La clause de non concurrence ne peut pas viser le monde entier

Une clause de non-concurrence qui porte sur le monde entier n’est en réalité pas délimitée dans l’espace et n’est donc pas valable. C’est ce qu’a jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 avril 2021 (Cass. Soc. 8 avril 2021, n°19-22097).

 

Qu’est ce qu’une clause de non-concurrence ?

Une clause de non-concurrence est une clause qui, par principe, figure dans le contrat de travail du salarié. Elle entre en application à la fin de son contrat de travail. Par cette clause de non-concurrence, l’employeur va pouvoir interdire au salarié d’exercer certaines activités professionnelles qui seraient susceptibles de nuire à l’entreprise qu’il quitte.

Quelles sont les conditions de validité d’une clause de non-concurrence ?

La clause de non-concurrence repose sur 4 conditions cumulatives de validité posées par la jurisprudence (Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 99-43334 ; Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45135 ; Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45387 ; Cass. soc., 18 sept. 2002, n° 00-42904). Si une seule de ces conditions n’est pas respectée par la clause, elle est nulle et ne pourra pas être appliquée. Le salarié en sera donc libéré.

La clause de non-concurrence doit :

  1. Être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
    L’embauche du salarié dans une entreprise concurrente représenterait un risque réel pour l’entreprise.
  2. Être limitée à la fois dans le temps et dans l’espace
  3. Tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié.
    La clause ne doit pas empêcher le salarié d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et son expérience professionnelle.
  4. Prévoir une contrepartie financière. Il s’agit de l’indemnité de non-concurrence

Qu’est ce que la limitation géographique de la clause de non-concurrence ?

Le secteur géographique où s’applique l’interdiction de concurrence doit être, en principe, clairement et précisément défini. A défaut, la clause de non-concurrence peut être déclarée nulle (Cass. soc., 13 mars 2019, n° 17-11197 ; Cass. soc., 13 mars 2019, n° 17-11197 ; Cass. soc., 8 janvier 2020, n°18-16667).

La clause doit être limitée aux secteurs géographiques dans lesquels le salarié, du fait de son activité nouvelle, est susceptible de concurrencer son employeur.

Elle ne doit pas avoir pour effet d’empêcher le salarié d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle.

Le secteur où s’applique la clause de non-concurrence peut être de dimensions très variables

La condition est que le salarié puisse continuer à exercer une activité professionnelle, et que le secteur géographique soit bien spécifié, même s’il est très étendu.

La limitation géographique de la clause de non-concurrence au monde entier est-elle valable ?

La réponse est non. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2021 (Cass. Soc., 8 avril 2021, n°19-22097).Dans cette affaire, une salariée avait démissionné de son poste de généticienne. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence, qui contenait pour limitation géographique, le monde entier.

Suite à son embauche dans une entreprise concurrente, son ancien employeur l’a mise en demeure de respecter la clause de non-concurrence. Il a par la suite saisi la juridiction prud’homale en référé.

Les juges avaient ordonné à la salariée de cesser toute activité de concurrence professionnelle. Selon eux, la clause de non-concurrence devait s’appliquer. La salariée avait alors saisi la Cour de cassation parce qu’elle estimait illicite la clause de non-concurrence. En effet, pour délimiter son périmètre géographique, cette clause se réfèrait  »au niveau mondial ». Elle faisait valoir que la clause de non-concurrence, avec une délimitation géographique portant sur le monde entier, rendait impossible l’exercice d’une activité conforme à sa formation et son expérience.

La Haute Juridiction répond par l’affirmative. Elle rappelle que :

D’une part une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace. Elle doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière. Tous ces conditions sont cumulatives.

D’autre part, la clause de non-concurrence se référant au monde entier, n’est pas délimitée dans l’espace. La clause est donc nulle et ne peut s’appliquer. Le « monde entier » n’est donc pas une limite géographique acceptable, ce qui se conçoit aisément.

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Quel est le délai idéal entre la mise à pied conservatoire et la procédure de licenciement ?

Selon un arrêt récent de la chambre sociale du 14 avril 2021, un délai de 7 jours entre la mise à pied conservatoire et la procédure de licenciement (sans motif) est jugé trop long (Cass. Soc. 14 avril 2021 n°20-12.920).

