat de travail. Ils ne démontrent pas que le salarié était spécifiquement lié à l’employeur par une clause de non-concurrence, acceptée de manière claire et non équivoque.

En effet, la clause de non-concurrence implique un engagement du salarié restreignant sa liberté du travail et la libre concurrence. Il est donc nécessaire de l’apprécier strictement, dans l’intérêt des salariés et des employeurs.

Ainsi la clause de non-concurrence ne peut résulter que de l’accord des deux parties, certain et non équivoque.

Le fait d’avoir perçu la contrepartie financière de cette obligation de non-concurrence pendant plusieurs mois peut laisser penser que le salarié a donné son accord. Pour autant, ce fait ne suffit pas à démontrer l’accord clair et non équivoque du salarié dans le cas où cette clause n’a pas été signée.

Il est logique dans un tel cas que le salarié soit donc contraint de restituer les indemnités compensatrices perçues à tort.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet de la clause de non-concurrence :

Rétractation d’une rupture conventionnelle : c’est la date d’envoi qui compte

La Cour de cassation applique à l’employeur la même règle que celle retenue pour le salarié, selon laquelle la fin du délai de rétractation de 15 jours calendaires d’une rupture conventionnelle s’apprécie à la date d’envoi de la lettre et non à sa date de réception.

L’article L 1237-13 du Code du Travail précise qu’à compter de la date de signature d’une rupture conventionnelle, chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit à rétractation sous la forme d’une lettre adressée par tous moyens attestant de sa date de réception par l’autre partie.

La Cour de cassation dans une récente décision a précisé qu’une rupture conventionnelle non datée est nulle, car elle ne permet pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation qui est une garantie fondamentale dont le non-respect est de nature à compromettre l’intégrité du consentement des parties. (Cass. 27 mars 2019 n°17-23.586).

 

Les modalités de rétraction sont les mêmes pour l’employeur et le salarié

Dans un souci d’équité pour que les parties puissent bénéficier pleinement du délai de 15 jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation, la Cour de cassation a déjà jugé que la fin de ce délai s’appréciait à la date d’envoi du courrier par le salarié et non à sa date de réception par l’employeur. Elle confirme donc en toute logique que cette règle s’applique aussi lorsque c’est l’employeur qui exerce son droit à rétractation.

 

Les modalités de décompte du délai de rétractation

L’administration a précisé les modalités de décompte de ce délai, en précisant que la notion de jours calendaires implique que chaque jour de la semaine soit comptabilisé. Le délai démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au quinzième jour à 24 heures. Conformément à l’article R 1231-1 du Code du travail, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il sera prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

 

La procédure de la rupture conventionnelle

Cette procédure doit respecter différentes phases allant de l’entretien préparatoire à la rupture du contrat de travail comme suit :

  1. L’entretien et la signature : une journée suffit.
  2. Délai de rétractation : 15 jours calendaires.
  3. Homologation par l’Administration : 15 jours ouvrables.
  4. Une rupture effective le lendemain du délai d’instruction.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail dans les Alpes Maritimes, au sujet du temps de travail :

Peut-on rompre la période d’essai d’un salarié victime d’un accident du travail ?

La victime d’un accident du travail ne bénéficie pas de la protection prévue par le Code du travail si l’employeur, au moment où il lui notifie la rupture de sa période d’essai, n’est pas informé du caractère professionnel de l’accident.

Quand le salarié est victime d’un accident du travail le jour même de la notification de la rupture de son contrat de travail, la chronologie des faits est déterminante pour apprécier si l’intéressé bénéficie ou non de la protection salariale.

 

La victime d’un accident du travail est protégée contre la rupture de la période d’essai

La protection prévue par l’article L 1226-9 du Code du travail interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié suspendu en raison d’un accident du travail s’il ne justifie pas d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger.

Cette protection s’applique dès l’embauche du salarié y compris pendant la période d’essai.

Une rupture du contrat sans respect de cette protection est nulle et ouvre droit pour le salarié à réintégration ou à des dommages et intérêts d’au moins 6 mois de salaire.

