Veille juridique

La veille juridique est une veille spécialisée dans le domaine du droit. Elle permet, en fonction de l’actualité, de faire émerger les points importants de l’évolution du droit. En effet, elle prend naturellement en compte les évolutions législatives et règlementaires mais aussi les évolutions jurisprudentielles qui interviennent en les analysant, en faisant apparaître leurs apports et leur intérêt pour le droit.

Identifier les nouveautés importantes pour le droit

La veille juridique va avoir pour mission d’identifier les nouveautés importantes pour le droit, de les traiter, pour en faire ressortir leur impact sur les normes en vigueur et de les diffuser, pour les porter à la connaissance des justiciables.

En effet, elle permet d’anticiper les changements liés à l’adoption de nouveaux textes de loi mais aussi d’anticiper éventuellement l’impact de l’application des normes européennes (directive, règlement et recommandations) et internationales, qui sont parfois invocables directement devant les juridictions nationales.

Se tenir au courant de l’évolution des normes juridiques

En somme, elle permet aux entreprises et aux salariés de se tenir au courant de l’évolution des normes juridiques afin d’identifier les bonnes sources d’informations et de savoir ce qui est permis ou non par le droit en vigueur car selon un célèbre adage : « nul n’est censé ignoré la loi ».

Vous trouverez donc ici, des veilles analysant l’actualité juridique, retraçant les nouveautés importantes sous forme d’une étude ayant pour vocation d’éclairer les justiciables.

Faits de harcèlement moral et réparation intégrale : quelques rappels sur les dommages-intérêts

L’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juin 2023 (n°21-23.438), confirme expressément que le fait de subir un harcèlement moral caractérise un préjudice distinct de celui tiré de la nullité du licenciement, et ce même lorsque la nullité de ce licenciement trouve sa cause dans le harcèlement moral subi.

La solution n’est pas nouvelle. Déjà dans un arrêt du 2 février 2017 (n° 15-26.892), la chambre sociale l’avait jugé, considérant qu’un cumul était possible entre les dommages-intérêts pour licenciement nul et préjudice moral.

Si de nombreuses cours d’appel avaient semblé se rallier à cette jurisprudence, la Cour d’appel de Basse-Terre en l’espèce n’avait pas fait application de ce principe, considérant que le requérant « est fondé à obtenir une indemnité du préjudice résultant du licenciement nul, indemnité se confondant avec celle réclamée au titre du harcèlement moral. Dès lors, le salarié ne saurait obtenir deux indemnités, l’une pour harcèlement moral, et l’autre pour licenciement nul ».

Le principe de réparation intégrale impose en effet de réparer l’ensemble des préjudices d’une victime, mais de n’indemniser rien que ces préjudices, un même préjudice ne pouvant être indemnisé qu’une seule fois et ne pouvant donner droit à une seconde réparation. En présence de deux préjudices distincts, la responsabilité civile permet le cumul d’indemnisation.

Ainsi, dans l’arrêt du 1er juin, la Cour de cassation rappelle que le préjudice tiré du harcèlement subi est bien distinct de celui tiré de la nullité du licenciement, de sorte que chacun de ces préjudices doit faire l’objet d’une réparation distincte.

Confirmant sa position précédente, elle censure donc l’arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence antérieure rendue pour l’application du principe de réparation intégrale en matière de harcèlement.

Depuis longtemps déjà, la Cour de cassation rappelle qu’« un harcèlement moral, lorsqu’il est constitué, cause nécessairement un préjudice » (Soc. 6 mai 2014, n° 12-25.253), ce indépendamment d’ailleurs du comportement de la victime (v. sur cette question, Soc. 13 juin 2019, n° 18-11.115).

Elle avait également déjà eu à statuer sur le cumul de la demande indemnitaire en raison d’un harcèlement moral avec d’autres demandes, et de l’admettre :

  • pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, jugeant que « l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral » (Soc. 19 janv. 2012, n° 10-30.483) ;
  • pour un manquement par l’employeur à son obligation de sécurité et son obligation de prévention du harcèlement (Soc. 6 juin 2012, n° 10-27.; 19 nov. 2014, n° 13-17.729) ;
  • en cas de discrimination, jugeant dans un attendu de principe que « les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques » (Soc. 3 mai 2015, n° 13-23.521) ;
  • pour « les préjudices distincts résultant de la perte de l’emploi, des agissements de harcèlement moral et des sanctions disciplinaires injustifiées » (Soc. 30 nov. 2011, n° 11-10.527).

 

Si cette jurisprudence n’exonère pas le salarié de démontrer l’existence et l’étendue de chacun des préjudices qu’il allègue, cette nouvelle décision complète les principes de la réparation du harcèlement moral ; l’appréciation du montant de l’indemnité relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond (Soc. 29 janv. 2013, nos 11-23.743 et 11-22.867 ; 29 sept. 2014, n° 12-28.679). Si vous êtes victime de harcèlement moral au travail prenez attache auprès de notre cabinet d’avocats à Grasse et dans sa région.

 

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Quand faut-il dénoncer un harcèlement moral ?

Le salarié qui souhaite dénoncer un harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu importe qu’il n’ait pas qualifié en amont les faits subis de « harcèlement moral » lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi.

 

Au sein du dispositif de lutte contre le harcèlement moral dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1152-1 s.), le Code du travail prévoit des dispositions spécifiques destinées à soutenir ceux qui témoignent ou relatent de tels faits (C. trav., art. L. 1152-2).

