Quelles sont vos obligations d’employeur en cas de harcèlement moral dénoncé ?

2020-07-21T11:59:31+02:007 juillet 2020|

L’employeur a une obligation générale de prévention, particulièrement en cas de harcèlement moral au travail, afin d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (art. L. 4121-1 et suiv. du Code du travail) et  (art. L . 1152-1 et suiv. du Code du travail).

Il appartient ainsi à l’employeur :

  • en amont, en lien notamment avec les IRP et services de santé au travail, d’avoir mis en place les actions utiles de prévention (informations, formations, écoute, organisation du travail, etc.) ;
  •  en aval, de réagir efficacement et rapidement à un signalement de harcèlement moral pour, s’il est avéré, y mettre fin et prendre les mesures appropriées. Pour ce faire « l’enquête interne » apparaît comme l’outil au cœur de cette prévention.

Les membres du CSE peuvent signaler le harcèlement à l’employeur (article L. 2312-59 du Code du travail) ou l’alerter en cas de danger grave et imminent (article L. 2312-60 du Code du travail).

 

Quels sont les outils d’identification et de prévention dont dispose l’employeur ?

L’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et les violences au travail vous impose en tant qu’employeur d’agir dès les premiers signes de violence ou de harcèlement.

L’accord indique qu’aucun salarié ne doit subir des agissements de harcèlement ou de violences dans le cadre de son travail.

  • La violence au travail se produit lorsque votre salarié est agressé dans des circonstances liées au travail.
    Il peut s’agir de violence interne entre deux salariés (agression verbale ou physique, etc.), mais aussi de violences externes, lorsque par exemple, votre salarié subit des incivilités de la part d’un client.
  • Le harcèlement survient lorsque votre salarié fait l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétés et délibérés dans des situations liées au travail. Tous vos salariés, qu’ils soient de sexe féminin ou masculin, peuvent avoir un comportement de harceleur ou en être victime.

Outils de prévention du harcèlement moral au travail :

Vous devez protéger la santé et la sécurité de vos salariés. À ce titre, vous devez prendre toutes les mesures de prévention nécessaires. Vous devez notamment intervenir en cas de tels agissements au sein de votre entreprise. Toute inaction de votre part entraîne votre responsabilité  !

C’est pourquoi, l’accord vous recommande de recenser les situations de harcèlement et de violence au sein de votre entreprise afin de prendre les mesures de prévention adéquates.
Afin de vous aider dans cette démarche, vous pouvez faire appel à votre médecin du travail et à votre comité social et économique.

De nombreuses entreprises ont organisé le traitement de situation de harcèlement moral en encadrant les procédures d’enquête, dans le cadre d’accords collectifs, du règlement intérieur ou d’une « charte de référence ». Ainsi, cette dernière, annexée au règlement intérieur de votre entreprise, indique la procédure à suivre en cas de harcèlement ou de violence au travail.

L’accord vous rappelle que votre règlement intérieur doit expressément prévoir les sanctions applicables à l’égard de l’auteur des faits de harcèlement ou de violence.

Ces outils de prévention permettent à l’employeur d’anticiper les moyens d’identification de harcèlement moral au travail. Il est ainsi en mesure d’organiser en amont, les modalités de déclenchement et d’organisation d’une enquête, avec les partenaires sociaux, ce qui :

  • permet une réactivité immédiate, notamment dans la phase préliminaire ;
  • de respecter les règles d’objectivité et d’impartialité pour le déroulement de l’enquête ;
  • de prendre des mesures conservatoires nécessaires ;
  • d’organiser les recours internes possibles.

Vous pouvez également instaurer et suivre des formations aux risques psychosociaux ou pour repérer les souffrances au travail.

Outils d’actions contre le harcèlement moral au travail :

Attention : aucune plainte d’un salarié ne doit rester sans suite. Votre inertie serait fautive. Vous devez mettre en place, sans retard, une procédure d’enquête afin de faire cesser tout trouble.

Cette dernière pourra comprendre 2 phases :

  • une phase d’identification : recherche d’informations détaillées, témoignages, écoute des parties impliquées, etc. ; lors de cette phase, une assistance extérieure peut être utile. Elle peut notamment s’appuyer sur les services de santé au travail ;
  • une phase de traitement : sanction disciplinaire pour l’auteur de faits avérés et pour l’auteur de fausses accusations délibérées, mise en œuvre d’actions de prévention, etc.

Le devoir d’enquête de l’employeur a été récemment confirmé par la jurisprudence. L’employeur doit mettre en place une enquête interne, même si les faits de harcèlement moral au travail ne sont pas établis (Cass. soc., 27 novembre 2019 n° 18-10.551).

La Cour d’appel avait débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation générale de prévention au motif que le harcèlement moral n’avait pas été retenu. Décision censurée par la Cour de Cassation : « manque à son obligation de sécurité, l’employeur qui ne prend aucune mesure et qui n’ordonne aucune enquête après qu’un salarié ait dénoncé des agissements de harcèlement moral, que ces agissements soient établis ou non ».

La Cour de cassation rappelle aussi que la preuve du harcèlement moral ne pèse pas uniquement sur le salarié. Mais que celui-ci il peut également réunir un maximum de preuves des situations démontrant l’existence du préjudice.

 

Cette obligation pour l’employeur d’enquêter a été instaurée par plusieurs décisions de la Cour de Cassation, rappelées ci-après :

• Cass. soc., 7 avril 2016 n°14-23.705 : manque à son obligation de prévention l’employeur qui malgré la demande du salarié s’estimant victime de harcèlement moral ne met en place aucune enquête ; (dans le même sens : CA Toulouse, 23 août 2007, RG n°06/00293).
• Cass. soc., 29 juin 2011 n°09-70.902 : abstention fautive de l’employeur qui n’initie pas une enquête interne, ce qui aurait permis d’avoir une connaissance exacte des faits.
• Recevoir le salarié peut s’avérer insuffisant : il a été jugé que le seul fait d’avoir eu un ou plusieurs entretiens avec le salarié victime ne peut suppléer l’absence d’enquête : CA Nancy, 14 septembre 2007 RG 06/02583 : recevoir le salarié (en évoquant une simple mésentente) et en refusant de prendre toute autre mesure est gravement fautif.

 

Lire d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail dans le 06, au sujet du harcèlement :

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