 

Protégée : à compter du moment où l’employeur est informé de l’accident

La Cour d’appel de Paris a été saisi d’un litige où le salarié a été débouté de ses demandes car au moment où l’employeur a notifié à l’intéressé la rupture de son essai il n’était pas informé de l’accident. En effet, l’application de la protection prévue par le Code du travail est subordonnée à la connaissance par l’employeur du caractère professionnel de l’accident.

Ce principe a été dégagé par la Cour de cassation. Selon une jurisprudence constante, c’est au moment de la notification du licenciement que s’apprécie la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident.

En d’autres termes, la date de la notification est celle de l’envoi de la lettre de rupture et non celle de sa réception par le salarié.

La Cour d’appel de Paris a rendu une décision le 18 juin 2019 (n°17/08902), rappelant le principe selon lequel, les dispositions du Code du travail protégeant le salarié victime d’un accident du travail contre la rupture de son contrat de travail sont applicables à la rupture notifiée par l’employeur au cours de la période d’essai.

Toutefois cette protection ne s’applique que si l’employeur est informé au moment où il notifie la rupture de la suspension du contrat de travail et du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. C’est à la date de la notification que s’apprécie cette connaissance.

Dès lors qu’il est établi que l’employeur, lors de l’envoi de la lettre de rupture, n’avait pas connaissance de l’existence de l’accident du travail dont a été victime le salarié, il était en droit de lui notifier la rupture de la procédure de la période d’essai, l’intéressé ne bénéficiant pas d’une période de protection légale.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet de la période d’essai :

La rupture de la période d’essai sans respect du délai de prévenance n’est pas un licenciement

La rupture de la période d’essai dès le retour d’un long arrêt maladie n’est pas forcément abusive

Le détachement des travailleurs dans l’union européenne

On parle de « détachement » lorsqu’un salarié travaillant habituellement au sein d’un Etat membre de l’Union Européenne est détaché par son employeur pour effectuer une prestation de travail dans un autre Etat membre.

Deux situations sont donc envisageables :

  • La mise à disposition à titre principal.
    Une entreprise de travail temporaire prête des travailleurs pour exécuter une mission à l’étranger).
  • La mise à disposition à titre accessoire.
    Une entreprise réalise une prestation dans un autre Etat membre et envoie des travailleurs à l’étranger pour effectuer ladite prestation. Cette seconde situation résulte de l’article 56 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) qui pose un principe de liberté de prestation de services.

 

Les textes fondateurs du détachement sont la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE qui concerne le détachement des travailleurs réalisé dans le cadre d’une prestation de service et la directive 2018/957/UE du 28 juin2018 modifiant la directive 96/71/CE.

Ces directives ont régulièrement été transposées et les articles L1261-1 et suivants traitent du détachement des salariés étrangers sur le territoire français.

Récemment, par une ordonnance du 20 février 2019, des modifications concernant le contenu de la garantie et la durée du détachement des travailleurs ont été apportées à l’article L1262-4 du Code du travail relatif au détachement des travailleurs étrangers.

 

Principes généraux

Aux termes de l’article 3 de la directive du 16 décembre 1996, le travailleur mis a disposition bénéficie du « noyau dur » de règles impératives protectrices des travailleurs en vigueur dans l’Etat d’accueil pendant toute la durée de la mise à disposition.

Ce noyau dur concerne plusieurs matières. On trouve notamment : les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés payés, les règles relatives à la rémunération (y compris les heures supplémentaires et leur paiement), la sécurité, l’hygiène et la santé au travail, l’égalité entre les hommes et les femmes, ou encore les conditions d’hébergement des travailleurs.

Ce noyau dur ne constitue qu’un socle européen minimal de garanties. En ce sens, chaque Etat demeure libre d’accroître les garanties offertes aux salariés détachés sur leur territoire.

 

Règles applicables en France jusqu’au 30 juillet 2020

L’article L1262-4 du Code du travail prévoit que les employeurs qui détachent temporairement des salariés sur le territoire français sont soumis aux dispositions légales et conventionnelles applicables aux salariés issus de la même branche dans 10 matières, à savoir notamment : les libertés individuelles et collectives de travail, les discriminations, les salaires minimums et le paiement du salaire, etc.