Selon l’article L1332-3 du Code du travail, la mise à pied conservatoire est la suspension temporaire du contrat de travail d’un salarié lorsque les faits qui lui sont reprochés sont d’une certaine gravité. En d’autres termes, la mise à pied conservatoire permet à l’employeur d’écarter le salarié de son poste et de l’entreprise. La suspension est effective pendant la durée de la procédure disciplinaire, depuis la convocation à un entretien préalable, et ce, jusqu’à la notification de la décision prise.

Ce délai accordé permet à l’employeur de choisir la sanction qu’il juge la plus appropriée et, si besoin, pour mener son enquête. Ainsi, il dispose du temps nécessaire pour vérifier l’existence ou la gravité des faits fautifs car seule une faute grave ou lourde peut justifier une mise à pied conservatoire (Cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43.867). En principe, aucune disposition légale ne fixe la durée de la mise à pied à titre conservatoire. Ainsi, la mise à pied à titre conservatoire prend fin avec le prononcé de la sanction définitive (Cass. soc. 27 novembre 2007, n°06-42.789).

Toutefois, il est admis qu’une mise à pied à titre conservatoire soit prononcée pour un nombre déterminé de jours. Cette sanction doit alors correspondre au délai séparant la convocation à l’entretien préalable de la date même de cet entretien (Cass. Soc., 18 mars 2009, n°07-44.185).

Une mise à pied conservatoire qui n’est pas suivie immédiatement de l’engagement de la procédure de licenciement, sans nécessité et sans que l’employeur puisse s’en expliquer, est requalifiée par les juges en une mise à pied disciplinaire. L’employeur ne peut pas ensuite sanctionner une nouvelle fois le salarié en prononçant son licenciement (Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-22.962).

Les délais suivants, sans justification, ont été jugés excessifs :

  • 4 jours : Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-22.962 ;
  • 6 jours : Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-15.303 ;
  • 13 jours : Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 18-25.565 ;

C’est ce que confirme l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 avril 2021 (Cass. Soc., 14 avril 2021, n°20-12920). En l’espèce, un salarié s’était vu notifier verbalement une mise à pied conservatoire. Seulement 7 jours après, l’employeur avait engagé une procédure de licenciement. Au terme de cette procédure, le salarié avait été licencié pour faute grave. Il a alors saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester le délai de mise en œuvre de la procédure de licenciement. Le salarié estimait que la mise à pied notifiée en amont était une mise à pied disciplinaire.

L’employeur n’avait alors pas le droit de faire suivre cette sanction d’un licenciement pour faute grave, dans la mesure où il est interdit de sanctionner deux fois un salarié pour les mêmes faits. La Cour de cassation a confirmé que la procédure de licenciement avait été engagée 7 jours après la notification de la mise à pied, sans aucun motif de nature à justifier ce délai. Selon elle, la mise à pied devait être requalifiée en une sanction disciplinaire. L’employeur ne pouvait donc pas prononcer le licenciement pour faute grave : ce dernier a donc été invalidé.

La plus grande prudence s’impose donc en la matière et il est préférable de faire figurer la mise à pied conservatoire dans la même lettre que celle qui convoque le salarié à l’entretien préalable au licenciement pour éviter toute difficulté.

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Quelles sont les conditions pour rompre une période d’essai

Selon l’article L. 1221-20 du Code du travail, « la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ». Pour être en mesure de rompre une période d’essai, cette dernière doit être expressément mentionnée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail, et acceptée par le salarié (Article L. 1221-23 du Code du travail).

La période d’essai permet donc à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié.

Pendant la période d’essai, l’employeur ou le salarié peut mettre fin à celle-ci à tout moment sans motiver sa décision et sans respecter de procédure particulière.

Même si la loi ne demande pas de procédure pour rompre une période d’essai, le juge exige que la rupture par l’employeur soit claire et explicite. Ce que rappelle la Cour de cassation dans une récente décision :  « L’employeur qui souhaite rompre la période d’essai d’un salarié doit l’en informer directement oralement ou par écrit ». (Cass. Soc., 04 juin 2020, n° 17-28067).

Pour démontrer la volonté de rompre une période d’essai, il est conseillé de notifier la rupture en envoyant une lettre recommandée avec accusé de réception ou en la remettant en main propre contre récépissé, avec la date de remise ou d’envoi.

