La modulation collective du temps de travail dans l’entreprise s’impose au nouveau salarié

La modulation collective du temps de travail consistait à répartir la durée du travail sur tout ou partie de l’année, en fonction de l’activité de la société qui peut connaitre des périodes de haute ou basse activité.

La loi n°2008-789 du 20 août 2008 a abrogé le régime de la modulation pour le remplacer par le régime d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et fixée au maximum à 3 ans (article L.3221-41 du Code du travail).

Néanmoins, malgré l’abrogation de 2008, tous les accords de modulation collective du temps de travail conclus antérieurement à la loi du 20 août 2008 restent en vigueur, sans limitation de durée.

La modulation ou l’aménagement doit être prévu par convention ou accord collectif. Toutefois, l’employeur a la possibilité de prévoir un aménagement du temps de travail des salariés sans accord collectif mais le régime applicable est différent.

En cas d’accord ou de convention collective, la question essentielle est celle du consentement obligatoire ou non du salarié soumis à cette répartition des horaires.

La Cour de cassation dans un arrêt du 17 novembre 2021 (Cass. soc., 17 novembre 2021 n° 19-25.149) a dû se prononcer sur cette question concernant un contrat de travail signé en 2007, dans lequel aucune mention ne prévoyait que le salarié consentait à l’accord de modulation appliqué à l’ensemble du personnel de l’entreprise depuis le 30 mars 2001.

 

Accord non requis du salarié à partir de 2012

Le nouveau régime de l’aménagement conventionnel du temps de travail nécessite que les salariés soient informés dans un délai raisonnable de tout changement de la répartition de leur durée de travail (article L. 3221-42 du Code du travail) mais leur consentement n’est pas requis car cet aménagement ne constitue pas une modification du contrat de travail (article L. 3121-43 du Code du travail).

Quant à l’instauration des régimes d’aménagements et modulations antérieure au 22 mars 2012, la jurisprudence a considéré qu’elle constituait une modification du contrat de travail nécessitant l’accord écrit du salarié (Cass. Soc., 28 septembre 2010 n°08-43.161).

Cependant, la loi du 22 mars 2012 (loi n°2012-387, article 45) a modifié cette règle jurisprudentielle et prévoit que cette répartition des horaires de travail n’est pas une modification du contrat de travail et qu’en conséquence, l’accord express du salarié n’est pas requis.

Cette loi n’étant ni interprétative, ni rétroactive, son application n’est que postérieure à sa publication (Cass. soc., 25 septembre 2013 n°12-17.776).

Ainsi :

  • Accord ou convention collective avant 2012 : l’accord du salarié est requis,
  • Accord ou convention collective après 2012 : l’accord du salarié n’est pas requis,

A première vue, la règle semble simple mais une difficulté subsiste : qu’en est-il lorsque le salarié est embauché par une entreprise appliquant d’ores et déjà une modulation collective du temps de travail ?

 

Accord non obligatoire du salarié engagé après l’instauration de la modulation collective du temps de travail

La Cour de cassation (Cass. soc., 17 novembre 2021 n° 19-25.149) a été saisie d’un contrat de travail signé en 2007 dans une entreprise mettant en œuvre un accord collectif de modulation depuis le 30 mars 2001.

Le salarié soutenait que l’accord collectif ne lui était pas opposable puisque son contrat de travail, conclu avant la loi du 22 mars 2012, ne mentionnait pas précisément cet accord et que, de ce fait, il n’avait pas donné son consentement pourtant obligatoire. La Cour d’appel a suivi ce même raisonnement.

Or, pour la Cour de cassation, le salarié engagé postérieurement à la mise en œuvre d’un système de modulation des heures de travail, doit s’y soumettre, même si son contrat de travail ne le prévoit pas expressément.

De cette façon, la Cour fait abstraction des dates postérieures ou antérieures à la loi de 2012 lorsqu’un contrat de travail est intervenu après un accord collectif de modulation : l’accord est toujours opposable au salarié.