 

Règles applicables en France à compter du 30 juillet 2020

Comme indiqué précédemment, l’ordonnance du 20 février 2019 est venue modifier l’article L1262-4 du Code du travail et ainsi le contenu de la garantie et la durée du détachement des travailleurs.

 

Concernant le contenu de la garantie

Le noyau dur a été modifié à deux égards :

  • la rémunération doit désormais s’entendre comme « le salaire ou traitement ordinaire de base minimum et tous les avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier »;
  • l’employeur qui détache temporairement doit également appliquer au salarié détaché les mêmes conditions de remboursement effectués au titre des frais professionnels, en matière de transport, de repas et d’hébergement.

 

Concernant la durée du détachement

Lorsque le détachement excède une période de douze mois, l’employeur qui détache des travailleurs doit désormais appliquer l’ensemble des dispositions du Code du travail. Deux périodes sont donc désormais à distinguer :

  • Du 1er au 12ème mois seules les dispositions du noyau dur s’appliquent ;
  • A compter du 13ème mois l’ensemble du Code du travail trouve à s’appliquer. On parle désormais d’un « noyau dur élargi ».

 

Lire d’autres articles au sujet du contrat de travail rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice :

Les questions à éviter lors d’un entretien d’embauche

Vous êtes dirigeant d’entreprise et vous envisager de procéder vous-même au recrutement d’un employé. Voici ci-dessous une liste de questions à éviter pour faire un bon entretien de recrutement.

Vous devez avant tout garder en tête que les informations demandées lors d’un entretien d’embauche doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles (Article L 1221-6 du Code du Travail). 

Voici une liste type des questions à éviter lors d’un entretien d’embauche : 

La situation familiale

  • Exemples : Etes-vous marié(e) ? Avez-vous des enfants ? Quel âge ont vos enfants ? Envisagez-vous d’avoir des enfants prochainement ? Votre conjoint exerce-t-il une activité ? Percevez-vous des prestations sociales ?

Il convient toutefois de noter qu’une question en lien avec la situation familiale peut comporter un lien avec la mission proposée (emploi à risque pour la santé des femmes enceintes par exemple). Cependant, l’employeur doit attendre les résultats de la visite médicale afin de savoir si le candidat est susceptible d’exercer la fonction proposée ou pas.

La santé

  • Exemples : Avez-vous des problèmes de santé ? Etes-vous atteint d’une maladie ? Etes-vous séropositif ?

Le recruteur peut exiger un certificat ou une visite médicale afin de déterminer si la personne est apte à exercer la fonction proposée. Le dossier médical ne peut cependant pas être transmis au recruteur puisque son contenu est couvert par le secret médical.

L’apparence physique

  • Exemples : Quel poids faites-vous ? Quelle est votre taille ?

L’apparence physique peut être déterminante dans certains métiers comme celui des mannequins et des hôtesses de l’air. Dans ce cas uniquement, les questions peuvent sembler pertinentes.

  La sexualité 

  • Exemples : Quelle est votre orientation sexuelle ? et questions afférentes : Etes-vous homosexuel/lesbienne/transsexuel etc. ?

Les origines

  • Exemples : D’où venez-vous ? Quelle est votre nationalité/pays d’origine ?

La religion

  • Exemples : De quelle confession êtes-vous ? Etes-vous pratiquant ? Mangez-vous de tout ? La pratique de votre religion influence-t-elle votre rythme de travail ?

Il n’est pas possible d’interdire aux candidats l’exercice d’une religion mais il possible d’intégrer le principe de neutralité au sein du règlement intérieur de l’entreprise.

Les opinions politiques

  • Exemples : Que pensez-vous du débat sur le voile ? Etes-vous d’accord avec la politique menée par le président ?

Le syndicalisme

  • Exemples : Etes-vous syndiqué ? Avez-vous un mandat d’élu ?

Le casier judiciaire

  • Exemples : Avez-vous eu des démêlés avec la justice ?

Le casier judiciaire peut être demandé lorsque la nature du poste le rend nécessaire (par exemple pour un poste de vigile).