Le Code du travail leur assure la même protection que celle dont bénéficient les personnes ayant subi ou refusé de subir un harcèlement moral (un dispositif similaire existe pour le harcèlement sexuel et les discriminations). Il est ainsi prévu par l’article L. 1152-3 du code du travail que la rupture du contrat de travail du salarié pour avoir relaté de tels agissements est frappée de nullité.

Selon la Cour de cassation, la présence dans la lettre de licenciement d’un grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement (Soc. 10 mars 2009, n° 07-44.092).

En 2017, la Cour de cassation s’était montrée d’une sévérité toute particulière dans la mise en œuvre de cette protection. Elle exigeait en effet que, pour en bénéficier, le salarié ait lui-même expressément qualifié de « harcèlement moral » les faits qu’il a relatés (Soc. 13 sept. 2017, n° 15-23.045). Il fallait donc que dans son propos le salarié ait explicitement exprimé son intention de dénoncer un  » harcèlement moral  » afin que le dispositif s’applique, ce qu’une partie de la doctrine avait vivement critiqué.

Il faut dire que les conséquences pratiques de la solution paraissaient dures, pour un salarié déjà en difficultés à qui on venait demander de penser, par exemple dans son courrier adressé à l’employeur, de bien identifier que ce qu’il dénonçait relevait selon lui du harcèlement moral, peu important qu’à l’évidence, les faits qu’il invoquait y correspondaient. Le juge ne pouvait plus, après coup, les qualifier à sa place.

La rudesse de la Cour de cassation était aggravée par une certaine souplesse à l’égard de l’employeur, qui pouvait pour sa part alléguer devant le juge la mauvaise foi du salarié qui avait choisi de dénoncer un harcèlement moral (laquelle écarte la protection) sans en avoir fait état dans la lettre de licenciement (Soc. 16 sept. 2020, n° 18-26.696).

À l’occasion d’un arrêt rendu le 19 avril 2023 (n°21-21.053), la Cour de Cassation assouplit sa position.

La cour d’appel avait jugé nul le licenciement, retenant l’existence, dans la lettre de rupture, d’un motif tiré de la relation d’agissements de harcèlement moral par la salariée, dont la mauvaise foi n’était pas démontrée. Pourtant, ainsi que le soulignait l’employeur dans son pourvoi, la lettre de licenciement ne reprochait pas expressément d’avoir dénoncer un harcèlement moral mais l’envoi d’un courrier, par la salariée à des membres du conseil d’administration, relatant notamment le comportement du directeur en l’illustrant de plusieurs exemples ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Ainsi, non seulement l’employeur ne se référait pas à une dénonciation de faits expressément qualifiés par lui de harcèlement moral, mais la salariée n’avait pas non plus, de son côté, qualifié comme tels les faits dénoncés. C’est donc la cour d’appel qui a qualifié les faits en cause pour aboutir à l’annulation du licenciement, en opposition à la jurisprudence de 2017.

La chambre sociale réunie en formation plénière valide la décision au nom, notamment, de l’égalité des armes. Opérant un revirement de jurisprudence, elle supprime l’exigence de qualification des faits reprochés par le salarié mise en place en 2017. La Cour de cassation considère qu’« il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation ».

Si vous subissez ou êtes témoin de faits de harcèlement moral dans la région de Nice, n’hésitez pas à prendre rendez-vous auprès de notre cabinet d’avocats spécialisés en droit du travail pour être conseillé.

 

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Rétrogradation disciplinaire et absence d’acceptation claire du salarié

Une absence d’acceptation claire et non équivoque du salarié à la mesure de rétrogradation disciplinaire qui lui est proposée ouvre la possibilité pour l’employeur de prononcer une autre sanction, pouvant s’incarner dans un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 14 juin 2023, n°21-22.269).

La rétrogradation disciplinaire est une sanction importante venant toucher les éléments essentiels du contrat de travail du salarié (a minima sa qualification et sa rémunération), et nécessite l’accord préalable du salarié pour être mise en œuvre.

Si l’intéressé refuse sa rétrogradation, l’employeur peut alors prononcer une autre sanction, qui peut être un licenciement pour faute grave. Si l’intéressé accepte la mesure, la jurisprudence a su se montrer favorable au salarié en lui reconnaissant la possibilité de tout de même contester la mesure devant le juge (Soc. 14 avr. 2021, n° 19-12.180).

L’acceptation ou le refus du salarié est donc déterminant. Mais qu’en est-il lorsque le salarié ne prend pas position ou répond de façon ambiguë ? Question à laquelle l’arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2023 apporte quelques réponses.

En l’espèce, un salarié d’une société d’équipementier automobile s’est vu proposer une rétrogradation disciplinaire de son poste de directeur des opérations cadre niveau IV à celui de directeur des achats cadre niveau III. À cette « proposition », le salarié avait alors répondu par lettre en rappelant notamment que les difficultés économiques du secteur avaient amené la société à restructurer le métier qu’il chapeautait en scindant son activité en trois directions, dont une direction des achats que la société souhaitait lui confier. Il avait aussi indiqué qu’il acceptait les nouvelles fonctions « dans la mesure où (son) investissement (était) absolu » et « compte tenu de la forte pression » qui s’exerçait sur lui, mais qu’il refusait les notions et qualifications de « sanction » et de « disciplinaire » de la mesure.

L’employeur en a déduit que le salarié avait ainsi refusé sa rétrogradation et a donc prononcé une autre sanction en le licenciant pour faute.

L’intéressé avait alors saisi les juridictions prud’homales en demandant à ce que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse, car il avait selon lui accepté la modification de son contrat de travail.

