En cas de faute grave de l’employeur, le salarié sous CDD n’a pas intérêt à agir en résiliation judiciaire

La Circulaire DRT 18 du 30 octobre 1990 prévoit que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée (CDD) est celle qui intervient avant le terme initialement fixé dans un contrat de date à date ou avant la fin de la période initiale ou la résiliation de l’objet d’un contrat sans terme précis. Les cas de rupture anticipée du CDD, figure d’exceptions au principe, sont strictement encadrés. Parmi ceux-ci figure la faute grave de l’employeur et la faute grave du salarié (C. Trav. Art. L.1243-2).

Se prévalant d’une telle faute grave de l’employeur, le salarié sous CDD peut être tenté de demander la résiliation judiciaire de son contrat. La jurisprudence lui a reconnu la faculté d’agir à cette fin (Cass. Soc. 14-1-2004, n°01-40.489).

Cependant, les règles encadrant le prononcé de la résiliation judicaire entrainent, dans certaines situations, des conséquences, notamment indemnitaires, qui peuvent ne pas être négligeables pour le salarié. C’est notamment ce que vient d’apprendre à ses dépens un salarié sous CDD dans l’affaire soumise à la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 22 juin 2022 (Cass. Soc. 22-6-2022, n°20-21.411).

En l’espèce, un salarié avait été embauché en CDD saisonnier de 5 mois à effet le 23 avril 2018. Le 21 mai 2018, une altercation a eu lieu entre le dirigeant de la société et ce salarié. Ce même jour, à la suite de cette altercation, le salarié s’est présenté au service des urgences, puis a été examiné par son médecin traitant et a déposé plainte pour violences auprès des services de la gendarmerie.

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 mai 2018 et n’a jamais repris l’exécution de son contrat de travail.

Le 8 juin 2018, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur et le paiement de diverses indemnités.

 

Faute grave de l’employeur : un enjeu indemnitaire

En appel, les juges du fond avaient relevé que la commission des violences caractérisait bien une faute grave de l’employeur qui justifiait le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 21 mai 2018, date des violences.

Les juges avaient alors, en application des dispositions de l’article L.1243-4 du Code du travail, condamné l’employeur au versement de dommages-intérêts.

L’article L.1243-4 du Code du travail dispose en effet que « la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.1243-8 ».

Devant la Chambre sociale de la Cour de Cassation, le pourvoi formé par l’employeur portait sur le fait d’avoir prononcé la résiliation du contrat à la date du 21 mai 2018, date des faits fautifs, et par voie de conséquence, de l’avoir condamné au versement de dommages-intérêts en application des dispositions de l’article L.1243-4 susmentionnées.

L’employeur ne constatait pas le caractère fautif de ses agissements. Cependant, il soutenait, que la rupture anticipée du CDD ne pouvait pas être prononcée à ses torts exclusifs à la date du 21 mai 2018 sans constater que le contrat avait été rompu et que le salarié n’était plus à sa disposition.

 

Une application rigoureuse de la temporalité de la procédure de résiliation en cas de faute grave de l’employeur

La Cour de Cassation va alors rappeler un principe déjà exposé dans le passé, selon lequel, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l’employeur (Cass. Soc. 11-1-2007, n°05-40.626).

La Haute juridiction en fait une application rigoureuse au contentieux d’espèce.

Celle-ci  énonce qu’ayant constaté que le salarié démontrait avoir subi une atteinte physique de la part de son employeur, confirmée par certificat médical, un compte-rendu de passage aux urgences et un arrêt de travail, tous datés du 21 mai 2018, la cour d’appel ne pouvait pas prononcer, à cette même date, la rupture anticipée du CDD aux torts exclusifs de l’employeur alors que le salarié avait saisi à une date ultérieure la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur et le paiement de diverses indemnités.

Cette décision permet alors d’illustrer clairement que les règles de temporalité qui s’imposent à cette procédure rendent, dans les faits, assez contraignant – voire nul – son bénéfice pour le salarié en CDD.

En cas de faute grave de l’employeur, celui-ci pourra avoir plutôt intérêt à prendre acte de la rupture de son contrat par l’employeur à la date des faits fautifs.

 

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CDD de remplacement et absence de mentions au contrat : où situer le point de départ de la prescription ?

Les réformes successives, impulsées par les lois du 17 juin 2008 et du 14 juin 2013 ainsi que par les ordonnances « Macron », ont semé un trouble encore palpable en matière de prescription extinctive et du CDD de remplacement.