La Cour de cassation prévoit néanmoins une exception, le contrat de travail peut prévoir une disposition contractuelle dérogatoire, permettant au salarié de ne pas se voir imposer l’accord de modulation.

Le choix opéré par la Cour s’explique par la dimension collective de l’organisation du travail. Les règles sont collectives au sein de l’entreprise et permettent son bon fonctionnement. Le salarié doit donc automatiquement être soumis aux règles collectives, sans que son consentement soit nécessaire.

 

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Sécurisation des forfaits-jours : inopposabilité d’un avenant de révision antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Travail le 7 novembre 2019

À défaut d’avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours après le 1er avril 2016, date de l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension de l’avenant n° 22 du 16 décembre 2014 relatif aux cadres autonomes, l’employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte pour la période postérieure au 1er avril 2016. La cour d’appel en a exactement déduit que la convention de forfait en jours était nulle (Cass.Soc. 16 oct. 2019, FS-P+B+R+I, n° 18-16.539).

Susceptibles de porter atteinte au droit à la santé et au repos du salarié, les forfaits en jours font l’objet d’une réglementation stricte depuis la loi du 8 août 2016 dite « loi Travail », ayant entériné plusieurs solutions de la chambre sociale rendues en la matière depuis 2011 (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 ; Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540 ; Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033).

Entre autres obligations, l’employeur doit dorénavant s’assurer de manière régulière que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (C. trav., art. L. 3121-60 tel qu’issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016).

Pareil suivi doit être opéré selon des modalités précisées par la convention collective servant de fondement au forfait en jours (C. trav., art. L. 3121-64).

Afin de se mettre en conformité avec la loi et éviter tout nouveau contentieux, les interlocuteurs sociaux ont donc procédé à la révision de plusieurs conventions collectives, comme les y autorise d’ailleurs la loi Travail.

Soucieux néanmoins de sécuriser les conventions de forfait-jours en cours, le législateur a également prévu que l’avenant de révision puisse s’appliquer automatiquement à la convention individuelle, sans demander l’accord des salariés concernés (L. préc., art. 12-I).

 

Qu’en est-il toutefois des avenants de révision conclus avant l’entrée en vigueur de la loi Travail ? Est-il nécessaire de demander l’accord individuel du salarié ?

C’est à cette question que répond la chambre sociale dans l’arrêt du 16 octobre 2019.

En l’espèce, un cadre avait conclu en 2011 une convention de forfaits-jours avec son employeur en vertu de l’avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997. Or, il se trouve que ce même avenant avait fait l’objet d’un contrôle par la Haute juridiction ayant jugé dans un arrêt du 7 juillet 2015 que ses dispositions relatives au forfait-jours ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, de son travail, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de l’intéressé (Soc. 7 juill. 2015, nº 13-26.444).

Partant, la chambre sociale en avait conclu que les conventions individuelles signées sur cette seule base étaient nulles. Toutefois, sans attendre l’issue de ce litige, les interlocuteurs sociaux de la branche avaient conclu un avenant de révision le 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016 à la suite de son extension (Avenant nº 22 du 16 déc. 2014, étendu sous réserve par Arr. du 29 févr. 2016, JO 8 mars).

Ainsi, devant le refus du salarié de continuer de se voir appliquer la convention de forfait en jours, l’employeur en l’espèce s’était appuyé sur ce même avenant de révision conclu en 2014 aux termes duquel ses dispositions se substituent à celles sur le forfait-jours résultant de l’avenant de 2004.

L’employeur en déduisait alors la validité, depuis le 1er avril 2016, de la convention de forfait-jours prévue initialement au contrat de travail. Ce raisonnement n’a toutefois pas du tout convaincu la cour d’appel ni la Cour de cassation.

 

Prenant appui sur la loi elle-même, en l’occurrence l’article 12 de la loi Travail, les juges précisent que l’avenant de révision ne s’impose au salarié que s’il a été conclu après l’entrée en vigueur de la loi Travail.

S’il a été conclu antérieurement, il faut avoir fait signer au salarié une nouvelle convention individuelle sur le fondement des nouvelles dispositions révisées.