Les juges du fond déboutèrent l’intéressé de ses demandes, considérant que le salarié n’avait pas exprimé un accord clair et non équivoque à sa rétrogradation, de sorte que l’employeur avait alors pu considérer qu’il l’avait refusé et pouvait le licencier pour faute.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé par le salarié, va confirmer la position de la cour d’appel.

L’éminente juridiction va en effet rappeler le principe selon lequel une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée. Ce faisant, elle rappelle la jurisprudence constante en la matière (Soc. 15 juin 2000, n° 98-43.400; 7 juill. 2004, n° 02-44.476).

Mais la réelle difficulté apparaît lorsque aucune réponse claire n’est identifiable.

Or précisément en l’espèce, les termes ambigus de la lettre du salarié ne permettaient pas de caractériser son acceptation claire et non équivoque à la rétrogradation. C’est donc à raison – aux yeux des hauts magistrats – que les juges du fond ont considéré que l’employeur pouvait prononcer une autre sanction, ici le licenciement pour faute.

Une réponse en des termes ambigus à la notification de rétrogradation ne vaut pas acceptation

La solution est la bienvenue, car force est d’admettre qu’elle n’allait pas de soi. Le salarié avait en effet accepté la modification de son contrat en signant l’avenant qui lui avait été proposé. Son refus portait sur la qualification de sanction disciplinaire.

Cette solution s’inscrit en cohérence avec la jurisprudence antérieure, exigeant l’accord du salarié explicite, clair et non équivoque, comme pour toute autre modification du contrat de travail proposée pour un motif non économique (Soc. 31 oct. 2000, n° 98-44.988 ; 7 juill. 2009, n° 08-40.414), elle appellera désormais le salarié à une particulière vigilance lorsqu’il répond à une proposition de rétrogradation.

Le fait de ne pas répondre positivement, de répondre de façon ambiguë, ou de refuser le seul caractère disciplinaire de la mesure l’exposera en effet à l’application de la jurisprudence applicable en matière de refus, et donc le conduire le cas échéant à un licenciement en lieu et place de la proposition de rétrogradation.

Les employeurs auront intérêt à sécuriser leur démarche en exigeant du salarié dans le courrier de proposition une acceptation claire et sans équivoque de la sanction, le cas échéant en lui adressant un formulaire prérempli avec un choix binaire.

Mais encore faudra-t-il que le licenciement soit pourvu d’une cause réelle et sérieuse, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ; et c’est sur l’appréciation de cette cause réelle et sérieuse que les juges d’appel ont été censurés par la Cour de cassation.

A Sophia Antipolis, notre cabinet d’avocats spécialisé dans le droit du travail vous conseille et défend vos intérêts en matière de sanction disciplinaire.

 

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Conditions de la requalification du temps de travail en matière de trajet professionnel

En l’absence de nécessité de se conformer aux directives de l’employeur et d’impossibilité de vaquer à ses occupations, les temps de trajet entre l’hôtel imposé et les lieux d’accomplissement du contrat de travail pour un salarié en déplacement ne peuvent pas faire l’objet d’une requalification du temps de travail. Ces critères sont en revanche remplis pour le salarié contraint, sous peine de sanctions disciplinaires, de suivre un protocole contraignant dans un cours laps de temps pour rejoindre ses locaux de travail à partir de l’entrée du site d’une centrale nucléaire ; et ce quand bien même le règlement du site est imposé par le propriétaire de la centrale, et non par l’employeur lui-même.

Par deux arrêts du 7 juin 2023 (soc., n°21-12.841 et 21-22.445), la chambre sociale de la Cour de Cassation rappelle les critères fondamentaux du temps de travail effectif tirés de l’article L. 3121-1 du code du travail appliqués aux temps de trajet des salariés, pour ce qui concerne le trajet entre le domicile et le lieu de travail, dans des situations plus complexes qu’un classique déplacement entre le domicile habituel du salarié et un lieu de travail sans particularité.

Dans le premier arrêt, le salarié partant pour la semaine visiter en tant que « client mystère » des concessions d’experts en contrôle technique automobile était logé dans des hôtels désignés par l’employeur, loin de son domicile habituel. Dans le second, c’est l’arrivée sur le lieu d’exécution du contrat de travail qui posait la question de la requalification du temps de travail effectif, puisque le salarié devait suivre des directives de sécurités précises et contraignantes dès l’entrée du site de la centrale nucléaire au sein duquel les bureaux de la société l’employant sont situés.

 

Rappel des critères du temps de travail effectif

Pour mémoire, l’article L. 3121-1 prévoit trois critères cumulatifs et interdépendants :

  • Le temps de travail effectif est tout d’abord un temps à disposition de l’employeur, qui comprend donc les temps de présence contrainte, et même d’attente, sur un lieu de travail.
  • Il est aussi un temps de soumission aux ordres de l’employeur ; le temps à disposition doit donc être au moins implicitement demandé ou accepté par l’employeur.
  • Le temps de travail effectif est enfin un temps durant lequel le salarié est en impossibilité de vaquer librement à des occupations personnelles, ce qui s’entend généralement du temps durant lequel il doit se tenir prêt à répondre à toute demande d’intervention, à proximité de son lieu de travail.