A échéance régulière, la Haute juridiction doit lever le voile sur certaines interrogations nées d’une approche complexe et parfois discutée. Il est vrai que la grande variété de délais d’action prévus à l’article L.1471-1 du Code du travail, ne rend pas la tâche aisée : plus encore que la détermination du délai applicable selon l’objet du litige, c’est la question du point de départ de la prescription qui pose bien souvent problème. Tel était d’ailleurs le cas dans l’arrêt soumis à l’étude du 23 novembre 2022 (Soc. 23 novembre 2022, n°21-13.059).

En l’espèce, un salarié avait été recruté en CDD le 16 décembre 2013, afin d’assurer le remplacement d’un salarié en arrêt maladie. Prolongée par voie d’avenant le 14 mars 2014, le CDD de remplacement avait finalement pris fin le 22 décembre 2015 après que l’employeur eut informé l’intéressé que le salarié remplacé avait fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude.

Le 2 juin 2016, le salarié saisissait la juridiction prud’homale d’une demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que le CDD de remplacement ne faisait pas mention de l’identité et de la qualification du salarié absent.

A ce titre, l’article L.1242-12 du Code du travail, précise que le CDD doit comporter un certain nombre de mentions, à l’image du nom et de la qualification professionnelle de la personne remplacée, sous peine d’être requalifié en CDI.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence accueillait la demande du salarié : dès lors que le défaut de mention de l’identité et de la qualification du salarié absent ne permettait pas de vérifier que l’embauche en CDD du salarié avait pour unique motif le remplacement du salarié absent, les juges estimaient que l’action du salarié portait en définitive sur la validité du motif de recours et que le délai de prescription ne devait ainsi courir qu’à compter du terme du dernier contrat.

Dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Haute juridiction se détourne d’une pareille démonstration et casse l’arrêt d’appel.

Après avoir rappelé que « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit », la Chambre sociale précise que « le délai de prescription d’une action en déqualification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondé sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner la déqualification, court à compter de la conclusion de ce contrat ».

Les juges de la Cour de Cassation nous remémorent un arrêt du 3 mai 2018 et confirment ainsi une solution que l’on savait bien établie. Le doute était malgré tout permis au regard de décisions rendues a posteriori en matière de déqualification d’un CDD en CDI. La Chambre sociale avait ainsi admis que le point de départ de la prescription d’une action en déqualification fondée sur le non-respect de délai de carence entre deux contrats successifs devait courir à la date du premier jour d’exécution du second contrat.

Ainsi, en ce qui concerne l’action en requalification du CDD, la Cour de cassation fait en sorte d’ajuster le point de départ de la prescription en cernant mieux la date à laquelle le salarié a ou est réputé avoir pris connaissance du fait lui ouvrant la voie de la contestation.

A l’évidence, la Haute juridiction cherche à objectiver, sans pour autant uniformiser, le point de départ de la prescription en tirant les conclusions pratiques des circonstances ayant justifié l’action en justice.

Ainsi, le salarié est réputé avoir connaissance de l’irrégularité à la date de conclusion du contrat lorsqu’il s’agit d’un manquement aux règles formelles qui entourent la conclusion du CDD de remplacement.

Enfin, en ce qui concerne le point de départ de l’action en requalification justifiée par le non-respect des durées d’interruption entre deux contrats successifs ou par la nature permanente et durable de l’emploi occupé, il doit être différé de sorte que le salarié puisse porter un regard rétrospectif sur la violation de ses droits. En la matière, le salarié doit avoir suffisamment de recul sur la situation contractuelle pour avoir une connaissance « réelle » de l’irrégularité.

 

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Régime des astreintes et office du juge : la nécessaire prise en compte du degré de contrainte imposé au salarié

Pour définir le régime des astreintes, l’article L.3121-9 du Code du travail prévoit « qu’une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ».

Cependant, malgré les dispositions de l’article L. 3121-9 précité et avec le développement des nouvelles techniques de l’information et des communications, la frontière entre vie privée et vie professionnelle s’estompe si bien qu’il est parfois difficile de savoir si et quand le salarié se trouve sous la subordination de son employeur.

Ainsi, susceptible d’intervenir à tout moment et dans des conditions variables, le salarié reste parfois, et de façon insidieuse, à la disposition de son employeur sans que cela ne soit considéré à proprement parler comme du temps de travail effectif.

Alors où se trouve le point de bascule et quelles conséquences en tirer du point de vue du régime de l’astreinte ?Telle était la question posée à la Cour de Cassation dans l’arrêt soumis à l’étude du 26 octobre 2022 (Soc. 26 oct. 2022, n° 21-14.178).