A défaut d’avoir accompli cette formalité, l’employeur ne saurait opposer au salarié le forfait-jours après le 1 er avril 2016.

De manière plus précise, la Cour de cassation explique la solution rendue dans la note explicative qui accompagne l’arrêt du 16 octobre 2019. Elle y indique que « si en son article 12, la loi du 8 août 2016 met, notamment, en place un mécanisme destiné à permettre la poursuite de la convention individuelle de forfait annuel en heures ou en jours, sans qu’il y ait lieu de requérir l’accord du salarié, lorsque la convention ou l’accord collectif conclu avant sa publication et autorisant la conclusion de tels forfaits sont révisés pour être mis en conformité, elle spécifie que la mise en conformité s’entend “avec l’article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi”, ce qui implique que les conventions ou accords collectifs de révision soient conclus postérieurement à celle-ci. Les dispositions légales de “sécurisation” de la convention de forfait en jours étaient ainsi inapplicables, en présence d’un avenant antérieur à leur entrée en vigueur ».

En bref, la Haute juridiction règle de manière classique un conflit de lois dans le temps, l’article 12 de la loi du 8 août 2016 ne s’appliquant pas à un avenant conclu antérieurement.

 

À ce jour toutefois, il convient d’observer que le même type de litige impliquant un salarié et un employeur du même secteur, ne saurait se reproduire puisque l’avenant de 2014 ne s’applique plus.

En effet, les partenaires sociaux l’ont annulé et remplacé par un nouvel avenant nº 22 bis en date du 7 octobre 2016 (entré en vigueur le 1er avr. 2018) pour tenir compte des réserves émises par le ministère lors de la procédure d’extension. Conclu après l’entrée en vigueur de la loi Travail, cet avenant nº 22 bis s’est logiquement appliqué aux conventions individuelles en cours sans nécessiter l’accord du salarié.

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail dans les Alpes Maritimes, au sujet des salariés en forfait-jours :

Le sort des accords collectifs en cas de transfert d’entreprise

Suite à une opération de réorganisation ou de restructuration conduisant à un changement d’activité ou d’employeur, l’application d’accords collectifs peut être « mise en cause ».

Tel est le cas notamment en cas de transfert d’entreprise puisque les conventions et accords applicables jusqu’alors dans l’entreprise d’origine voient leur application ou leur existence mises en cause.

Afin d’éviter une perte brutale des avantages pour les salariés, à défaut d’anticipation, des règles d’adaptation existent.

 

L’intérêt de l’anticipation

En pratique, les accords d’anticipation sont fréquents.

Aussi, par un arrêt du 13 octobre 2010 (n°09-13.109), la Cour de cassation s’est déclarée favorables à de tels accords en ces termes : « il n’est pas interdit d’engager des négociations rendues nécessaires par la mise en cause d’un accord collectif avant que se réalise l’évènement entraînant cette mise en cause ».

Deux types d’accord peuvent désormais être mis en place afin d’anticiper un transfert d’entreprise (loi du 8 août 2016, dite « Loi Travail », n°2016-1088) :

  • un accord de transition d’une part, conclu pour une durée maximale de trois ans et destiné à assurer la transition avec l’entreprise d’accueil, qui ne s’appliquera qu’aux seuls salariés transférés,
  • un accord de substitution d’autre part, qui aura vocation à couvrir l’ensemble des salariés impactés par le transfert.

L’entrée en vigueur de ces accords sera la date du transfert et ils permettront d’éviter les litiges relatifs aux textes conventionnels applicables.

 

La nécessaire adaptation

Pendant le délai de 15 mois, l’employeur est tenu d’engager des négociations en vue d’aboutir à un accord d’adaptation qui permettra de modifier le statut collectif de l’entreprise d’accueil afin de prendre en compte les contrats de travail des salariés transférés.

Il convient de préciser que cet accord pourra prévoir des dispositions moins favorables pour les salariés dont l’accord a été mis en cause (Cass. Soc., 3 mars 1998).