Lors de la rupture de la période d’essai, l’employeur n’a pas à donner d’indemnité, hormis si la rupture est abusive ou nulle, auquel cas il peut alors être condamné par le Conseil de prud’hommes à réparer le préjudice subi par le salarié.

La Cour de cassation a en effet rappelé que « si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l’expiration de la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus » (Cass. soc., 6 décembre 1995, n°4872).

En ce sens, la Cour de cassation a pu affirmer que : « Une rupture motivée par un motif étranger à la personne du salarié est abusive et lui ouvre droit à des dommages et intérêts en réparation de son préjudice » (Cass. soc., 7 février 2012, n°10-27.525).

Ainsi, ont été jugées abusives les ruptures de période d’essai intervenues dans les conditions suivantes :

  • Rupture pour des motifs économiques et non pas comme le prétendait l’employeur a posteriori pour des motifs d’incompétence professionnelle (CA Nîmes, 14 mars 1997, n°94-6776) ;
  • Rupture motivée par une cause économique alors qu’au moment de l’engagement la conjoncture était très déprimée et que, l’embauche ayant eu lieu un peu plus de deux mois avant l’éviction, il est peu vraisemblable que la dégradation du secteur d’activité en l’espace de deux mois ait été telle que l’emploi, qui paraissait prometteur, soit devenu impossible à maintenir après un si bref délai (CA Paris, 5 mars 1996, n°95-31117) ;
  • Rupture liée à la réorganisation de la division à laquelle était rattaché le salarié (CA Paris 28 juin 2012, n°10/08870).

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 5 avril 2019, a condamné l’employeur à verser à sa salariée des dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai et a retenu pour apprécier le préjudice subi le préjudice moral et financier découlant de cette rupture abusive (CA Aix-en-Provence, 5 avril 2019, n°16/02744). 

Pour rompre une période d’essai l’employeur doit respecter un délai de prévenance dépendant du temps de travail du salarié :

  • 24 heures jusqu’à 7 jours de présence
  • 48 heures entre 8 jours et un mois de présence
  • 2 semaines après 1 mois de présence
  • 1 mois après 3 mois de présence

Si le salarié exprime à l’oral sa volonté de rompre la période d’essai, il est recommandé d’exiger qu’il la confirme par écrit. Il doit lui aussi respecter un délai de prévenance, qui est de 24h pour une présence inférieure à 8 jours et 48h au-delà.

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Validité du recours au contrat de travail à durée déterminée : précision du motif tenant à la qualification du salarié remplacé

Il résulte de la combinaison des articles L. 1242-12 et L. 1245-1 du code du travail, qu’est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui :

  • ne comporte pas la définition précise de son motif,
  • et que cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu’il s’agit de l’un des cas visés au 1° de l’article L. 1242-2 du code du travail.

Par un arrêt rendu le 20 janvier 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle les conditions de validité du contrat de travail à durée déterminée. Son recours suppose la définition précise du motif. En cas de remplacement, cela induit de mentionner dans le contrat le nom et la qualification du salarié remplacé. Cette mention doit être suffisamment précise pour connaître le poste concret de la personne remplacée (Soc., 20 janvier 2021, n° 19-21.535).

Doit être approuvée une cour d’appel, qui après avoir retenu que la catégorie « personnel navigant commercial » comportait plusieurs qualifications telles qu’hôtesse et steward, chef de cabine, chef de cabine principal dont les fonctions et rémunérations étaient différentes et qui, après avoir retenu que les contrats à durée déterminée de remplacement ne comportaient que la mention de la catégorie de « personnel navigant commercial », a décidé à bon droit que la seule mention de la catégorie de « personnel navigant commercial » dont relevait le salarié remplacé ne permettait pas au salarié engagé de connaître la qualification du salarié remplacé en sorte que les conditions de validité du contrat de travail à durée déterminée conclus pour ce motif n’étaient pas remplies.

La chambre sociale affirme ainsi, comme elle l’avait déjà fait dans un précédent arrêt (Soc., 7 mars 2018, n° 16-18.914), que la notion de « personnel navigant commercial » est insuffisante à caractériser une qualification professionnelle précise. Cette catégorie générique comporte plusieurs qualifications telles qu’hôtesse et steward, chef de cabine, chef de cabine principal dont les fonctions et rémunérations sont différentes, même si ces intitulés ne constituent pas des catégories au titre de la convention collective.