En matière de temps de trajet classique entre le domicile du salarié et le lieu d’exécution de son contrat de travail, l’application de ces critères doit conduire à écarter le trajet du temps de travail effectif ; ce n’est pas un temps de disposition, le salarié n’étant pas tenu à un trajet précis ; il n’est d’ailleurs pas tenu de commencer son trajet depuis son domicile, puisque seul importe à l’employeur que le salarié soit à l’heure sur le lieu de travail. Ce n’est pas non plus un temps de soumission exigé par l’employeur ou implicitement accepté par ce dernier. Puisque le salarié n’est pas à disposition de l’employeur, il peut d’ailleurs vaquer à des occupations personnelles durant ce temps de trajet. En somme, le principe posé par l’article L. 3121-4 selon lequel « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif » peut se déduire des critères posés par l’article L. 3121-1 C. Trav.

 

Indifférence du caractère imposé du lieu faisant office de domicile pour le salarié en déplacement

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi vu son arrêt du 2 juillet 2021 (n° 19/00173) cassé en ce qu’elle a condamné un employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires comptabilisées sur la base des temps de trajets entre les hôtels dans lesquels le salarié – en déplacement pour des semaines entières afin de contrôler des concessions de l’entreprise – était tenu de séjourner, et les lieux d’exercice concret de son activité de contrôle des concessionnaires. Pourtant, il y a bien là une directive de l’employeur de séjourner à un endroit précis, dont les frais étaient d’ailleurs pris en charge par l’entreprise. Or la chambre sociale exige de différencier le trajet entre « domicile » et lieu de travail du trajet entre deux lieux de travail différents (Soc. 5 nov. 2003, n° 01-43.109 ; 31 mai 2006, n° 04-45.217). Plus explicitement, le trajet entre deux lieux de travail constitue un temps de travail effectif, selon une jurisprudence établie (Soc. 16 juin 2004, n° 02-43.685 ; 5 mai 2004, n° 01-43.918). Cela a probablement poussé la cour d’appel à raisonner en l’espèce sur la base d’un trajet qui s’initierait non pas depuis le domicile du salarié, mais depuis l’un des lieux de travail que lui a désigné l’employeur, vers un autre lieu d’exécution du contrat de travail.

Cependant, même en considérant que le salarié se voit imposé un lieu de domicile et suit pour cela les directives de l’employeur, cela ne peut transformer le lieu de séjour en lieu de travail au sens de la requalification du temps de travail effectif des trajets professionnels. Le critère de disposition n’est pas clairement rempli ; la présence dans l’hôtel n’est pas réellement contrainte, l’employé n’ayant pas de directive de présence effective liée à des horaires précis. Le critère d’impossibilité de vaquer à des occupations personnelles n’est pas plus validé que celui de disposition, le salarié pouvant disposer de son temps comme il le souhaitait, non seulement dans l’hôtel, mais surtout durant le trajet pour s’y rendre. La cour d’appel a ainsi privé sa décision de base légale en qualifiant ce temps de déplacement professionnel de temps de travail effectif, alors même qu’elle avait constaté que le salarié n’effectuait qu’une visite de concession par jour (il n’y avait donc pas de déplacement entre deux lieux de travail) et qu’il n’avait pas de directive de l’employeur qui l’empêchait de vaquer à des occupations personnelles au cours des trajets.

 

Requalification du temps de travail : importance des contraintes de déplacement sur les sites sécurisés

La Cour d’appel d’Orléans, pour rendre son arrêt du 29 octobre 2020 (n° 17/02488), avait au contraire entendu trop strictement les critères de requalification temps de travail effectif pour refuser cette qualification au temps de trajet du salarié depuis l’entrée du site de la centrale nucléaire jusqu’aux bureaux de l’employeur au sein de ce site, où se trouvaient les pointeuses. Il faut dire que dans cette optique, elle pouvait en apparence s’appuyer sur la jurisprudence, pour laquelle ni le port d’une tenue de travail particulière (Soc. 31 oct. 2007, n° 06-13.232), ni le fait de devoir se déplacer en navette vers le lieu effectif de travail à l’intérieur d’une enceinte sécurisée d’une infrastructure aéroportuaire (Soc. 9 mai 2019, n° 17-20.740) ne suffisait à considérer les trajets concernés pour la requalification du temps de travail effectif.

Pour rendre sa décision, la cour d’appel s’appuyait surtout sur le fait que le règlement intérieur du site de la centrale, qui déterminait des modalités de déplacements nécessairement strictes, était imposé par le propriétaire du site, et non par l’employeur qui n’occupait que des locaux dans l’enceinte. Si directives il y avait, elles ne provenaient donc pas de l’employeur lui-même. Ne pouvait-il point d’ailleurs vaquer à sa guise entre le poste d’accès principal et son propre bureau ?

Mais la chambre sociale qualifie expressément cet argument d’un règlement intérieur imposé par un autre que l’employeur comme source de motifs inopérants de la part de la cour d’appel, qui aurait dû prendre en compte les éléments fournis par le salarié :

  • celui-ci disposait de quinze minutes seulement pour « pointer au poste d’accès principal,
  • […] se soumettre à des contrôles de pratiques,
  • […] respecter toutes les consignes de sécurité en présence de brigades d’intervention,
  • […] respecter un protocole long et minutieux de sécurité pour arriver à son poste de travail », processus du fait duquel la possibilité de vaquer à ses occupations personnelles fait défaut.

Au demeurant, l’argument d’un règlement imposé par une personne extérieure à l’entreprise n’était pas opérant en lui-même, dès lors que le non-respect des consignes de ce règlement par le salarié était susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires infligées par l’employeur.