En l’espèce, un salarié occupant les fonctions de dépanneur autoroutier était amené à effectuer à échéance régulière des astreintes ainsi que le prévoyait son contrat de travail. Celui-ci avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le salarié réclamait également le paiement de diverses sommes, au titre notamment d’un rappel d’heures supplémentaires et d’un rappel de salaire afférent au repos compensateur. Selon lui, le temps imputable au régime des astreintes constituait in fine du temps de travail effectif puisque. Au cours de ces périodes litigeuses de quinze jours consécutifs, celui-ci devait se tenir en permanence à proximité immédiate des locaux de l’entreprise afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention.

Ainsi, pour la Cour d’Appel, les périodes visées entraient dans le champ d’application de l’ancien article L.3121-5 du Code du travail et caractérisaient des astreintes plutôt que des permanences constituant un temps de travail effectif.

Le salarié débouté de ses demandes à titre d’heures supplémentaires formait un pourvoi en cassation.

La Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel dans une décision du 26 octobre 2022 en ce qu’il avait débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents. Mobilisant les articles L.3121-1 et L.3121-5 dans leur rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, la Cour reproche aux juges d’appel de n’avoir pas vérifié « si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».

Les juges de la Cour de Cassation vont alors se rallier à la proposition de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dont ils citent la jurisprudence.

Classiquement, la CJUE analyse les périodes de garde réalisées sous le régime des astreintes à la lumière des dispositions de la directive 2003/88/CE relative à l’aménagement du temps de travail. Il en découle une approche binaire opposant strictement temps de travail et temps de repos, le temps d’astreinte devant être mécaniquement rattaché à l’une ou l’autre des catégories.

Ainsi, le temps d’inaction est considéré comme du temps de repos si, et seulement si, les contraintes imposées au travailleur au cours de la période n’atteignent pas un haut degré d’intensité. Autrement dit, celui-ci doit pouvoir gérer son temps et se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures.

La chambre sociale de la Cour de cassation s’en remet alors à une analyse pragmatique et casuistique : le juge doit ainsi procéder à une analyse in concreto des situations de travail pour déterminer, le cas échéant, si la vie sociale du salarié se trouve impactée et dans quelle mesure.

Cela suppose alors d’évaluer, au cas par cas, les désagréments potentiellement liés à l’astreinte. Le juge doit donc considérer l’ensemble des éléments de fait pouvant révéler un haut degré de contrainte, caractéristique d’une situation de travail. Pour déterminer sur le régime des astreintes est applicable, le juge peut par exemple tenir compte :

  • du lieu d’exécution de l’astreinte,
  • de la fréquence moyenne des interventions que le travailleur sera amené à assurer au cours de la période de garde.

Néanmoins, l’astreinte telle qu’elle est conçue et appréhendée en droit français pourrait ne pas survivre aux assauts communautaires.

En cas de doute sur les conditions d’application du régime des astreintes au sein de votre entreprise, vous pouvez demander conseil à notre cabinet d’avocats.

 

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Requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein : point de départ et durée du délai de prescription

Les multiples délais de prescription en vigueur en droit du travail ne rendent pas la tâche facile aux professionnels du droit. Par soucis de clarté, la Cour de cassation rend régulièrement des arrêts où ces délais sont rappelés et explicités. C’est ce qu’elle a récemment fait (Cass. Soc. 9 juin 2022, n°20-16.992). En l’espèce, un salarié licencié en octobre 2015 avait demandé au Conseil des Prud’hommes la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet.

Sa demande était motivée par le fait qu’il avait eu recours de nombreuses fois à des heures complémentaires entrainant un dépassement de la durée légale du travail. Par conséquent, il souhaitait que ces heures, s’échelonnant entre novembre 2013 et décembre 2015, lui soient rémunérées sur la base d’un contrat de travail à temps plein.

La Cour d’appel de Colmar a fait droit aux demandes du salarié.

L’employeur a formé un pourvoi au motif que cette affaire constituait une fin de non-recevoir en ce que l’action en requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein était prescrite.

 

La prescription triennale de l’action en requalification d’un contrat de travail

En tenant compte de la nature de la créance invoquée (demande de rappel de salaire fondée sur ladite requalification), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que cette dernière était soumise à la prescription triennale.

Par conséquent, dès lors qu’elle produit des effets salariaux, l’action en requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein se prescrit par trois ans. En énonçant cela, la Cour de cassation ne fait qu’appliquer sa propre jurisprudence (voir en ce sens Cass. Soc. 19 décembre 2018 n°16-20.522 ou Cass. Soc. 9 septembre 2020 n°18-24.831).