 

Vous l’avez compris, il est préférable de laisser un professionnel se charger du recrutement ou alors de se faire conseiller en amont par un cabinet d’avocats en droit du travail.

Notre cabinet est à votre disposition à Nice pour vous assister pour toute question en droit du travail.

Voici d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet de la question de l’entretien d’embauche :

Visite médicale d’embauche : obligation de sécurité de résultat en toutes hypothèses

Augmentation du montant de la taxe due en cas d’embauche d’un travailleur étranger à compter du 1er janvier 2012

Un CV mensonger peut conduire au licenciement pour faute grave

Peut-on revenir sur sa démission ?

La démission est non équivoque dès lors que la volonté est clairement établie et que l’employeur a déjà reçu la lettre de démission.

Il est possible de se rétracter et de revenir sur sa démission seulement si :

  • l’employeur l’accepte expressément (il peut déchirer la lettre de démission) ou tacitement (il laisse le contrat de travail se poursuivre),
  • ce dernier ne l’a pas encore réceptionnée. Cela signifie qu’avant même l’arrivée de la lettre de démission au siège de la société, le salarié doit avoir informé le directeur général de ce courrier en le priant de n’en tenir aucun compte du fait qu’elle avait été rédigée dans un moment d’égarement, par exemple, à la suite de graves événements familiaux.

Si la démission intervient à bref délai et n’est pas acceptée par l’employeur, la démission reste établie.

En revanche, si elle est combinée à d’autres éléments et si elle intervient dans un délai très court, la rétractation peut être un élément d’appréciation de la volonté du salarié de mettre fin à son contrat de travail et amener le juge à requalifier la démission en démission équivoque (c’est-à-dire une prise d’acte de la rupture) ou affectée d’un vice du consentement.

Dans ce dernier cas, la difficulté pour le salarié est de rapporter la preuve que son consentement a été vicié. Il peut produire des témoignages, des messages reçus de l’employeur, des documents de l’entreprise dont il a pu avoir normalement connaissance à l’occasion de son activité, des certificats médicaux, etc.

Si le contrat de travail du salarié démissionnaire se poursuit au-delà de la durée cumulée du préavis et des congés payés, la démission devient caduque.

Il en résulte que l’employeur ne peut, sans rompre abusivement le contrat de travail, se prévaloir de cette démission donnée plusieurs mois auparavant (CA Versailles, 12 juillet 1994).

De ce fait, l’employeur ne peut accepter tacitement une démission et laisser le contrat de travail se poursuivre, pour ensuite invoquer une rupture de ce dernier par le salarié. C’est ce qui a été jugé par une Cour d’appel ayant constaté que plusieurs mois après sa démission, le salarié, avec l’assentiment de l’employeur, a continué à travailler pour le compte de la société puis s’est vu retirer tout travail, a pu en déduire que l’exécution poursuive du contrat de travail pendant plusieurs mois avait privé d’effet la démission et qu’en l’absence de lettre de licenciement, la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 28 mars 2006, 04-42.228).

Revenir sur sa démission : le cas de la période d’essai

Il faut aussi distinguer la démission donnée après la période d’essai (qui concerne les cas évoqués ci-dessus) de la démission donnée pendant la période d’essai, où les règles sont différentes.

Ainsi, le fait que le salarié ait continué à travailler durant les 3 semaines suivant la date à laquelle il a mis un terme à son contrat de travail lors de la période d’essai, ne peut cette fois-ci être interprété comme une rétractation de la démission (Cass. Soc., 24 avril 2013, n°12-13.618).

En revanche, le fait que le salarié ait continué à travailler au-delà du terme de la période d’essai, marque son accord tacite sur l’annulation de la rupture de la période d’essai qui avait été formalisé par son employeur (Cass. Soc., 5 juillet 2017, 16-15.446).

En conclusion, la rétractation d’un salarié démissionnaire, dûment acceptée par l’employeur, entraîne la reprise et la poursuite de la relation salariale à laquelle le salarié avait mis un terme.

Voici un autre article rédigé par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet de la démission :

Comment réduire son préavis lors d’une démission ?