Toutefois, elle a déjà validé, dans d’autres secteurs, les mentions génériques du contrat de travail, dès lors que celles-ci permettaient de renvoyer à des catégories professionnelles précisément définies par la convention collective. Il en a été décidé ainsi pour la qualification de « pharmacien » (Soc, 13 mars 2013, n°12-10.096) ou encore de celle de « technicien supérieur de laboratoire » (Soc., 3 mai 2018, n° 16-20.636).

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Nullité du licenciement : une demande de réintégration tardive peut être abusive

Dans un arrêt rendu le 13 janvier 2021, la Cour de Cassation a jugé qu’en cas de licenciement nul, le salarié qui sollicite sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration.

Toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective (Cass. Soc., 1 janvier 2021, n°19-14.050)

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation généralise pour l’ensemble des licenciements nuls une solution énoncée en 2013 pour les salariés dont le licenciement est nul pour violation du statut protecteur (Soc., 26 mars 2013, n° 11-27.996, 11-27.964 ; Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.716) et admise pour un salarié dont la mise à la retraite d’office est nulle en raison d’une discrimination fondée sur l’âge (Soc., 22 janvier 2020, n° 17-31.158).

Si le salarié dont le licenciement est nul peut demander sa réintégration sans condition de délai, en revanche lorsque cette demande est formulée de manière abusivement tardive, le montant de l’indemnité due à ce titre, en principe égal au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, peut être réduit.

L’indemnité n’est plus alors forfaitaire, mais fixée par le juge en fonction des circonstances de la cause et du préjudice réellement subi par le salarié.

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L’absence pour maladie n’est en principe pas prise en compte pour calculer l’ancienneté

Le Code du travail ne donne pas de définition de l’ancienneté professionnelle. En pratique, elle est considérée comme la période d’emploi d’un salarié commençant à son entrée en fonction dans l’entreprise et se terminant à la fin de son contrat de travail.

Lors du calcul de l’ancienneté du salarié, certaines périodes de suspension du contrat de travail pourront réduire l’ancienneté. D’autres n’auront pas d’incidence sur son calcul. L’ancienneté est à différencier du travail effectif qui est utilisé pour calculer le temps de travail du salarié.

Dans le calcul de l’ancienneté du salarié, certaines périodes de suspension du contrat de travail auront des influences sur sa durée. Certaines absences ne seront pas prises en compte dans son calcul comme les absences pour maladie. En effet, ces dernières ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’ancienneté pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement, sauf lorsque la convention collective le prévoit expressément (Cass. Soc, 5 octobre 2020 n°18-18265).
Ainsi, lorsqu’une convention collective prévoit, dans ses dispositions concernant la notion d’ancienneté, que les absences pour cause de maladie sont considérées comme temps de présence et comptent dans la durée des services continus, il convient de prendre en compte ces absences pour maladie dans l’ancienneté à retenir pour le calcul de l’indemnité de licenciement et ce, même si les dispositions de la convention collective relatives à l’indemnité de licenciement ne contiennent pas de précisions sur ce point.

Ancienneté et arrêt maladie – quelques exemples :

  • Alexandre a travaillé pendant 2 ans au sein d’une entreprise. Durant cette période, ce dernier a été absent pour maladie non professionnelle pendant 2 mois ; selon l’article L1234-8 du Code du travail. La période d’absence de 2 mois d’Alexandre pour maladie n’entre pas en compte pour calculer la durée de son ancienneté servant à déterminer l’indemnité de licenciement de ce dernier.

Cela étant, seules les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle sont exclues par la loi du calcul de l’ancienneté. Les périodes de suspension du contrat en raison d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle sont, quant à elles, bien prises en compte dans la durée de l’ancienneté dont le salarié peut se prévaloir au soutien de ses demandes d’indemnité de préavis ou de licenciement (article L.1226-7 du Code du travail).

  • Elisa a été embauchée le 1er avril 2010. Elle a subi un accident de travail en 2014, qui l’a empêchée de travailler durant une période d’un an. Le 1er avril 2016, elle est licenciée.

S’agissant d’un arrêt pour accident du travail ayant une origine professionnelle, sa période d’un an d’absence devra être prise en compte dans le calcul de son ancienneté. Son indemnité de licenciement devra être calculée sur l’ensemble de sa période d’emploi, y compris celle de suspension d’un an. Elle bénéficie donc d’une ancienneté de 6 ans au sein de l’entreprise.