À défaut de convention ou d’accord d’adaptation ou de substitution dans le délai d’un an à compter de l’expiration du préavis de dénonciation (15 mois au total), les salariés concernés conservent désormais une rémunération dont le montant ne pourra être inférieure à celle versée lors des douze derniers mois et non plus l’ensemble des avantages individuels acquis.

Lire d’autres articles au sujet des accords collectifs rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice.

Rappels des règles relatives aux élections des représentants du personnel : initiative et délai

Initiative des élections des Représentants du personnel
C’est à l’employeur de prendre l’initiative d’organiser les élections, qu’il s’agisse de mettre en place pour la première fois les institutions lorsque les effectifs requis sont atteints, de les renouveler ou de pourvoir en cours de mandat des sièges laissés vacants au moyen d’élections partielles.
Il doit informer le personnel de l’organisation des élections et inviter les syndicats intéressés à négocier le protocole préélectoral et établir la liste de leurs candidats au premier tour.

A défaut, l’employeur risque d’être poursuivi pour délit d’entrave et peut être condamné à payer des dommages-intérêts à un syndicat et aux salariés.

L’employeur informe le personnel de l’organisation des élections par affichage d’un document précisant la date envisagée pour le premier tour, sous peine d’annulation des élections. 

L’employeur doit inviter les syndicats intéressés à négocier le protocole préélectoral et à établir les listes de leurs candidats selon deux modalités distinctes :

1°  par courrier pour les syndicats reconnus représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement, ceux ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement et ceux affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ;

2°  par affichage pour les syndicats autres que ceux cités au 1°, qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constitués depuis au moins 2 ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concerné.

En cas de renouvellement des institutions, cette invitation doit être faite un mois avant l’expiration du mandat des représentants en exercice, la méconnaissance de ce délai n’étant pas, cependant, une cause d’annulation du protocole préélectoral.

L’employeur doit respecter un délai suffisant entre l’invitation et la date de réunion prévue pour la négociation du protocole. En tout état de cause, l’invitation à négocier doit parvenir à son destinataire avant la tenue de la première réunion de négociation.

Depuis le 7 mars 2014, l’invitation des syndicats par courrier à négocier le protocole préélectoral doit leur parvenir au plus tard 15 jours avant la première réunion (C. trav. art. L 2314-3 al. 4 nouveau et L 2324-4 al. 4 nouveau).
Depuis cette même date, en cas de renouvellement de l’institution, l’invitation à négocier doit être faite au moins deux mois avant l’expiration des mandats, au lieu d’un mois précédemment (C. trav. art. L 2314-3 al. 3 modifié et L 2324-4 al. 3 modifié).
Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 art. 30, I et II.

 

 

Un délai supplémentaire est accordé aux entreprises procédant à de premières élections 

Lorsque l’organisation de l’élection des délégués du personnel est consécutive au franchissement du seuil d’effectif mentionné à l’article L 2312-2 du Code du travail (11 salariés dans l’établissement), le premier tour doit se tenir dans les 90 jours suivant le jour de l’affichage destiné à informer le personnel de l’élection, au lieu de 45 jours au plus en cas de renouvellement de l’institution.

De même, lorsque l’organisation de l’élection des représentants du personnel au comité d’entreprise est consécutive au franchissement du seuil de 50 salariés dans l’entreprise mentionné à l’article L 2322-2 du même Code, le premier tour doit se tenir dans les 90 jours suivant le jour de l’affichage, au lieu de 45 si l’élection est organisée pour renouveler l’institution.

Les articles L 2314-2 (DP) et L 2324-3 (CE) ont été complétés en ce sens par l’article 23 de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013.

Le délai de 90 jours prévu par la loi du 17 juin 2013 s’applique tant à la première mise en place d’une institution représentative du personnel qu’à une nouvelle mise en place, si cette institution a disparu suite à une baisse prolongée des effectifs de l’entreprise.

Il s’agit d’un délai maximal, l’employeur pouvant organiser les élections avant son terme.

Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice

 

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