 

Le point de départ du délai de prescription

Plus précisément, le point de départ de la prescription correspond à la date d’exigibilité des rappels de salaires dus en conséquence de la requalification. Il court donc à partir de la date de rupture du contrat de travail (décembre 2015 en l’espèce). Il convient de noter que le fait que le salarié ait pu faire valoir ses droits dès la production du bulletin de paye du mois de septembre 2013 n’a que peu d’importance pour la Cour.

 

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Licenciement pour maladie prolongée : droit à l’indemnité de préavis

 

Faute grave d’un salarié absent : peut-on procéder au licenciement dans un délai restreint ?

La faute grave d’un salarié absent de l’entreprise ne peut remettre en cause son licenciement, en se fondant sur le fait que son entretien préalable de licenciement a eu lieu tardivement par rapport à la découverte des faits constitutifs de cette faute.

Cette solution d’abord adoptée par la Cour d’appel de Dijon le 26 mars 2020, a été confirmée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 9 mars 2022 (pourvoi n°20-20.872).

En principe, l’engagement de la procédure de licenciement qui fait suite à la commission d’une faute grave d’un salarié absent doit être entrepris dans un délai restreint, ce qui témoigne de la gravité de la faute et par définition de l’impossibilité à maintenir le salarié dans l’entreprise (Cass. Soc. 26/02/1991 n°88-44.908). En effet, a été jugé raisonnable le délai de 8 jours séparant la faute du salarié de la convocation à l’entretien préalable de licenciement (Cass. Soc. 08/10/1992)

Par exception, en cas d’absence du salarié au sein de l’entreprise, l’intérêt à agir dans un délai restreint parait limité. Par conséquent, cela justifie que la Cour de cassation ait eu à répondre de la question suivante : un salarié absent de son entreprise peut-il contester son licenciement pour faute grave au motif que sa procédure de licenciement est tardive par rapport à la date de la découverte des faits fautifs par l’employeur ?

La Cour de cassation a répondu par la négative. Dans cette situation où le salarié fautif est absent de l’entreprise, il n’existe plus d’obligation pour l’employeur de le convoquer dans un délai restreint.

Cependant, il convient de préciser que si le délai de 4 semaines – à compter de la découverte de la faute grave par l’employeur – pour convoquer l’intéressé à un entretien préalable de licenciement a été admis (Cass. Soc. 09/03/2002 n°20-20.872), il n’en demeure pas moins un délai de prescription de 2 mois à respecter pour lancer la procédure de licenciement, qui court à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits constitutifs de la faute grave (C. trav. art. L 1332-4 ; Cass. Soc. 17/02/1993 n°88-445.539).

 

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Licenciement pour maladie prolongée : droit à l’indemnité de préavis

Lorsque l’employeur engage une procédure de licenciement pour maladie, il doit impérativement respecter le délai de préavis (art. L. 1234-7 du Code du travail) d’une durée relevant des dispositions légales ou conventionnelles. Le salarié y est tenu également.

Le préavis est un délai pendant lequel le salarié continue de travailler après s’être vu notifier son licenciement, jusqu’à la rupture de son contrat de travail. Cette obligation permet l’organisation le futur départ, notamment par la recherche d’un nouveau salarié, au besoin, et la recherche d’un nouvel emploi pour salarié.

Cependant, l’employeur peut dispenser le salarié de préavis moyennant le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis relative à la période concernée. Également, le préavis ne trouve pas à s’appliquer en cas de licenciement pour faute grave ou faute lourde, de licenciement pour inaptitude ou encore d’impossibilité d’exécution du préavis. Dans ces hypothèses, l’indemnité de préavis n’est pas due.

Or, le licenciement doit toujours être motivé. Lorsque le licenciement est prononcé pour absence prolongée due à la maladie du salarié, la preuve de la désorganisation du service doit être démontrée. En effet, la Cour de cassation, dans un arrêt récent rendu le 17 novembre 2021 (Cass. soc., 17 nov. 2021 n°20-14.848) a précisé que lorsqu’un licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et rendant nécessaire un remplacement définitif, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié qui le demande l’indemnité de préavis et les congés payés y afférents et ce, malgré son arrêt de travail pour maladie au cours de la période du préavis.

 

La désorganisation du service est un motif de licenciement pour maladie

L’employeur doit justifier plusieurs conditions pour que le service soit considéré comme désorganisé :

  • Le service doit être essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise ou l’entreprise elle-même doit être perturbée
  • le salarié y occupe un poste stratégique
  • le salarié n’a pas de remplaçant à son poste de travail ou a été remplacé par un salarié en CDI à une date proche du licenciement

En l’espèce, le salarié exerçait des fonctions commerciales et avait été licencié après une absence de près de 18 mois pour maladie.