Plutôt que de se contenter de rapprocher le cas à une jurisprudence antérieure en apparence similaire, il demeure donc bien de l’office du juge d’appliquer les critères du travail effectif aux faits de l’espèce et de constater ici que les critères de disposition et de conformité aux directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles étaient bel et bien remplis.

Vous êtes employeur ou salarié à Carros dans les Alpes-Maritimes ? Vous pouvez prendre rendez-vous avec notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail si vous avez un doute sur la méthode à employer pour le calcul du temps de travail effectif.

 

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Sanction de refus de CDI à l’issue de contrats courts

A l’initiative du Sénat, la loi n°2022-1598 du 22 décembre 2022 limite l’ouverture des droits à chômage des salariés en fin de CDD ou de mission d’intérim, même en cas de refus de CDI à plusieurs reprises.

Pour ce faire, le texte prévoit une nouvelle formalité à accomplir pour l’employeur lorsqu’il propose un CDI à un salarié en fin de CDD ou en fin de mission. Le texte ne prévoit pas la date d’entrée en vigueur de ces nouvelles mesures, mais elle est subordonnée à la parution d’un décret fixant leurs modalités d’application.

 

De nouvelles formalités pour les employeurs

Lorsque l’employeur propose que la relation contractuelle se poursuive à l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, sous la forme d’un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement de lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié.

En cas de refus de CDI de la part du salarié, l’employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé (C. trav. Art. L.1243-11-1 nouveau).

Dans le même sens, lorsque, à l’issue d’une mission, l’entreprise utilisatrice propose au salarié un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi similaire, sans changement du lieu de travail, elle notifie cette proposition par écrit au salarié.

Et, en cas de refus de CDI, elle en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé (C. trav. Art. L.1251-33-1 nouveau).

Cependant, la définition de l’emploi similaire diffère selon que la proposition de CDI fait suite à un CDD ou à une mission d’intérim : le texte ne prévoit pas, s’agissant d’une mission d’intérim, que l’emploi proposé doit être assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée équivalente, ni relever de la même classification.

 

Nouveaux cas d’exclusion des droits à chômage en cas de refus de CDI

Le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne pourra pas être ouvert au titre d’une privation involontaire d’emploi s’il est constaté qu’un demandeur d’emploi a refusé à deux reprises, au cours des 12 mois précédents, une proposition de CDI à l’échéance du terme d’un CDD, ou s’il est constaté que le travailleur temporaire a refusé à deux reprises, au cours de la même période, une proposition de contrat à durée indéterminée (C. trav. Art. L.5422-1, I modifié).

Dans cette hypothèse, le demandeur d’emploi, pourra bénéficier d’une ouverture de droits à chômage seulement (C. trav. Art. L.5422-1, I modifié) :

  • s’il a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période de 12 mois ;
  • ou si la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article L.5411-6-1, à condition que ce projet ait été élaboré avant la date du dernier refus pris en compte.

 

Le refus de CDI peut être à l’origine d’un désaccord entre salariés et employeurs. Vous pouvez prendre rendez-vous avec un cabinet d’avocats spécialisés en droit du travail pour être conseillé dans ce cas particulier.

 

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Temps de travail effectif : le temps de trajet peut-il être pris en compte ?

La question de la définition du temps de travail effectif et de ses frontières a nourri et nourrit encore aujourd’hui un contentieux non négligeable. Ainsi rejaillit régulièrement la question de la porosité entre temps de travail effectif et temps de trajet professionnel, respectivement définis par les articles L.3121-1 et L.3121-4 du Code du travail.

La question se pose alors, avec une acuité renforcée, pour les salariés qui occupent des fonctions itinérantes sans être soumis à une convention de forfait en jours.

S’il est classique et aisément admissible que le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif (Soc. 16 juin 2004, n°02-43.685).

Tel est moins le cas d’un trajet domicile-lieu de travail, en particulier lorsque ce dernier est variable, comme c’est le cas des salariés itinérants.

Ainsi, le temps de trajet d’un salarié commercial itinérant entre son domicile et ses clients en début et fin de poste doit-il être pris en compte dans le décompte de son temps de travail, lorsque le parcours de sa tournée commerciale est défini par l’employeur ? Telle était la question posée à la Chambre sociale de la Cour de cassation dans l’arrêt soumis à l’étude du 23 novembre 2022 (Soc. 23 nov. 2022, FP-B+R, N°20-21.924).

En l’espèce, un salarié recruté comme attaché commercial se rendait chez ses clients à l’aide du véhicule mis à disposition par son employeur.

Or, ce dernier réalisait une partie de ses communications téléphoniques professionnelles en kit main libre sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile, sans que ce temps ne fasse l’objet d’une rémunération.

Ce qui conduit l’intéressé à saisir les juridictions prud’homales d’une demande en paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et de fin de journée professionnelle accompagnant une demande en résiliation judiciaire.

Les juges du fond firent droit à ses demandes en considérant que ces deux trajets journaliers correspondaient effectivement à du temps de travail effectif devant être rétribué en tant que tel.

L’employeur, insatisfait de cette décision, forma un pourvoi en cassation, que la chambre sociale va rejeter au terme d’un raisonnement construit sur la définition du temps de travail.

 

Reprécisions sur la définition du temps de travail

L’article L.3121-1 du Code du travail définit le temps de travail effectif comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Sa frontière avec le temps de déplacement professionnel est elle-même identifiée au sein du même code à l’article L.3121-4 qui précise que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, bien qu’il doive faire l’objet d’une compensation lorsqu’il excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail.