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Le télétravail et le coronavirus, un mode de travail à privilégier

10 millions de français se sont retrouvés du jour au lendemain en télétravail à la suite de l’annonce du confinement lié à la crise sanitaire. Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication (article L.1222-9 du Code du Travail).
Ce mode de travail pose de nombreuses questions : comment le mettre en place ? Quelles sont les compensations ? Quelles sont les conditions à sa mise en œuvre ? Quelles sont les assurances nécessaires en télétravail ? Les télétravailleurs ont-ils le droit aux titres-restaurant comme les autres salariés ?

Plusieurs critères doivent donc être réunis pour caractériser le télétravail :

  • Le télétravail doit utiliser les technologies de l’information et de la communication. Ce critère exclut les travailleurs à domicile (tâches manuelles effectuées à domicile) ;
  • Le télétravail s’effectue en dehors des locaux de l’entreprise. Cela implique un travail effectué au domicile du salarié (domicile principal et/ou résidence secondaire) ou dans des espaces collectifs situés en dehors de l’entreprise et mis à disposition (les télécentres).

A la suite du passage au stade 3 de la pandémie du coronavirus, le télétravail est alors devenu impératif pour tous les postes qui le permettent. Chacun, employeur comme salarié, peut contribuer à lutter contre la diffusion du virus en ayant recours chaque fois qu’il est possible au télétravail. Un salarié peut donc demander à son employeur à bénéficier du télétravail jusqu’à nouvel ordre. Si son employeur lui donne son accord, cela peut se faire par tout moyen. En cas de refus, ce dernier doit être motivé.

Les salariés concernés

Le Code du travail n’exclut aucun salarié du bénéfice du télétravail : le télétravail est donc en théorie ouvert à tous les salariés.

L’accord collectif ou la charte, s’ils existent, fixent en principe les critères à remplir pour être éligible au télétravail.

L’employeur, au moment de la demande du salarié de passer en télétravail, peut refuser parce que les conditions d’éligibilité prévues par l’accord ou la charte ne sont pas réunies ou pour d’autres motifs.

Les critères de sélection doivent reposer sur des éléments objectifs et être justifiés par les conditions particulières d’exercice du travail liées au télétravail :

  • Le télétravail peut être subordonné à une ancienneté minimale ;
  • Le télétravail peut être exclu pour les CDD inférieurs à une certaine durée ;
  • Le télétravail peut être réservé aux salariés à temps plein et à des salariés à temps partiel dont la durée du travail est supérieure à un certain pourcentage ;
  • La nature du travail effectué peut être source d’exclusion du télétravail ;
  • La capacité d’autonomie du salarié ;
  • La configuration de l’équipe dans laquelle travaille le salarié ;
  • Le télétravail est réservé aux salariés qui ont un logement compatible.

Comment le mettre en place ?

Pour la mise en place du télétravail, il existe plusieurs possibilités. Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif (branche, entreprise, établissement, groupe) ou à défaut d’une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE.

Cet accord ou charte prévoit les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail, les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail et enfin la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié.

Néanmoins, en l’absence d’accord ou de charte, l’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord pour le télétravail de façon occasionnel ou régulière. Dans ce cas précis, ils doivent formaliser cet accord par tout moyen (par exemple par le biais d’un avenant au contrat, des échanges de mails ou de courriers).

Les conditions d’exercice du télétravail

Lorsque que l’on a recours au télétravail, on doit être en mesure de réaliser les tâches qu’on effectue habituellement dans les locaux de l’entreprise. Il faut aussi savoir que l’employeur n’a pas l’obligation de prendre à sa charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail. Pour autant, les télétravailleurs pourront répercuter sur leur employeur certains frais fixes et variables liés à l’utilisation de leur domicile à des fins professionnelles.

Lorsque le salarié est en télétravail, rien ne l’oblige à travailler depuis son domicile. Le salarié est tout à fait en droit de se rendre dans des espaces de travail partagé, comme les espaces de coworking.

Assurance en télétravail, quelles sont les règles ?