Le licenciement était motivé par les perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise du fait de son absence prolongée, qui nécessitait son remplacement définitif.

Or, l’absence des trois conditions susmentionnées a été constatée par les juges du fond, qui ont considéré que l’entreprise n’était pas désorganisée et donc que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, raisonnement confirmé par la Cour de cassation. D’autant plus, qu’un remplaçant avait été embauché en CDD pour la durée de l’arrêt maladie.

 

L’indemnité de préavis

La Cour de cassation reconnait pour la première fois la règle selon laquelle, le salarié victime d’un licenciement abusif motivé par son absence prolongée pour maladie, peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, même s’il était dans l’incapacité de l’exécuter.

Cette règle a déjà été admise lorsque l’arrêt de travail résulte d’un harcèlement moral (Cass. Soc., 20 sept. 2006, n° 05-41.633) ou lorsqu’un employeur qui licencie son salarié pour inaptitude, ou n’a pas satisfait son obligation de reclassement (Cass. Soc., 7 déc. 2017, n°16-22.276).

Ainsi, dans ces hypothèses il n’est plus question de savoir si le salarié est apte à exécuter son préavis mais de savoir si le salarié, dans l’impossibilité d’exécuter son préavis à cause de la maladie, a été abusivement privé de son contrat de travail par la décision de son employeur.

En conséquence, le salarié répondant à ces critères peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés y afférents, alors même qu’il dispose d’un arrêt maladie pendant la période de préavis.

 

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Rupture conventionnelle : est-il possible de renoncer à la clause de non concurrence ?

Rupture conventionnelle : est-il possible de renoncer à la clause de non concurrence ?

Après rupture du contrat de travail, le salarié doit retrouver, en principe, la totale liberté d’exercer toute activité, même concurrente de celle de son ancien employeur. Le salarié reste néanmoins soumis à son obligation de loyauté prévue aux articles 1104 et 1194 du Code civil, qui se traduit par une obligation de ne pas causer de tort à son employeur, de quelle que façon que ce soit. Cependant, lorsqu’elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, l’employeur peut prévoir au contrat de travail une clause de non-concurrence qui limite la liberté du salarié d’exercer, après la rupture de son contrat, une activité concurrente salariée ou à son propre compte. Il est tout à fait possible de renoncer à la clause de non concurrence. Cas plus rare, l’obligation de non-concurrence peut résulter d’une convention collective mais le salarié doit avoir été en mesure d’en prendre connaissance lors de son embauche (Cass. soc. 08 janvier 1997 n° 93-44.009).

Cette obligation étant attentatoire aux libertés individuelles du salarié, celle-ci doit répondre à de nombreuses conditions de validité. En effet, il faut notamment que cette obligation soit limitée dans le temps, dans l’espace, à une activité spécifiquement visée et que soit prévue une contrepartie financière versée par l’employeur.

Concernant sa mise en œuvre, la clause de non-concurrence prend effet à la date effective de la fin du contrat, soit à l’issue de la période de prévis, ou lors du départ du salarié, en cas de dispense de préavis. Toutefois, l’employeur a la faculté de renoncer à cette clause de non concurrence dans le respect des conditions de forme et de délai prévues par le contrat de travail, ou à défaut, par la convention collective applicable. Mais également, la jurisprudence est source de contraintes imposées à l’employeur lorsqu’il souhaite renoncer à l’application de la clause de non concurrence. La Loi ne prévoit pas de règle relative à la renonciation en cas de rupture conventionnelle, c’est donc la jurisprudence qui est venu palier ce vide juridique.

C’est en ce sens que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu son arrêt du 26 janvier 2022 (Cass. soc., 26 janvier 2022 n°20-15.755). La Cour considère que la renonciation à la clause de non concurrence doit intervenir au plus tard à la date de rupture fixée par la convention.

 

La singularité de la rupture conventionnelle

Les clauses de non concurrence prévoient, en principe et comme dans le cas d’espèce, la possibilité pour l’employeur de renoncer à cette clause à tout moment lors du préavis et parfois durant une période à compter de la fin du préavis ou, en l’absence de préavis, de la notification du licenciement.

Elle comprend alors des situations dans lesquelles sont mises en place des licenciements ou démissions.