Ainsi, la situation des travailleurs qui n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel a également pu faire l’objet d’une prise d’une position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considérant que constituent du « temps de travail » le temps de déplacement que ces travailleurs, tels que celui de l’espèce considérée, consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client désignés par leur employeur.

 La Chambre sociale de la Cour de cassation va considérer que le fait que la CJUE retient que les notions de « temps de travail » et de « période de repos » constituent des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir de façon autonome, selon les caractéristiques objectives, dont les Etats membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée.

La Chambre sociale va aussi rappeler sa propre jurisprudence qui considérait que le mode de rémunération des travailleurs dans une situation dans laquelle les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et dernier clients désignés par leur employeur relève, des dispositions pertinentes du droit national et qu’en application de l’article L.3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n’est pas du temps de travail effectif, doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière (Soc. 30 mai 2018, n°16-20.634).

 

Un temps de trajet peut être du temps de travail effectif

La Cour de Cassation affirme dans le présent arrêt un infléchissement, en considérant désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients répondent à la définition du temps de travail effectif, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L.3121-4 du Code du travail.

En l’espèce, le salarié devait, en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre, dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de :

  • fixer des rendez-vous,
  • appeler et répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens.

Il exerçait des fonctions de « technico-commercial » itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès de ses clients de l’entreprise répartis sur sept départements éloignés de son domicile. Cela le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pouvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées.

 Il était alors manifeste aux yeux des juges que pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, l’intéressé devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Ainsi, ces temps de déplacement devaient être qualifiés de temps de travail effectif et épouser le régime juridique dédié, y compris en termes de rémunération.

De ce fait, la posture de la Chambre sociale demeure ici nuancée, en ce qu’il faudra procéder à un premier travail de qualification autour de la définition du temps de travail effectif, sans pouvoir invoquer l’automaticité de la reconnaissance en temps de travail effectif des temps de trajets de début et de fin de poste commerciaux itinérants.

Seule une étude des sujétions pesant sur le salarié pendant ces trajets permettra alors d’en déduire, comme le montrait l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt, la qualification de temps de travail et la déduction des conséquences indemnitaires correspondantes.

 

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Licenciement et secret médical : L’employeur peut-il licencier un salarié en s’appuyant sur des éléments couverts par le secret médical ?

Licenciement et secret médical : Un salarié professionnel de santé peut-il reprocher à son employeur d’avoir motivé sa lettre de licenciement par des éléments couverts par le secret médical ? La Cour de cassation rappelle en matière de licenciement et secret médical, dans un arrêt récent du 15 juin 2022 (Cass.soc. 15-6-2022, n°20-21.090), que le secret médical a été institué dans le seul intérêt du patient.

En l’espèce, une infirmière coordinatrice, employée dans une maison de retraite est convoquée à un entretien préalable à la suite du décès d’une résidente ; l’employeur considérait que ce décès serait en partie imputable à un défaut de surveillance et de prise en charge par les équipes soignantes placées sous la responsabilité de la salariée.

De plus, en approfondissant ses recherches, l’employeur a constaté notamment que :

  • Les plans de soins des résidents n’étaient pas à jour, voire qu’ils étaient totalement absents de leurs dossiers de soins,
  • Le contrôle des pesées de plusieurs résidents était négligé,
  • La tenue des dossier médicaux était défectueuse,
  • De nombreux résidents avaient pris des traitements sans ordonnance en cours de validité,
  • La salariée avait laissé les aides-soignants installer des barrières de lit à certains résidents, en dépit de toute prescription médicale.

De ce fait, considérant que la salariée avait commis des négligences graves dans l’exécution de son contrat de travail et porté ainsi atteinte à la santé des résidents, l’employeur a prononcé à son encontre un licenciement pour faute grave.

La salariée a porté l’affaire devant le Conseil de Prud’Hommes en contestant la légitimité de son licenciement. Celui-ci lui a donné raison.

La Cour d’Appel, saisie du litige par l’employeur, a jugé au contraire que le licenciement pour faute grave était bien fondé et que les manquements relevés rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

La salariée va former un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel, en faisant valoir que son licenciement était nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse car fondé sur une violation par l’employeur du principe fondamental du secret médical.

Elle en veut pour preuve la motivation de sa lettre de licenciement qui fait état d’un manque de soins à l’égard de patients identifiables, en renvoyant à des informations tirées de leur dossier médical.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la salariée. Elle relève que le secret médical professionnel prévu par ces dispositions est institué dans l’intérêt des patients, afin de protéger leur vie privée et le secret des informations médicales les concernant.

La Cour de Cassation, s’agissant d’un droit propre du patient, déduit que le salarié, professionnel de santé, ne peut pas invoquer à l’égard de son employeur une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations portant atteinte à la santé des patients.

 

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Contrôle des horaires de travail : les badgeuses photos sont-elles légales ?

La relation de travail née d’un contrat de travail implique nécessaire un lien de subordination entre le salarié et l’employeur. Avec le contrôle des horaires de travail, l’employeur dispose du pouvoir d’édicter les règles au sein de l’entreprise, à travers notamment le règlement intérieur. Il dispose aussi d’un pouvoir disciplinaire pour sanctionner la faute d’un salarié. Il a également la faculté de contrôler le respect des règles édictées.

Néanmoins, le pouvoir de direction de l’employeur n’est pas absolu, et ne saurait conférer à l’employeur des prérogatives totalement injustifiées. Il ne peut par exemple pas diminuer unilatéralement la rémunération du salarié, le rétrograder, changer des éléments essentiels du contrat de travail.