Pour les biens qui nous sont confiés par l’entreprise comme un ordinateur, casque, micro, imprimante, ceux-ci sont généralement couverts par l’assurance multirisques professionnels souscrite par l’employeur. Le salarié n’a donc pas à souscrire d’assurance pour ces éléments, celle de l’entreprise couvre tous les dommages. Cependant, pour ce qui est des biens professionnels par exemple, si le salarié utilise son ordinateur personnel ou bureau, alors il doit vérifier que son assurance habitation prend en charge les dommages survenus pour ce type de biens. Si l’assurance habitation ne prend pas en charge toute dégradation des biens personnels du salarié, même s’ils sont utilisés dans le cadre du travail, les dégradations ne seront pas couvertes.

L’employeur peut faire la demande à son salarié de l’attestation d’assurance pour le télétravail.

Les télétravailleurs ont-ils le droit aux titres-restaurant comme les autres salariés ?

Un salarié en télétravail a les mêmes droits que les autres salariés exécutant leur travail dans les locaux de l’entreprise. A ce titre, les télétravailleurs ont les mêmes avantages sociaux que les autres salariés, c’est-à-dire qu’ils ont le droit aux titres-restaurant chèques vacances s’ils sont prévus par l’entreprise (article 4 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005). L’employeur ne peut pas décider de retirer du bénéfice du titres-restaurant du seul fait que le salarié soit en télétravail (article R 3262-7 du Code de travail).

La fin du télétravail

Cette période permet de vérifier si le télétravail est compatible avec l’organisation du travail et les compétences techniques du salarié et permet de revenir à l’organisation antérieure si elle s’avère plus adaptée.

Pendant cette période, chacune des parties est libre de mettre fin unilatéralement au télétravail en respectant un délai de prévenance préalablement défini. Le salarié retrouve alors un poste dans les locaux de l’entreprise correspondant à sa qualification.

Les conditions de retour à une exécution de travail sans télétravail doivent être prévues dans l’accord collectif ou la charte sur le télétravail.

L’employeur est tenu de « donner priorité au salarié pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles ». Il doit être informé par l’employeur de la disponibilité de tout poste de cette nature et bénéficie alors d’une priorité d’accès à ce poste (article 1222-10 du Code du travail).

En dehors des situations visées par la clause de réversibilité, l’employeur ne peut mettre fin au télétravail sans l’accord du salarié. Il s’agit d’une modification du contrat que le salarié peut refuser (Cass. Soc. ,12 févr. 2014, n°12-23.051).

Sources : dalloz-avocats.fr

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Peut on faire travailler ses salariés au chômage partiel ?

La transaction conclue en cours d’exécution du contrat n’éteint pas les litiges postérieurs

La renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction (Cass. soc., 16 octobre 2019, n° 18-18.287).

À la suite d’un différend portant sur sa classification indiciaire, un salarié a conclu fin 2007 avec son employeur une transaction prévoyant le versement d’un rappel de salaire et le classement du salarié à un nouveau coefficient. L’exécution du contrat de travail s’est poursuivie par la suite.
Plusieurs années après, le salarié a réclamé devant les juridictions prud’homales le paiement de diverses sommes au titre d’une discrimination salariale, notamment le paiement d’un différentiel de salaire à compter de mai 2008.

La Cour d’appel a rejeté les demandes du salarié. Pour elle, si l’objet originel du litige éteint par la transaction est distinct des demandes actuelles du salarié, la transaction a un objet plus large que les simples demandes originelles du salarié. Ce dernier a en effet renoncé aux droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail.

Les juges du fond en déduisent que les demandes de reconnaissance et d’indemnisation de la discrimination salariale, afférentes à l’exécution du contrat de travail, sont couvertes par les renonciations stipulées dans la transaction. Pour justifier cette décision, la Cour d’appel fait expressément référence à l’évolution de la doctrine de la chambre sociale de la Cour de cassation sur les effets de la transaction.

La décision des juges du fond est cassée. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction.

Cette solution est à rapprocher de celle déjà admise pour les transactions conclues en cours d’instance judiciaire. Pour la chambre sociale, si la transaction conclue en cours d’instance produit les mêmes effets qu’un jugement sur le fond pour l’application de la règle de l’unicité de l’instance, elle n’interdit toutefois pas d’engager par la suite une nouvelle procédure portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s’est révélé postérieurement à la transaction (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 10-26.857  ; Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-21.626).

La règle d’unicité de l’instance n’est plus une cause d’irrecevabilité de l’action en matière prud’homale depuis le 1er août 2016. Depuis cette date, il est possible de présenter des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant (CPC art. 70). Une demande ne répondant pas aux conditions de recevabilité peut également faire l’objet d’une autre instance, sous réserve des règles de prescription.