Or, la rupture conventionnelle est un mode autonome de rupture du contrat de travail et sa mise en œuvre ne nécessite pas l’exécution d’un préavis. Par conséquent, le temps réservé à l’employeur pour faire valoir sa volonté de renoncer à la clause est différent de celui des autres modes de rupture du contrat de travail.

 

Protéger le salarié contre l’incertitude avant de renoncer à la clause de non concurrence

La Cour de cassation exige qu’en présence d’une rupture conventionnelle, l’employeur qui souhaite renoncer à l’exécution de la clause, doit le faire au plus tard à la date de la rupture fixée par la convention, quelles que soient les stipulations ou dispositions contraires.

Cette décision s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle érigeant le principe selon lequel le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

En effet, la Cour de cassation a déjà considéré qu’en cas de dispense de préavis, la date à partir de laquelle le salarié est tenu de respecter son obligation de non concurrence et la date d’exigibilité de la contrepartie financière sont celles du départ effectif du salarié de l’entreprise, quelles que soient les stipulations contraires (Cass. soc., 21 janvier 2013 n°13-24.471).

La Cour en conclut que la renonciation à la clause de non concurrence doit se faire au plus tard à la date du départ effectif de l’entreprise du salarié.

 

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La requalification du CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat

Le Conseil de prud’hommes, saisi par le salarié, a la faculté de statuer sur la requalification du CDD en CDI si les conditions ou obligations contractuelles n’ont pas été respectées.

La requalification est une sanction judiciaire qui peut être prononcée selon diverses hypothèses. Notamment, le contrat de travail est réputé à durée indéterminée dans les cas prévus à l’article L. 1245-1 du Code du travail :

  • Si le contrat a pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale,
  • Si le contrat de travail ne correspond pas aux cas de figure des articles L. 1242-2 et L. 1242-3 du Code du travail (remplacement d’un salarié, accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, emplois saisonniers etc.)
  • Si le contrat a pour but de remplacer un salarié suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail,
  • Si le CDD est conclu pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux,
  • Si le CDD ne respecte pas les délais légaux et conventionnels (ex : l’article L. 1242-8-1) etc.

Mais quelles sont les conséquences de la requalification du contrat de travail ?

L’humoriste et imitateur Daniel Herzog a été licencié le 31 mai 2018 par la société Nulle part ailleurs production (NPA) qui produisait la célèbre émission Les Guignols. Celui-ci travaillait pour l’émission Les Guignols depuis 1988 et avait honoré, jusqu’à son licenciement, de très nombreux CDD successifs.

Dans l’arrêt du 17 novembre 2021 (Cass. Soc., 17 novembre 2021 n°20-17.526), la Cour de cassation qui a reconnu la requalification du contrat de travail, s’est posée la question de savoir sur quels éléments portent l’action en requalification. Le salarié faisait des demandes de rappel de salaire concernant les périodes comprises entre les CDD et pendant l’exécution de ses CDD.

 

Requalification du CDD en CDI : absence de modification unilatérale de l’employeur

La Cour d’appel avait reçu les demandes du salarié en rappel de salaire en retenant qu’à la suite de « la requalification, l’employeur n’était pas fondé à opposer au salarié des modifications unilatérales du contrat quant à sa durée de travail et sa rémunération » et en avait déduit que « les période au cours desquelles ces dernières ont été modifiée de manière unilatérale sans que la circonstance que cela ait pu résulter de l’agencement des CDD successifs sur cette période ne soit exonératoire de l’interdiction pour l’employeur de modifier les termes du contrat, conduisent à déclarer fondées en leur principe les demandes » du salarié.

Mais, la Cour de cassation, dans son arrêt du 17 novembre 2021, censure cette décision. Elle souhaite préciser à plusieurs reprises que la requalification du CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Ainsi, la conclusion de contrats à durée déterminée successifs à des conditions de rémunération et de temps de travail différentes ne constitue pas une modification du contrat de travail, même si ces contrats sont compris dans la période objet de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

 

La possibilité d’obtenir un rappel de salaire

En principe, le salarié ne peut obtenir des rappels de salaire au titre des périodes d’intercontrats, comme le prévoit l’arrêt d’espèce.

Néanmoins, la jurisprudence prévoit une exception. Le rappel de salaire relatif aux périodes intercontrats peut être octroyé à la condition que le salarié établit s’être tenu à la disposition de l’employeur durant lesdites périodes. Ce principe a déjà a notamment été retenu dans un arrêt du 28 septembre 2011 (Cass. Soc., 28 septembre 2011 n° 09-42.385). La charge de la preuve pèse donc sur le salarié, ce qui rend l’octroi d’un rappel de salaire à ce titre plus difficile.