En revanche, l’employeur peut justifier certaines mesures dans l’intérêt de l’entreprise et notamment des mesures de gestion du temps de travail effectué par les salariés et, dans son devoir du contrôle du temps de travail, permettant la vérification du respect de ses obligations.

Le système de badgeuse est un système de contrôle apprécié des employeurs parce qu’il permet, au sein d’une entreprise, de faciliter le relevé et le décompte des heures de travail réalisées par les employés. Le logiciel qui peut être associé, facilite l’accès aux données en temps réel, le contrôle de la présence et du respect des horaires dans l’entreprise.

Pour autant, ce contrôle ne doit pas être excessif et disproportionné. La CNIL, le 27 août 2020, a diffusé un communiqué au sujet des badgeuses qui photographiaient les salariés.

En effet, la CNIL explique avoir mis en demeure plusieurs organismes publics et privés qui ont utilisé des badgeuses photo, de se mettre en conformité avec le RGPD (règlement général sur la protection des données) dans un délai de trois mois.

En 2018, la CNIL a reçu six plaintes émanant d’agents publics et de salariés d’entreprises dénonçant la mise en place par leur employeur de badgeuses photo sur leur lieu de travail. Ces dispositifs de contrôle d’accès par badge intègrent une prise de photographie systématique à chaque pointage.

Quatre contrôles, menés entre mars et septembre 2019, ont permis de confirmer l’usage de ces dispositifs au sein des organismes publics et privés.

 

Le contrôle des horaires de travail doit respecter la RGPD

L’article 5, 1-c du RGPD prévoit un principe de minimisation qui implique que tout dispositif de contrôle des horaires de travail y soit conforme.

La CNIL rappelle que ce principe fait écho à l’article L. 1121-1 du Code du travail, applicable aux contrats de droit privé : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Également, le respect du RGPD participe à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

L’argument des employeurs tenant à prévenir les risques de fraude n’est pas entendable pour la CNIL qui rappelle que le renforcement du rôle du personnel encadrant devrait être privilégié au recours à des dispositifs de contrôle reposant sur des technologies intrusives.

Le CNIL avait alors annoncé, en cas de non-conformité après mise en demeure, la possibilité pour la Présidente de saisir la formation restreinte de la CNIL qui pourra prononcer une sanction pécuniaire et rendre celle-ci publique.

La CNIL considère donc que la badgeuse photo n’est jamais justifié comme contrôle des salariés de leurs horaires sur le lieu de travail.

 

L’interdiction des dispositifs de contrôle intrusif

La badgeuse photo n’est pas le premier dispositif de contrôle des horaires de travail jugé non conforme à la protection de la vie privée des salariés. Certains, voire même plus intrusifs, sont en principe interdits en raison de leur caractère excessif. C’est notamment le cas de la géolocalisation ou encore des empreintes digitales.

Par exemple la Cour de cassation dans son arrêt du 3 novembre 2011 (Cass. soc., 3 novembre 2011 n° 10-18.036) énonce que « l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail« , et ce même si cet « autre moyen » est moins efficace.

Par ailleurs, la Cour indique « qu’un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés ».

Également, le Conseil d’état a considéré que lorsque l’employeur peut contrôler le temps de travail par d’autres moyens, par exemple à partir de documents déclaratifs du salarié, le recours à la géolocalisation n’est pas justifié (CE 15 décembre 2017 n° 403776).

L’utilisation d’un dispositif de pointage biométrique de reconnaissance des empreintes digitales aux fins d’accès aux locaux ou de contrôle des horaires de travail, sauf circonstances exceptionnelles qu’il appartient à l’entreprise d’établir, est prohibée (Délib. CNIL 2018-009 du 6 septembre 2018 ; 2019-001 du 10 janvier 2019).

 

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PSE : toutes les offres de reclassement professionnel, sans exception doivent y figurer

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) doit être mis en œuvre par l’employeur, en cas de licenciement pour motif économique. Ce plan vise à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre. Il est établi en fonction du nombre de salariés dont le licenciement est envisagé et doit faire l’objet d’une validation ou d’une homologation de son contenu par la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités). Il doit notamment prévoir un plan de reclassement professionnel.

Le PSE est un dispositif qui prévoit diverses mesures dans le but d’éviter ou de limiter les licenciements pour motif économique dans l’entreprise. Il est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés minimum, lorsque le projet de licenciement concerne 10 salariés minimum sur une période de 30 jours consécutifs.

Le PSE doit comporter des éléments obligatoires. Principalement, il intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement est inévitable.

La procédure de suivi de la mise en œuvre du plan de reclassement est précisée dans le PSE.

Le PSE prévoit notamment les éléments suivants :

  • Des actions visant au reclassement interne en France des salariés, sur des emplois relevant de la même catégorie d’emplois ou équivalents à ceux qu’ils occupent (ou, sous réserve de l’accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure),
  • Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs établissements,
  • Créations d’activités nouvelles par l’entreprise,
  • Des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise (notamment par le soutien à la réactivation du bassin d’emploi),
  • Des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés,
  • Des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience (VAE) ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents,
  • Des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière,
  • Conditions de mise en œuvre du congé de reclassement ou du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), etc.

Lorsque le licenciement peut être évité, l’employeur doit, à cette fin, procéder à une recherche sérieuse des postes de reclassement professionnel disponibles dans l’entreprise, ou, si elle appartient à un groupe, parmi les entreprises du groupe situées en France (article L. 1233-62 du Code du travail) et dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (article L. 1233-4 du Code du travail).