Fiche pratique des délais de prescription en matière sociale

Passé un certain temps, il n’est plus possible de sanctionner un salarié ou de solliciter le Conseil de prud’hommes pour trancher un litige. Il s’agit du délai de prescription. Voici une fiche pratique afin de faire le point sur les différents délais de prescription en matière sociale.

 

Fiche pratique – Prescription droit du travail

1. Synthèse en matière de délais de prescription

NATURE DE L’ACTION

AVANT LE
22 SEPTEMBRE 2017
APRES LE
22 SEPTEMBRE 2017

FONDEMENT

EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

2 ANS 2 ANS L1471-1 du Code du travail

PAIEMENT DU SALAIRE

3 ANS 3 ANS

L3245-1 du Code du travail

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

2 ANS 1 AN

L1471-1 du Code du travail

REGULARITE OU VALIDITE DU LICENCIEMENT ECONOMIQUE 12 MOIS 12 MOIS

L1235-7 du Code du travail

PRONONCE D’UNE FAUTE DISCIPLINAIRE / CONTESTATION D’UNE SANCTION DISCIPLINAIRE

2 MOIS / 2 ANS 2 MOIS / 2 ANS

L1332-4 du Code du travail et L1471-1 du Code du travail

CONTESTATION RUPTURE CONVENTIONNELLE

12 MOIS 12 MOIS

L1237-14 du Code du travail

CONTESTATION DU SOLDE
DE TOUT COMPTE

6 MOIS 6 MOIS

L1234-20 du Code du travail

RECONNAISSANCE ACCIDENT DU TRAVAIL OU MALADIE PROFESSIONNELLE

2 ANS 2 ANS L 431-2 et 461-1 du Code de la Sécurité Sociale

HARCELEMENT MORAL / SEXUEL

5 ANS

5 ANS

2224 du Code Civil

DISCRIMINATION 5 ANS 5 ANS

L1234-5 du Code du travail

CONTESTATION TRANSACTION

5 ANS 5 ANS

2224 du Code Civil

CONTESTATION DE LA RUPTURE DU CONTRAT EN CAS DE SALARIE PROTEGE La décision de l’inspecteur du travail : 2 MOIS

 

Les autres éléments que la décision de l’inspecteur : délais précités.

R2422-1 du Code du travail

 

2. Synthèse en matière de point de départ des délais de prescription droit du travail

 

NATURE DE L’ACTION

POINT DE DEPART DU DELAI DE PRESCRIPTION

FONDEMENT

EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

L’action se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit L1471-1 du Code du travail

PAIEMENT DU SALAIRE

La prescription de trois ans démarre :
– à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou
ou bien le jour où celui qui exerce une action aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
La demande peut porter sur :
– sur les sommes dues au titre des trois années précédant la saisine du CPH ou la rupture du contrat de travail.
L3245-1 du Code du travail

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

L’action se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

 

PRECISION – NOTIFICATION :

« La rupture d’un contrat se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la rupture » (Cass. soc., 28 novembre 2006 n°05-42.202)

 

–  En matière de licenciement pour faute la grave ou faute lourde, la notification correspond à la date d’envoi de la lettre de licenciement ;

–  En matière de licenciement pour un autre motif, la notification correspond à la date de première présentation de la lettre de licenciement, date à laquelle commence à courir le délai de préavis.

L1471-1 du Code du travail

L1232-6 du Code du travail (notification)

REGULARITE OU VALIDITE DU LICENCIEMENT ECONOMIQUE

L’action se prescrit par douze mois à compter :
– de la dernière réunion du comité social et économique (ou comité d’entreprise),
ou, dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification (1ère présentation de la lettre de licenciement) de celui-ci.
L1235-7 du Code du travail

PRONONCE D’UNE FAUTE DISCIPLINAIRE / CONTESTATION D’UNE SANCTION DISCIPLINAIRE

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. 2 ans à compter de la notification (date d’envoi de la lettre) de la sanction (EXECUTION DU CONTRAT) L1332-4 du Code du travail et L1471-1 du Code du travail

CONTESTATION RUPTURE CONVENTIONNELLE

L’action doit être exercée avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.