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Quelles sont les indemnités suite à un licenciement nul ?

Les sommes versées au salarié réintégré après un licenciement nul sont soumises à cotisations

La somme allouée au salarié réintégré après l’annulation de son licenciement, correspondant à la réparation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration et plafonnée au montant des salaires dont il a été privé, entre dans l’assiette des cotisations sociales (Cass. soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624).

Un salarié est placé en arrêt de travail, lequel est pris en charge au titre de la législation des accidents du travail. Pendant la suspension de son contrat de travail, il est licencié. Il demande et obtient devant la juridiction prud’homale la nullité de son licenciement, sa réintégration et le paiement d’indemnités.

Pendant la période de suspension du contrat de travail, l’employeur peut licencier le salarié s’il justifie d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou l’accident (C. trav. art. L 1226-9). Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle et ouvre droit à réintégration pour le salarié (C. trav. art. L 1226-13).

Le salarié prétend tout d’abord avoir droit au paiement d’une indemnité égale au montant qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans déduction des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période. Pour lui, le licenciement intervenu pendant la période de protection pour accident du travail en l’absence d’une faute grave ou d’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par la Constitution. [En savoir plus sur la protection du salarié contre le licenciement en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle]

D’après une jurisprudence constante, le salarié a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires perçus, c’est-à-dire déduction faite des revenus de remplacement et des rémunérations perçus pendant cette période (Cass. soc., 26 avril 2006, n° 04-42.681 ; Cass. soc., 14 février 2018, n° 16-22.360).

Toutefois, il peut prétendre à une réparation forfaitaire, donc sans déduction possible, en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. C’est le cas notamment du licenciement discriminatoire prononcé en raison de l’état de santé du salarié (Cass. soc., 11 juillet 2012 n° 10-15.905).

La décision de la Cour d’appel l’ayant débouté de sa demande est approuvée par la Cour de cassation. Pour les juges du fond, le licenciement n’est pas fondé sur l’état de santé mais sur la violation de la protection accordée au salarié en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, qui ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale. Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a donc droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Le salarié demande par ailleurs à son employeur la régularisation des cotisations sociales sur les sommes versées au titre de la réparation de son préjudice et la remise des bulletins de salaire correspondants.

Pour la Cour d’appel, les sommes allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires. Elles sont donc exclues de l’assiette des cotisations et l’employeur n’a pas à s’acquitter des cotisations et à délivrer les bulletins de paie.

La décision des juges du fond est cassée. Pour la Cour de cassation, la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l’occasion du travail et entre dans l’assiette des cotisations sociales.

L’indemnité pour licenciement nul versée au salarié lorsqu’il ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration est impossible, prévue à l’article L 1235-3-1 du Code du travail, est quant à elle exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). Toutefois, l’indemnité est intégralement assujettie si son montant dépasse 10 fois le Pass (CGI art. 80 duodecies et CSS art. L 242-1, II-7°).

La solution retenue ici est cohérente avec la règle posée par la loi. Cette indemnité, qui correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et la réintégration (si elle a été demandée dans le délai prescrit ou à l’expiration de ce délai dans le cas contraire), est en effet soumise à cotisations (C. trav. art. L 2422-4).

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Le salarié réintégré après un licenciement nul a acquis des droits à congés pendant son absence

La période d’éviction d’un salarié entre son licenciement jugé nul et sa réintégration peut-elle être assimilée à du temps de travail effectif permettant l’ouverture du droit aux congés payés ?

La CJUE répond par l’affirmative à cette question et remet en cause le droit français (CJUE 25 juin 2020, aff. 762/18, QH c/ Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et aff. 37/19, CV c / Iccrea Banca SPA Istituto Centrale del Credito Cooperativo).

Le juge européen assimile la période d’éviction à une période de travail effectif ouvrant droit à congés.

Transposant sa jurisprudence relative au travailleur absent pour maladie, la CJUE tranche en faveur de l’acquisition d’un droit à congés payés pendant la période d’éviction :

« L’article 7, § 1, de la directive 2003/88/CE s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l’annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n’a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n’a pas accompli un travail effectif au service de l’employeur. »

Après avoir rappelé la double finalité des congés, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches contractuelles lui incombant, d’une part, et disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part, ceci présupposant que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence. La Cour rappelle que certaines situations spécifiques permettent de déroger au principe selon lequel les droits au congé annuel doivent être déterminés en fonction des périodes de travail effectif.