Ce rappel de salaire ne peut logiquement concerner que les périodes postérieures à la requalification du CDD en CDI (Cass. Soc., 9 décembre 2020 n° 19-16.138), c’est-à-dire à la date à laquelle le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée.

De plus, il doit être calculé en fonction de « la réalité de la situation de chaque période interstitielle telle que résultant de chacun des CDD l’ayant précédée. » (Cass. Soc., 2 juin 2021 n°19-16.183).

Par ailleurs, il appartient au juge d’apprécier la valeur et la portée des modifications apportées par les l’employeur et le salarié aux dispositions relatives à la rémunération ou à la durée du travail résultant de la conclusion des contrats à durée déterminée concernés par cette requalification. Il ne peut pas y avoir, comme l’avait reconnu la Cour d’appel, de reconnaissance de principe des demandes en rappel de salaire du requérant.

 

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Nullité de la clause de loyauté : début de la prescription le jour de sa mise en œuvre

La clause de loyauté découle de l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. À ce titre, les salariés liés par un contrat de travail ne doivent pas causer de tort à leur employeur, notamment en exerçant une concurrence illicite. La clause restreint donc la liberté du salarié et la nullité de la clause de loyauté peut dans certains cas être invoquée.

Il n’est généralement pas nécessaire de la faire figurer au contrat de travail. L’obligation de loyauté s’accompagne généralement d’une obligation de fidélité, de non-concurrence ou encore de confidentialité pendant l’exécution du contrat de travail.

Seulement, pour être valable, la clause doit répondre à divers critères et notamment respecter les règles énoncées par la convention collective applicable et par la jurisprudence.

Lorsque les conditions de validité ne sont pas remplies, le salarié a la possibilité de saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de nullité de la clause de loyauté et d’une demande d’indemnisation du préjudice subi (Cass. Soc., 25 mai 2016 n° 14-20.578).

Dans l’arrêt du 2 mars 2022 (Cass. Soc., 2 mars 2022 n°20-19.832), la Cour de cassation a été saisie d’une demande de requalification de la clause de loyauté, en clause de non-concurrence illicite. Mais la problématique qui était posée à la Chambre sociale était celle de connaitre le point de départ de l’action indemnitaire du salarié fondée sur la nullité de la clause.

Le point de départ a donc une importance capitale puisqu’il permet de connaitre la date à partir de laquelle débute la possibilité pour les salariés d’agir en justice contre l’employeur, auteur d’une clause illégale et donc, en l’espèce, de déduire si le salarié avait le droit d’agir le jour de la saisine du Conseil de prud’hommes.

 

Nullité de la clause de loyauté : l’action débute à la mise en œuvre

En l’espèce, deux salariés avaient été embauchés en qualité d’ingénieur statut cadre et leur contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence moyennant une contrepartie financière et une clause de loyauté. Cependant, ils ont estimé que la clause de loyauté était en réalité une clause de non-concurrence illicite et, de ce fait, ils ont saisi le Conseil de prud’hommes le 1er février 2016 pour faire annuler cette clause.

Le moyen avancé est qu’ils considéraient que l’employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence mais que la clause de loyauté subsisterait, sans contrepartie financière alors qu’elle restreignait leur droit d’exercer une activité relevant de leurs compétences, connaissances et expériences professionnelles.

Les contrats de travail des salariés ont été rompus en cours d’instance, respectivement le 30 juillet 2017 et le 15 décembre 2017.

 

La Cour d’appel

La Cour d’appel a jugé leurs demandes irrecevables sur le fondement de l’article 2224 du Code civil se référant à la prescription en responsabilité civile. Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au bénéficiaire de ce droit.

Elle considère donc que le préjudice ne s’est manifesté que lors de la signature du contrat de travail des salariés comprenant la clause de loyauté. Ainsi, selon elle, la demande de nullité de la clause de loyauté des salariés était irrecevable car prescrite parce que la signature (date de la connaissance du préjudice) du contrat de travail est intervenue plus de 5 ans avant la saisine de la juridiction prud’homale, le 1er février 2016.

 

La Cour de cassation

La Chambre sociale de la Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel. Elle énonce les dispositions de l’article 2224 du Code civil et rappelle que la prescription d’une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

La Cour applique ce principe à l’espèce et considère que le dommage causé par les stipulations de la clause de loyauté, se révèlent au moment de la mise en œuvre de cette clause. Le point de départ du délai de prescription ne peut être celui du jour de la signature du contrat de travail.