 

En présence d’une homologation tacite, le délai commence à courir à l’issue du délai de 15 jours ouvrables dont dispose l’autorité administrative pour instruire la demande (à compter de la réception de la demande).

 

ATTENTION. Le salarié qui ne reçoit pas d’homologation expresse doit être vigilant car le délai court dans les mêmes conditions. Aussi, la Cour a considéré que le salarié qui avait reçu son STC, contenant le versement d’une indemnité de rupture, 1 mois et demi après l’homologation de la rupture avait bénéficié du temps nécessaire pour agir avant l’expiration du délai de prescription (Cass. soc., 6 décembre 2017, n° 16-10.220)

L1237-14 du Code du travail

CONTESTATION DU SOLDE DE TOUT COMPTE

Le reçu pour STC peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature ou, à défaut de signature, dans les trois ans de la rupture (délai applicable en matière de rappel de salaire). L1234-20 du Code du travail

RECONNAISSANCE ACCIDENT DU TRAVAIL OU MALADIE PROFESSIONNELLE

L’action en reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie peut être engagée dans le délai de deux ans qui suit

 

–        la date à laquelle la victime ou ses ayants droit ont été informés par un certificat médical (Cerfa n°11138*05 CM-PRE) du lien possible entre la maladie et l’activité professionnelle

–       soit la date de cessation du paiement des indemnités pour maladie (consolidation),

–       la date de l’inscription de la  maladie aux tableaux des maladies professionnelles.

L’action en reconnaissance du caractère professionnel d’un accident peut être engagée dans le délai de deux ans qui suit la date de l’accident.

L 431-2 et 461-1 du Code de la Sécurité Sociale

FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

 

4 points de départ :

 

Le délai de 2 ans court à partir « du jour de l’accident (1) ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière (2) ». Par plusieurs arrêts, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a également ajouté « que le délai de prescription de l’action du salarié pour faute inexcusable de l’employeur ne peut commencer à courir qu’à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie (3) »

 

Aussi, le délai peut ne commencer à courir qu’à compter de la cessation du travail en raison de la maladie constatée (4).

L 431-2 et 461-1 du Code de la Sécurité Sociale

HARCELEMENT MORAL / SEXUEL

Dans une décision du 8 février 2011 (aff. 95/09, 2ème chambre, Skareby c/Commission), le Tribunal de la Fonction Publique de l’Union Européenne a considéré qu’il convenait de retenir comme point de départ de la prescription relatif à l’action civile en matière de harcèlement moral, le dernier acte de l’auteur présumé ou le moment à partir duquel celui-ci n’était plus en mesure de renouveler ses actes à l’encontre de sa victime.

Cette position est confirmée par la Cour de cassation qui considère que : « le harcèlement moral étant un délit d’habitude, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour du dernier acte de harcèlement » (Cass. crim., 26 avril 2017, n°16-80.884).

2224 du Code Civil

DISCRIMINATION

L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. La jour de la « révélation » s’entend comme le jour où le salarié dispose d’éléments probants (Cass. Soc., 22 mars 2007, pourvoi n° 05-45.163 ; Cass. Soc., 1er avril 1997, pourvoi n° 94-43.381. L1134-5 du Code du travail

TRANSACTION

Contestation en raison du caractère dérisoire des concessions faites : à compter de la conclusion de la transaction.

 

Un vice du consentement au jour de la signature : « le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé ».

 

1144 et 1152 du Code Civil

 

Voici un autre article rédigé par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet de la prescription droit du travail :

Le délai de prescription de l’action en paiement du salaire est ramené de 5 à 3 ans

Barème Macron : vers une abrogation du plafonnement des indemnités légales de licenciement ?

Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, dite « Macron », l’article L.1235-3 du Code du travail a mis en place un barème impératif fixant le montant minimal mais surtout maximal des indemnités pouvant être octroyées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le barème Macron ne s’applique pas en cas de licenciement nul (article L.1235-3-1 du Code du travail).

Or, ce barème a été vivement critiqué puisqu’il ne permettrait pas d’assurer dans tous les cas une réparation intégrale du préjudice subi par le salarié, comme le prévoit pourtant le droit français.