Ainsi, lorsque le travailleur est incapable de remplir ses fonctions pour une cause imprévisible et indépendante de sa volonté telle que la maladie, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé (CJUE 24-1-2012, Dominguez, aff. 282/10 : RJS 4/12 n° 399).

Or, la CJUE constate que, tout comme la survenance d’une incapacité de travail pour cause de maladie, le fait qu’un travailleur soit privé de la possibilité de travailler en raison d’un licenciement jugé illégal par la suite est, en principe, imprévisible et indépendant de la volonté de ce travailleur.

Aussi, la période d’éviction doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de détermination des droits au congé annuel payé. Et s’il est à nouveau licencié, le travailleur peut prétendre à une indemnité compensatrice.

Selon la CJUE, les congés dus au titre de la période d’éviction sont reportables sans limite, sauf si le travailleur a occupé un autre emploi pendant la période d’éviction.

La CJUE admet que le droit national peut limiter le cumul des droits à un congé d’un travailleur en incapacité de travail pour maladie pendant plusieurs périodes de référence consécutives. Notamment, en instaurant, par exemple, une période de report de 15 mois à l’expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s’éteint (CJUE 29-11-2017 aff. 214/16 : RJS 3/18 n° 227). Mais s’agissant du salarié licencié illégalement, cette limitation ne se justifie pas. En effet, selon la Cour, la protection des intérêts de l’employeur ne paraît pas strictement nécessaire et l’employeur qui ne met pas un travailleur en mesure d’exercer son droit au congé annuel payé doit en assumer les conséquences.

Précision importante ajoutée par la CJUE

Lorsque le travailleur a travaillé pour un autre employeur pendant la période d’éviction, il ne peut revendiquer auprès de son premier employeur des droits à congés payés au titre de la période pendant laquelle il a occupé ce nouvel emploi. C’est en effet le nouvel employeur qui reste redevable des droits à congés correspondant à cette période d’emploi.

La solution retenue par le juge européen met à mal la jurisprudence française en la matière. Suivant la logique d’acquisition des congés payés en contrepartie de l’exécution d’un travail effectif, la Cour de cassation considère en effet, que la période d’éviction du salarié réintégré après l’annulation de son licenciement ouvre droit, non à une acquisition de jours de congés payés, mais à une indemnité d’éviction. Cette indemnité a pour objectif de réparer le préjudice subi par le salarié, en compensant la perte de ses salaires subie entre son éviction et son retour dans l’entreprise.

Mais dans la mesure où le salarié n’a pas travaillé au service de son employeur pendant la période d’éviction, aucun droit à congés payés ne peut lui être ouvert (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 15-19.731). La Cour de cassation a récemment réaffirmé que la période d’éviction ne pouvait être considérée comme constituant un temps de travail effectif (Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 16-25.672).

La jurisprudence de la Cour de cassation est manifestement contraire à la position du juge européen.

Toutefois, la Haute Juridiction française sera-t-elle tenue de faire évoluer sa jurisprudence sans attendre une modification par le législateur des dispositions de l’article L 3141-5 du Code du travail listant les périodes d’absence assimilées à du travail effectif ? La réponse à cette question est incertaine.

En effet, la directive 2003/88/CE ne permet pas, dans un litige entre des particuliers, d’écarter les effets d’une disposition nationale contraire (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285), mais, en revanche, l’article 31, § 2, de la charte des droits fondamentaux cité également par l’arrêt de 2020 a un effet direct horizontal et peut donc être invoqué dans un litige entre particuliers aux fins d’obtenir que le juge national écarte la réglementation nationale (CJUE 6-11-2018 aff. 569/16 : RJS 2/19 n° 134).

Or, les enjeux sont d’autant plus importants que le syllogisme permettant au juge européen d’assimiler le salarié illégitimement évincé au salarié malade ne s’applique pas aux conséquences pécuniaires du rétablissement du travailleur dans ses droits. Contrairement au salarié malade, le salarié évincé retrouve tous ses droits à congés sans limitation, aucune période de report ne pouvant lui être opposée.

Source : Navis social

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