En somme, la Cour considère l’action indemnitaire des salariés, fondée sur l’application de la clause de loyauté, recevable. Elle ne précise pas la définition du moment de la nullité de la clause de loyauté. Mais il est possible d’en déduire que cette clause est mise en œuvre tout au long de l’exécution du contrat de travail mais aussi après rupture du contrat de travail, lorsque l’ancien employeur demandera au salarié de cesser sa nouvelle activité, exercée en méconnaissance de la clause de loyauté.

 

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Contrats successifs : début de la prescription de l’action en requalification de CDD en CDI

L’action en requalification de CDD en CDI définie à l’article L. 1245-1 du Code du travail, se traduit par une demande du salarié devant le Conseil de prud’hommes, en vue de la requalification en contrat à durée indéterminé (CDI) de son ou ses contrats de travail à durée déterminée (CDD).

En effet, le Code du travail prévoit que le CDI est le contrat de travail dit « de droit commun » et que le CDD est un contrat dit « dérogatoire », qui ne peut être utilisé que s’il est envisagé dans les cas énumérés par le Code du travail.

Le CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et dans les cas prévus à l’article L. 1242-2 du Code du travail. A défaut, le salarié peut saisir le juge pour demander la requalification de son contrat en CDI.

Le salarié dispose d’un délai de prescription biennale. De ce fait, il a 2 ans pour intenter une action, sans quoi la prescription lui sera opposée et la requalification de CDD en CDI sera impossible.

Néanmoins, il n’est pas toujours évident de savoir à quelle date se situe le point de départ de cette prescription. A cet égard, une jurisprudence abondante a précisé les points de départ de la prescription selon les divers cas d’espèce et c’est dans cette lignée que s’inscrit l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 30 juin 2021 (Cass. soc., 30 juin 2021 n° 19-16.655).

En l’espèce, un salarié embauché en qualité de cariste et en tant que travailleur intérimaire, avait effectué 93 contrats de mission successifs dans une même entreprise utilisatrice, du 9 janvier 2012 au 29 juillet 2016.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 21 novembre 2016 d’une action en requalification de CDD en CDI. La question posée à la Cour était celle de savoir à quelle date se situait le point de départ du délai de prescription et, en conséquence, si l’action était prescrite. La Cour a considéré que le point de départ se situait au terme du dernier CDD effectué.

L’importance du fondement de l’action en requalification de CDD en CDI

Le point de départ de la prescription de la demande de requalification d’un CDD en CDI varie selon l’irrégularité invoquée par le salarié.

Irrégularité de forme

Lorsque l’action est fondée sur une absence de mention au contrat de travail, susceptible d’entrainer la requalification, le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat litigieux (Cass. soc., 3 mai 2018 n° 16-26.437). Il en est de même en cas d’absence de signature, d’absence d’établissement d’un écrit ou encore d’absence de précision du terme du contrat.

En effet, la Cour considère qu’en présence d’une irrégularité de forme, le salarié a connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit à la requalification du contrat le jour de la conclusion de ce contrat.

Également, dans cette logique, en cas de non-respect du délai de carence entre deux CDD, le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion du contrat conclu en violation de la règle.

 

Irrégularité sur le motif du recours au CDD

La Cour de cassation dans son arrêt du 30 juin 2021 a été saisie d’une action en requalification fondée sur l’irrégularité du motif du recours au CDD. En effet, le salarié considérait que l’entreprise utilisatrice avait eu recours à de nombreux CCD, non pas dans un but d’exécution d’une tâche précise et temporaire mais bel et bien en vue de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Dans son arrêt, la Cour a confirmé sa jurisprudence (Cass. soc., 29 janvier 2020 n°18-15.359) et a considéré que le point de départ de la prescription biennale d’une action en requalification d’un contrat de mission en CDI, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, avait pour point de départ le terme du contrat, ou en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat.

Cette décision, protectrice du droit d’agir en justice des salariés, se justifie par la difficulté de déterminer objectivement la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaitre des faits litigieux.

Les conséquences d’une requalification du CDD en CDI sont conséquentes : dans un premier temps, le salarié bénéficie d’une procédure accélérée : la procédure est directement portée devant le bureau de jugement et le Conseil de prud’hommes doit statuer dans le délai d’un mois à compter de sa saisine.

Et dans un second temps, l’employeur sera condamné au paiement minimum d’une indemnité d’un mois de salaire. Il pourra aussi être condamné à la réintégration du salarié dans l’entreprise, au paiement d’une indemnité pour procédure de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ou il pourrait encore faire l’objet d’une sanction pénale prévue aux articles L. 1248-1 à L1248-11 du code du travail.

 

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