Dans un premier temps, le Comité européen des droits sociaux a décidé qu’en Finlande, le plafonnement des indemnités de licenciement (24 mois maximum), n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte sociale européenne. En effet, ce dernier ne permettrait pas aux salariés d’obtenir une compensation du préjudice réellement subi. Par ailleurs, le barème Finlandais n’aurait pas un effet assez dissuasif pour l’employeur (CEDS 8 sept. 2016, n°106/2014, Finnish Society of Social Rights c. Finlande).

En France, le barème Macron prévoit une indemnité maximale de 20 mois lorsque le salarié a une ancienneté de 30 ans et plus. Il est donc raisonnablement envisageable que ce même comité, dans le cas où il serait saisi, prononce également l’inconventionnalité de l’article L.1235-3 du Code du travail français.

Il convient de préciser que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ont cependant tous deux affirmé la constitutionnalité du barème. Ils ne sont cependant pas compétents pour apprécier la conventionalité du barème Macron avec les textes européens.

Décisions des Conseils de prud’hommes sur le barème Macron

C’est dans ce contexte que plusieurs décisions récentes des Conseils de prud’hommes de TROYES (13 décembre 2018, n° 18/00418), d’AMIENS (19 décembre 2018), de LYON (21 décembre 2018), GRENOBLE (18 janvier 2019), ANGERS (22 février 2019) ont déclarés le barème dit « Macron » inconventionnel au regard de l’article 10 de la convention n°158 de l’organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne. Tous deux prévoient la nécessité d’une réparation adéquate au préjudice réellement subi en cas de perte injustifié de son emploi et, plus accessoirement, sur l’atteinte au droit au procès équitable prévu par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

D’autres Conseils de prud’hommes (PARIS) ont, à l’inverse, confirmé la conventionalité du barème.

Plus précisément, la motivation des Conseillers, relativement similaire selon les décisions, est la suivante :

  1. Tout d’abord, les Conseillers réaffirment leur compétence pour effectuer un contrôle de conventionnalité. En effet, le traité et la Charte invoqués ont régulièrement été ratifiés par la France. Ils sont donc applicables directement par les juges français, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat en la matière.
  2. L’application du barème Macron ne permet pas aux juges d’apprécier et de réparer le préjudice réellement subi par chaque salarié, notamment dans les cas où le salarié n’a qu’une faible ancienneté mais que les conséquences du licenciement injustifié sont importantes.
  3. Le barème, qui permet aux employeurs de provisionner un licenciement injustifié, n’est pas assez dissuasif pour l’employeur et sécurise davantage les fautifs que les victimes de sorte qu’il est inéquitable.

Quel avenir pour le barème Macron ?

Ainsi, ces décisions bien qu’audacieuses apparaissent motivées par des textes législatifs de l’Union Européenne signés par la France, et laisse apparaître une tendance dont on ne sait pas si elle va réellement se poursuivre. Surtout, ce sont les décisions des Cours d’appel à intervenir puis éventuellement celles de la Cour de cassation que va se jouer l’avenir de ce barème Macron.

Pour l’instant, l’abrogation semble encore loin, d’autant que la multiplication des décisions des Conseils de prud’hommes ou de la saisine d’organes internationaux, n’ont pas suffi à faire pression sur le Gouvernement.

En effet, concernant le « Contrat nouvel embauche » qui permettait à un employeur de licencier un salarié sans motif et avec une indemnité fixe dans les deux années après son embauche, le Conseil d’administration de l’organisation internationale du travail avait déclaré cette disposition contraire à la Convention OIT n°158, ce qui avait poussé le Parlement français à abroger cette disposition, à la demande du Gouvernement.

Vous serez peut être intéressé par les articles suivants rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice :

Le licenciement pour restructuration

Une transaction n’est valable qu’après la notification de licenciement au salarié

Licenciement pour faute lourde : fin de la perte des congés payés

Plus d’article sur le thème du licenciement

Un chauffeur UBER dispose d’un statut de salarié

Après l’URSSAF, qui a reconnu le statut de salarié aux chauffeurs UBER (voir notre article du 18 mai 2016 « les chauffeurs d’UBER sont des salariés pour l’URSSAF »), la Cour d’appel de Paris a reconnu, elle aussi, ce statut (CA PARIS, Pôle 6, Chambre 2, 10 janvier 2019, n°18-08357).