La DREETS doit s’assurer que le PSE de reclassement comporte des mesures concrètes et précises de nature à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre. A cet effet, le plan doit préciser le nombre, la nature et la localisation des postes de reclassement (CE Ass. 22 juillet 2015 n°383481).

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt récent, le 22 juillet 2022 (CE 22 juillet 2022 n° 434362) ajoutant une précision sur la nature des propositions de reclassement.

 

Reclassement professionnel : tous les contrats sont concernés, y compris les CDD

Le Conseil d’Etat exige que l’employeur identifie tous les emplois disponibles pour un reclassement interne, et ce quelle que soit la durée des contrats de travail susceptibles d’être proposés pour y pourvoir.

Cette décision n’est pas surprenante, le même principe a déjà été retenu par la Cour de cassation (Cass. soc., 29 janvier 2002 n°00-41.885 ; Cass. soc., 5 mars 2014 n° 12-24.456). Mais également par le Conseil d’Etat, concernant un salarié protégé (CE 11 juin 1990 n°84650).

En l’espèce, le PSE ne comprenait que des postes en CDI ou en CDD mais d’au moins trois mois, à tort selon le Conseil d’Etat.

Néanmoins, l’ensemble du PSE comprenait de nombreuses autres mesures de reclassement précises et concrètes. Le Conseil a donc considéré que les mesures prévues par le PSE étaient suffisantes. Ainsi, ne pouvait être justifiée l’annulation de la décision d’homologation administrative du plan.

 

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Transfert d’entreprise et principe d’égalité de traitement des salariés

Le changement dans la situation juridique de l’employeur, ou transfert d’entreprise, est une opération par laquelle une activité économique se voit confiée à un nouvel exploitant. Ce transfert déploie, vers un second employeur, ses effets tant sur les contrats de travail que sur les relations collectives de travail ou les prérogatives de chacun des employeurs successifs.

Le transfert d’entreprise concerne tous les travailleurs et tous les changements de situation juridique dans la situation de l’entreprise

Le maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise provient d’une règle ancienne, née de la loi du 19 juillet 1928. Elles sont aujourd’hui inscrites à l’article L. 1224-1 du Code du travail et ont été complétées par la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements.

La jurisprudence a souvent fluctué dans l’interprétation de ces textes, mais elle retient que ce texte a pour finalité la sauvegarde de l’emploi et non la continuité de l’entreprise. Les règles afférentes au transfert d’entreprise sont d’ordre public afin de permettre le maintien impératif des contrats de travail.

Cependant, le transfert d’entreprise est souvent source d’inégalités entre les salariés dont le contrat de travail est transféré et ceux de l’entreprise d’accueil.

En effet, l’article L. 1224-1 du Code du travail impose au nouvel employeur de maintenir les contrats de travail des salariés transférés dans les mêmes conditions. De cette façon, les salariés transférés peuvent être amenés à jouir de droits et d’avantages dont ne bénéficient pas leurs collègues de l’entreprise d’accueil.

C’est à cet égard que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu trois arrêts le 23 juin 2021 (Cass. soc., 23 juin 2021 n° 19-21.772, n°18-24.809, n°18-24.810).

La Chambre a dû répondre à deux questions :

  • La différence de de traitement établie par un engagement unilatéral de l’employeur à la suite d’un transfert peut-elle reposer sur une raison objective ?
  • L’application volontaire de l’article L. 1224-1 peut-elle justifier une différence de traitement ?

 

L’inégalité de traitement liée à un transfert d’entreprise peut être licite

Dans l’affaire n° 19-21.772, le nouvel employeur s’est engagé unilatéralement à verser la même prime d’assiduité déjà perçue par les salariés transférés, aux salariés de l’entreprise d’accueil qui travaillaient tous sur le site d’Aubagne.

Or, les salariés de l’entreprise d’accueil présents sur le site de Narbonne ont contesté cet engagement unilatéral de l’employeur et revendiquaient l’octroi de la prime d’assiduité par des salariés de la même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, sous peine de créer une différence de rémunération injustifiée.

La Cour d’appel a rejeté leur demande, elle a considéré que la volonté de l’employeur de réduire les disparités entre les salariés exerçant un même travail sur un même site constituait une raison objective justifiant la différence de traitement avec les salariés des autres sites.

La Cour de cassation rejoint le raisonnement de la Cour d’appel et a rejeté le pourvoi.

Elle énonce un attendu de principe : la différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés de la même entreprise et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objective, dont le juge contrôle la réalité et la pertinence.

 

Le transfert d’entreprise volontaire peut justifier une différence de traitement

Dans les deux autres affaires, des salariés de la même entreprise revendiquaient l’octroi d’une prime de 13e mois, versée seulement aux salariés dont le contrat de travail avait été repris. Ils arguaient leur défense d’une inégalité de traitement injustifiée.

La Cour d’appel a constaté un transfert volontaire des contrats de travail (non obligatoire) par le repreneur, ce qui ne permettait pas de justifier l’inégalité de traitement.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et pose un principe : l’obligation à laquelle est tenue l’employeur repreneur, en cas de reprise de contrats de travail par application volontaire de l’article L. 1224-1 du Code du travail, est celle de maintenir au bénéfice du salarié, les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur.

Si cette obligation est respectée, l’employeur justifie la différence de rémunération qui en résulte par rapport aux autres salariés. De ce fait, il ne viole pas le principe de l’égalité de traitement et ne doit apporter aucun justificatif à cette différence de traitement.

 

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