Cette décision est intervenue à la suite d’un arrêt « Take Eat Easy » rendu le 28 novembre 2018 par la Cour de Cassation. Cette dernière a requalifié à cette occasion, le contrat de prestation de services d’un livreur à vélo d’une plateforme numérique en contrat de travail.

Pour les juges d’appel, le lien de subordination caractérisant l’existence d’un contrat de travail résulte d’un faisceau d’indices, ayant permis de renverser la présomption de non salariat posée par l’article L 8221-6 du Code du travail.

Les éléments justifiant cette décision

Les juges d’appel ont constaté que le chauffeur ne bénéficiait pas des conditions de travail d’un indépendant. En effet, il n’avait pas la possibilité de :

  • constituer sa propre clientèle, interdite par la « Charte de la Communauté d’UBER » ;
  • fixer ses tarifs, lesquels étaient contractuellement établis par des algorithmes de la plateforme ;
  • déterminer les conditions d’exercice de sa prestation de transport, qui étaient centralisées par UBER.

Bien plus, le chauffeur :

  • devait suivre les instructions du GPS de l’application ;
  • était contrôlé par un système de géolocalisation. Ce dernier concerne l’acceptation des courses et génère des messages de relances. Il peut même conduire à la désactivation du compte par UBER en cas de non-réponse dans un délai donné ;
  • était soumis à un pouvoir de sanction. En effet, les chauffeurs peuvent subir « une perte définitive d’accès à l’application Uber » en cas de taux d’annulation trop élevé ou de signalements émanant des utilisateurs. « Peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission », dans ce dernier cas.

La Cour d’appel a considéré, sur la base de ce faisceau d’indices, l’existence d’un lien de subordination et ainsi d’un contrat de travail. Elle a renvoyé l’affaire devant le Conseil de prud’hommes. Ce dernier fixera les conséquences de la rupture du contrat de travail.

UBER a annoncé son intention de se pourvoir en Cassation.

Un jugement inattendu

La solution adoptée, si elle peut apparaître classique, revêt en même temps un caractère inattendu. En effet, la plateforme n’a pas l’obligation de fournir du travail au salarié. Ce critère est pourtant essentiel dans la définition du contrat de travail.

En motivant sa décision sur le pouvoir de sanction de la plateforme à l’égard des chauffeurs, la Cour de cassation semble fermer la définition du contrat de travail. On peut se demander si cela n’est pas un appel au législateur.

La Loi AVENIR

Cette décision est aussi de nature à remettre en cause les dispositions de la Loi AVENIR.

En effet, la Loi AVENIR n°2018-771 du 5 septembre 2018 est intervenue en la matière et considère que, dès lors qu’une charte est rédigée, le lien de subordination est censé être exclu entre les chauffeurs et les plateformes.

Par application de ces dispositions légales, les plateformes ont été amenées à rédiger une charte (le projet de loi mobilité reprend ces dispositions). Cette charte contient des règles de recours, des conditions d’exercice des travailleurs, la liberté pour les travailleurs d’avoir recours à la plateforme, le respect de temps de pause, des modalités de prix décents pour le service rendu, etc.

Il s’agit d’une faculté pour les plateformes de rédiger une telle charte, qui doit ensuite être annexée au contrat commercial ou aux conditions générales de vente unissant le chauffeur à la plateforme. Dans le cadre de la loi AVENIR, si la charte est rédigée et que ses mentions sont conformes, il en résulte une présomption de non salariat.

Le recours à la rédaction d’une charte peut ainsi permettre de sécuriser la relation entre les chauffeurs et les plateformes. Toutefois, elle ne saurait exclure une éventuelle requalification de la relation commerciale en contrat de travail, au regard de l’appréciation souveraine des juges du fond, qui peuvent s’en affranchir.

 

Autres articles sur la même thématique : 

Les chauffeurs d’UBER sont des salariés pour l’URSSAF

La qualité de salariés reconnue à des livreurs à vélo de plateformes numériques

Go to Top